Parfois, il ne faut pas grand chose pour changer le fil d’une saison. Le fil de l’histoire. Et si dimanche, Alexis Pinturault rentre à Courchevel avec une imposante sphère de cristal dans ses bagages, Marco Odermatt pourra nourrir passablement de regrets. Et ce, même s’il remporte un premier Globe dans sa carrière, en géant. Certes, le skieur d’Hergiswil n’était pas attendu à ce niveau en début d’hiver, mais l’appétit vient en mangeant. Et s’il évoquait “le futur” pour aller chercher ce trophée avant la saison, “Odi” ne serait pas contre trinquer avec du cristal dès cet hiver.

Pourtant, le prodige de 23 ans n’a pas vraiment pu compter sur la réussite. Et le premier géant, à Sölden, résume presque entièrement son hiver. Déjà très en forme, le Nidwaldien réussit une véritable démonstration, mais échoue à 0″05 du Norvégien Lucas Braathen et donc de la victoire. Pas de quoi le décevoir, mais sans doute qu’une pointe d’amertume résiduelle restait dans le camp suisse. Car ce sont déjà des points qui s’envolaient.

Le Covid-19, premier frein et premier tour de force pour “Pintu”

Mais il ne s’agissait alors que de résultats purement sportifs. Le Covid-19 s’est ensuite mêlé à la danse. Comme Loïc Meillard et Justin Murisier, Marco Odermatt a lui aussi contracté le virus, et ainsi dû faire l’impasse sur le parallèle de Lech/Zürs. Un mal pour un bien, se dit-on à ce moment-là, tant l’épreuve est décriée. Sauf qu’Alexis Pinturault s’était lui offert 100 points dans le Vorarlberg. Après coup, ce total pèse lourd dans la balance.

Car derrière, Marco Odermatt avait effectué un vrai retour en force, lors des géants de Santa Caterina notamment. Le quintuple champion du monde juniors avait pris la 3e place et s’était emparé du dossard rouge pour la première fois avant de s’imposer deux jours plus tard, mettant fin à une disette de 9 ans pour les géantistes helvétiques. A Val d’Isère, il était ensuite resté en retrait, cédant le trône de leader de la Coupe du monde à son rival français. Idem à Val Gardena, où il n’avait même pas pris le départ de la descente, pas en confiance sur la Saslong.

Le dossard 31 à Kitzbühel, un coup dur dans le portillon de départ

Le skieur de 23 ans en avait aussi profité pour se préserver pour le géant d’Alta Badia, où il a pris la 4e place, 0″04 derrière Justin Murisier, qui montait lui sur le premier podium de sa carrière. Entre Noël et Nouvel An, “Odi” a débuté sa montée en puissance en vitesse. Neuvième du super-G mais surtout 12e de la descente avec le dossard 31, il n’a ensuite cessé de progresser. Après un week-end réussi à Adelboden, sur la Chüenisbärgli qu’il apprécie tant et où il a offert un premier podium à la Suisse depuis 13 ans, le Nidwaldien a connu le week-end des extrêmes à Kitzbühel.

Dans le négatif tout d’abord. Lors de la première descente, Beat Feuz l’emporte pour la première fois sur la Streif pendant qu’Urs Kryenbühl chute lourdement. Dossard 31, Marco Odermatt ne peut pas prendre le départ en raison du vent et des longues interruptions dues aux chutes qui contraignent les organisateurs à arrêter la course après le dossard 30. Le souriant skieur de 23 ans restera coincé dans le portillon de départ. Un acte manqué. Deux jours plus tard, il entre dans le top 10 de la deuxième descente, prouvant que les courses du Hahnenkamm sont faites pour lui. D’ailleurs, le lendemain, il monte sur le podium du super-G avec la manière. De quoi regretter encore un peu plus de ne pas avoir pris le départ de la première descente.

Les finales de Lenzerheide, le coup de grâce

La suite, c’est un très solide week-end en Bavière, des Championnats du monde en demi-teinte et une remontée fantastique dans la foulée des joutes de Cortina d’Ampezzo. D’abord à Bansko, puis à Saalbach-Hinterglemm, où il subit un nouveau coup du sort avec l’annulation d’une descente qui ne sera jamais remplacée. Là aussi, il peut nourrir des regrets, puisqu’il a pris la 5e place de l’autre épreuve au programme, avant de réussir une démonstration lors du super-G, comme d’ailleurs en géant quelques jours plus tard à Kranjska Gora.

En restant sur deux succès, Marco Odermatt abordait les finales de Lenzerheide avec le plein de confiance. Personne ne semblait en mesure de l’arrêter. Mais la météo s’en est mêlée. Et a joué un vilain tour au Nidwaldien puisque les entraînements, puis la descente et même le super-G, ont été annulés. En tout, “Odi” aura manqué cinq courses lors desquels il aurait pu marquer de gros points. “Je n’ai pas de chance, c’est dur, a-t-il confié. Mais je ne peux rien y faire. Il y a eu 11 slaloms et seulement 6 descentes et 6 super-G pour moi. Je pense que ce n’est pas juste, peut-être qu’ils feront quelque chose pour l’année prochaine.” Et dire que le géant de samedi est lui aussi en sursis en raison de prévisions défavorables…

Laurent Morel, Lenzerheide