C’était le 20 mars dernier: alors qu’il participe à une épreuve de Coupe de monde de slopestyle à Aspen (USA) peu de temps après sa belle 9e place obtenue aux Championnats du monde en Big Air, Thibault Magnin chute lourdement lors du premier run et se blesse au genou gauche. Résultat: déchirure du ligament croisé antérieur et du ménisque. Il doit alors subir une lourde opération à moins d’une année des Jeux olympiques 2022.
Avec le staff de l’équipe d’Espagne, le freeskieur de 21 ans s’est dès lors engagé dans une véritable course contre la montre. Car le Gruérien de 21 ans ne défend pas les couleurs de la Suisse, comme son amie d’enfance Mathilde Gremaud, mais bien celles de l’Espagne, la patrie de sa mère, décédée lorsqu’il avait huit ans.
Après d’intenses mois de rééducation, qu’il a notamment passés auprès de sa famille en République dominicaine, le Fribourgeois a pu retrouver la neige en septembre. Il s’apprête ce week-end à renouer avec la compétition à l’occasion de l’épreuve de Coupe du monde de Mammoth Mountain (slopestyle) avant de disputer en février à Pékin ses premiers Jeux olympiques. Il bataillera notamment avec Andri Ragettli, victime d’une blessure similaire deux jours avant lui. Entretien.
Thibault Magnin, comment vous sentez-vous huit mois après votre opération (ndlr: en novembre dernier)?
Je ne suis pas encore à 100%, mais à 90 je dirais. Aujourd’hui, je peux dire que je n’ai plus de douleurs au genou. Il réagit super bien. Je pense que c’est grâce à la rééducation, que j’ai prise très au sérieux, et à l’entraînement que j’ai suivi cet été, avec trois séances par jour. Alors que la plupart des gens ayant subi la même blessure que moi recommencent à skier après un an, voire plus, j’ai pu faire mon retour sur les pistes sept mois seulement après mon opération et même sauter à nouveau dans la foulée. C’est juste énorme, je ne pensais pas que ça allait être aussi rapide. D’ailleurs, les gens sont très étonnés quand ils me voient sur les skis.
Cette blessure à moins d’un an des Jeux olympiques a représenté un vrai challenge. Avez-vous le sentiment qu’elle vous a rendu plus fort?
Au début, c’était difficile de voir les autres skier et progresser alors que moi j’étais coincé chez moi en Andorre, à essayer de réapprendre à marcher. Mais jamais je n’ai songé à arrêter car ce n’est que le début pour moi. Je pense que chaque sportif de haut niveau, surtout dans notre sport, connaît des blessures et c’est ce qui nous permet de grandir. D’ailleurs, cette blessure m’a énormément aidé au niveau mental, mon plus gros point faible à mes débuts sur le circuit. Si cela a été un gros choc, ce coup dur m’a appris à me surpasser. Je vais revenir plus fort qu’avant, j’en suis certain.
Alors que vous avez grandi jusqu’à vos 13 ans en Gruyère, vous courez pour l’Espagne. Pourquoi ce choix?
C’était d’une part pour rendre hommage à ma mère et d’autre part car ça a été la première équipe à croire en moi quand personne d’autre ne le faisait. Mais au final, je me sens autant Suisse qu’Espagnol. Pour moi, indépendamment du pays pour lequel je cours, je représente la Suisse et l’Espagne.
Est-ce que parfois, il vous arrive malgré tout de regarder cette équipe de Suisse, qui cartonne grâce notamment à Mathilde Gremaud, avec quelques regrets?
C’est vrai qu’avec Mathilde, on a commencé ensemble, lorsqu’on allait par exemple skier au Moléson, donc ça me fait plaisir de voir où elle est arrivée aujourd’hui. Je pense que de voir les Suisses évoluer à ce niveau, ça me pousse à donner le maximum pour progresser. Au final, je me sens très bien où je suis et je pense que je n’aurais pas le niveau que j’ai aujourd’hui si je ne m’étais pas entraîné avec l’équipe d’Espagne, car c’est elle qui m’a donné l’opportunité de me lancer. Et puis j’ai la chance qu’on ne soit que trois riders dans l’équipe et pas plus. Je ne me verrais pas dans une équipe avec 12 ou 15 personnes.
Quel est votre statut là-bas? Êtes-vous considéré comme une star?
Un peu (rires). C’est clair qu’en Espagne il n’y a pas beaucoup de skieurs donc quand il y a des résultats, ça a un gros retentissement.
Le freeski se popularise et devrait être au premier plan aux Jeux olympiques de Pékin. Que pensez-vous de cet avènement?
C’est énorme que notre sport soit olympique. Je me rappelle quand j’étais petit regarder les Jeux à la télé et rêver de pouvoir y participer. Savoir que notre sport est de plus en plus reconnu et m’offre aujourd’hui cette opportunité d’aller à Pékin, c’est incroyable.
En parlant des Jeux, quel objectif y viserez-vous ?
L’objectif? C’est de faire une médaille. C’est mon rêve et c’est d’ailleurs ce que j’avais en tête et qui m’a motivé à me dépasser durant ma rééducation. Mes plus grandes chances sont en Big Air, car c’est la discipline que je préfère et dans laquelle je suis le meilleur. Actuellement je travaille sur des figures qui pourraient me permettre d’aller chercher cette médaille.
Vous seriez d’accord de nous en dire un peu plus sur ces figures?
Non, malheureusement il faudra attendre (rires).
Clara Francey
Les Suisses en comité réduit en Californie
Une partie de l’équipe de Suisse n’a pas fait le déplacement de Mammoth Mountain, afin notamment de se préserver en vue des Jeux olympiques. Sarah Höfflin, Mathilde Gremaud et Giulia Tanno ont ainsi décidé de rester en Europe pour s’entraîner et ne disputeront donc pas l’épreuve de slopestyle californienne. Idem pour Kim Gubser et Andri Ragettli, qui attend encore avant de faire son retour en compétition après sa grave blessure. Tous ces riders ont déjà remplis les critères de qualification pour les Jeux olympiques.
Aux Etats-Unis, les espoirs helvétiques reposent donc sur les épaules de Fabian Bösch, Colin et Thierry Wili, Valentin Morel et Adrien Vaudaux. Rafael Kryenbühl (15e) a lui manqué de peu la qualification pour la finale de l’épreuve de halfpipe. Une compétition à laquelle Robin Briguet ne participe pas. Le Valaisan se remet d’une blessure à un genou et du Covid-19.
En snowboard, Ariane Burri (21e) a manqué la qualification pour la finale en slopestyle. Berenice Wick (6e) sera en revanche de la partie en halfpipe.
LMO