“Je ne suis pas là pour acheter du terrain.” François Faivre est un coach qui a le sens de la formule et de l’humour, mais qui possède surtout de l’ambition. “J’aime faire les choses bien et j’aime quand on réussit. Si on est sérieux et que l’on travaille, tout peut fonctionner. Mais il faut se donner les moyens. Et c’est cela je veux le transmettre aux athlètes.” Que ce soit à l’entraînement ou en compétition, le Français de 42 ans est celui qui motive, pousse, voire houspille les Jovian Hediger, Erwan Käser, Roman Furger, Valerio Grond ou autres Nadine Fähndrich. Depuis un peu plus d’une année, il est l’un des deux entraîneurs en chef de l’équipe de Suisse de ski de fond, avec Kein Einaste, en charge depuis le printemps dernier du groupe de sprint en particulier.

Un coach tricolore pour entraîner des athlètes helvétiques, pour une grande majorité alémaniques, pourrait en étonner plus d’un, mais François Faivre n’est de loin pas le dernier venu. Son palmarès accomplit un homme qui a toujours su mobiliser ses troupes dans les grands rendez-vous. Il est l’homme qui a notamment permis à l’équipe de France de décrocher trois médailles en relais (Championnats du monde 2015 à Falun, Jeux olympiques 2018 à PyeongChang et Mondiaux 2019 à Seefeld), sans oublier le bronze olympique de Maurice Manificat et de Richard Jouve en sprint par équipes à PyeongChang et l’argent mondial de ce même Manificat sur 15 km à Falun.

Eviction de l’équipe de France: “Un mal pour un bien”

“Etre entraîneur a toujours été une vocation”, lance le Lorrain qui a grandi dans le milieu du fond, sans pour autant percer skis aux pieds. “J’ai fait de la compétition tout jeune, mais je n’avais pas l’implication, ni le mental pour faire du haut niveau.” François Faivre, qui a fait ses armes sur les pistes des Vosges, s’est alors passionné pour le coaching. Il devient en 2011 responsable du pôle France de Prémanon, à côté de la frontière suisse où il réside toujours, avant de prendre les rennes de l’équipe de France de ski de fond en 2014, avec succès. “Je suis capable d’imposer davantage aux athlètes qu’à moi-même lorsque je courrais. Peut-être que j’étais aussi limité quand j’étais coureur”, se marre-t-il précisant que ce qui lui plaît dans son métier c’est de “comprendre, chercher, proposer des solutions, accompagner”.

Et à la tête de l’équipe de Suisse, François Faivre “s’éclate”. “J’ai retrouvé une motivation que j’avais perdue avec l’équipe de France.” Il est vrai que le coach de Nancy a mal vécu son éviction du team tricolore après six ans de bons, loyaux et fructueux services. “Quand on s’investit corps et âme pour une équipe qui ne vous le rend pas forcément à la fin, ce n’est pas agréable. Mais c’est le sport de haut niveau.” Et il ne regrette aucunement son choix d’avoir passé la frontière du côté de La Cure. “Avec le recul, je suis heureux que ça se soit passé comme cela. C’était un mal pour un bien” Même la barrière de la langue alémanique à fort accent grison n’a jamais posé un problème. “Les différentes cultures en Suisse peuvent être déroutantes au début. Mais lorsque je ne suis pas avec Jovian (Hediger), ni Erwan (Käser), je m’exprime en anglais, et nous échangeons très bien ainsi.”

Etre capable de pousser les athlètes à leur plein potentiel

Le Tricolore a imprégné sa patte et sa méthodologie, offrant un peu de fraîcheur bienvenue au sein du groupe helvétique. Il n’a, par exemple, pas hésité à créer des simulations de course durant la préparation estivale pour mettre ses gars en mode compétition. L’homme est décrit par ses protégés comme un coach aussi “ambitieux” que “bienveillant”. “J’essaie d’apporter ma bonne humeur lorsque nous ne sommes plus sur les skis. Créer une bonne atmosphère, une belle ambiance est une priorité. Mais j’ai aussi voulu amener mon sérieux et les athlètes l’ont bien compris en compétition. Je ne quitte pas ma famille 150 à 200 jours par année pour être moyen. Je veux que l’on performe.”

Dans un désir mêlant ambitions et travail, il souhaiterait voir ses troupes revenir de Pékin avec une breloque olympique en relais. “J’ai toujours axé l’essentiel de mon travail autour du collectif.” Et les médailles avec l’équipe de France en témoignent. “Etre performant ensemble est extrêmement fort et gratifiant. Cela réjouit toute l’équipe, des techniciens aux physios en passant par les coachs et l’ensemble des athlètes. Et je suis certain que l’on peut ferrailler avec les meilleures nations pour une médaille aux Jeux.”

Et il est clair que François Faivre et ses gars ne se rendent pas en Chine pour acheter du terrain.

Johan Tachet, de retour de Davos