« Loïc, c’est un grand talent! Sa grande difficulté, un peu comme moi par le passé et alors que les Suisses ont énormément de moyens, c’est qu’ils en ont mis très peu sur lui. » Les mots sont signés Alexis Pinturault. Vainqueur du grand Globe de cristal en 2021, le Français n’y va pas de main morte et se retrouve dans les problèmes qu’a pu rencontrer son voisin ces dernières saisons. Il faut dire que sa trajectoire est similaire à celle de Loïc Meillard. D’ailleurs, les deux hommes sont probablement les skieurs les plus polyvalents du Cirque blanc en ce moment.

Les parallèles ne s’arrêtent pas là entre eux. Tous deux ont souvent été bloqués par un grand dominateur, à l’image d’un Roger Federer sur Stan Wawrinka. Pour « Pintu », c’était Marcel Hirscher. Loïc Meillard est lui dans l’ombre de Marco Odermatt. Et leurs succès passent par l’émancipation. Alexis Pinturault a créé sa structure privée tandis que Loïc Meillard profite d’un nouveau fonctionnement, depuis cet hiver avec un entraîneur dédié à chaque compétition.

Des entraîneurs dédiés

Auparavant membre à part entière de l’équipe de géant comme « Odi », le skieur d’Hérémence est désormais intégré au sein du groupe de slalom. Et il bénéficie d’un programme personnalisé, qui lui permet de s’entraîner aussi bien entre les piquets serrés qu’en géant et en vitesse, en cas de besoin. « Il a toujours bien skié mais il a renforcé sa confiance car il a un staff derrière lui, expliquent, en coeur, Matteo Joris, Thierry Meynet et Julien Vuignier (son coach principal), qui gèrent l’équipe de slalom. Il peut s’appuyer sur nous trois. Loïc marche beaucoup au relationnel. Tous les quatre, on a une bonne osmose. »

Loïc Meillard aurait-il trouvé la recette du succès? « Il y a eu des discussions, et on a cherché la meilleure solution pour mes besoins, explique le Valaisan. On est arrivés à la conclusion qu’il fallait changer de groupe. C’était la meilleure direction à prendre. La solution parfaite, il n’y en a pas. Mais c’est bien d’avoir toujours un entraîneur. Je peux toujours avoir un retour, discuter avec quelqu’un qui m’a vu pendant l’été, à Ushuaïa notamment. » Et cela semble porter ses fruits puisque les résultats commencent à suivre, même si sa 9e place actuelle au classement général de la Coupe du monde ne reflète pas exactement le cap qu’il a franchi depuis le début de l’hiver. Mais la réussite va finir par tourner.

« S’il traîne au milieu d’un groupe, ça ne sert à rien. »

Désormais, le frère de Mélanie peut espérer décrocher sa première victoire dans une des disciplines traditionnelles (il compte un succès en parallèle à Chamonix en février 2020). Depuis le début de l’hiver, il compte deux troisièmes places en slalom (à Val d’Isère) et en super-G (à Bormio), et une 4e en géant (à Alta Badia). Son podium en super-G en Italie était une nouvelle preuve qu’il peut viser les premiers rangs à chaque départ. « Il continue de casser des barrières et crédibilise tout le bien qu’on pense de lui, détaille Julien Vuignier. Il doit encore progresser dans le passage d’une discipline à l’autre et gagner en constance. Mais quand il va commencer à gagner, ça peut s’enchaîner. »

Tout simplement, Loïc Meillard est un diamant qu’il faut polir. « On doit le protéger et tout faire pour développer ses qualités, abondent l’ensemble de ses entraîneurs. On est décidés à l’aider à préparer au mieux chaque course. S’il traîne au milieu d’un groupe, ça ne sert à rien. » C’est en quelque sorte l’état d’esprit d’Alexis Pinturault, qui a su éclore au sein de sa structure privée. « C’est beaucoup plus facile pour un athlète qui skie en vitesse et en géant qu’un autre qui skie en technique et en super-G, explique le Français. Ce n’est pas pour rien que quasiment personne ne le fait. En descente et en super-G, les entraînements se font presque uniquement sur les pistes de Coupe du monde avant les compétitions. C’est complètement différent en géant et en slalom. On est toujours livrés à nous-mêmes. »

Renforcer le groupe des slalomeurs

Du coup, il faut trouver de nouvelles solutions. Et celle qui a été mise en place ne devrait pas seulement aider le skieur d’origine neuchâteloise mais tout le groupe de slalom helvétique. « C’est sûr qu’il a un niveau en slalom qui pousse les autres, précise Matteo Joris. C’est quelqu’un de très dynamique et il n’y pas peur d’enchaîner les manches. » Le principal intéressé reste modeste: « Je ne sais pas si j’ai mis un petit coup de pied au cul à cette équipe, mais c’est vrai que je dois saisir chaque opportunité. Et donc, j’ai plus tendance à mettre le pied au plancher que les autres pour compenser ce que je n’ai pas à côté. Cela a peut-être réveillé certains et tant mieux. »

C’est donc du gagnant-gagnant. Mais à 26 ans, le prodige Loïc Meillard n’a plus de temps à perdre. « Ma situation n’est pas facile, c’est sûr. Je me retrouve un peu tout seul et en fin de compte, c’est à moi de découvrir ce qui fonctionne le mieux, que ce soit au niveau des courses, de l’entraînement ou de la récupération, avoue-t-il. Quand on sait à quoi se joue une victoire ou un podium… Mais je fais petit à petit mon chemin. Je progresse. Et je me rends compte que ça vaut la peine d’investir du temps à gauche et à droite et de construire tout ça en même temps. » Le travail finira par payer.

La Suisse doit miser sur lui

Reste que l’Hérensard a peut-être perdu du temps. « C’était vraiment important qu’il puisse bénéficier de ce genre de structure, décrit encore Alexis Pinturault. Encore une fois, c’est extrêmement difficile de faire nos calendrier, beaucoup plus que pour un Marco Odermatt. Et la Suisse, il ne faut pas oublier que c’est le plus gros pays du ski avec l’Autriche. En terme de budget, c’est une nation qui a d’énormes moyens. Je pense qu’il y a de quoi trouver des solutions. La preuve, c’est qu’ils ont fini par le faire. Loïc est un vrai talent et le mérite. » Et lorsque l’on sait que les compliments viennent de celui qui sera probablement son principal rival lors du combiné des Championnats du monde, entre autres…

Laurent Morel/JT, Adelboden