Au moment où la flamme olympique s’éteint, l’heure est naturellement au bilan. Avec 14 médailles, la délégation suisse récolte une médaille de moins qu’il y a quatre ans à PyeongChang. Mais elle se contentera de ses sept médailles d’or contre les cinq remportées en Corée, ce qui la place au 8e rang au tableau des breloques. “Même si nous n’avons juste pas atteint notre objectif de 15 médailles, nous sommes satisfaits des résultats obtenus. Cela démontre la qualité du sport de haut niveau en Suisse”, souligne Ralph Stöckli, chef de mission pour Swiss Olympic.

Les anecdotiques 34 diplômes olympiques (top 8) embellissent encore le tableau de l’organisation faîtière du ski suisse, même si on regrette “le manque de réussite” dans certaines compétitions. “Il y a eu de nombreuses quatrièmes places. Cela prouve également la difficulté d’arriver au sommet dans le sport international.”

“Une cuvée exceptionnelle au ski alpin”

Avec neuf médailles dont cinq en or, le ski alpin a vécu “une cuvée exceptionnelle”, selon Ralph Stöckli. Attendus sur les pistes de Yanqing, Marco Odermatt (géant), Beat Feuz (descente), Corinne Suter (descente), Lara Gut-Behrami (super-G) et Michelle Gisin (combiné) ont assumé leur statut pour orner leur cou du plus beau des métaux. Une telle performance restera à coup sûr dans les annales du sport helvétique.

A cela s’ajoute encore les deux médailles de Wendy Holdener. La déception est peut-être en revanche de mise dans le camp romand. Justin Murisier (combiné), Loïc Meillard et Daniel Yule (slalom) échouent de peu dans leur quête de métal. Yannick Chabloz, sélectionné surprise, gardera un souvenir amer de ses premiers Jeux après s’être brisé l’avant-bras lors de la descente du combiné.

Mathilde Gremaud, star romande des Jeux

Mais le clan romand jubile en freeski. A 22 ans, Mathilde Gremaud possède déjà la panoplie complète des médailles olympiques. Quatre ans après l’argent en slopestyle, la Fribourgeoise a remporté le bronze en Big Air, et surtout l’or en slopestyle. L’histoire est exceptionnelle pour le skieuse gruérienne, qualifiée de justesse pour la finale, avant de battre l’héroïne locale Eileen Gu sur un parcours où la Chinoise avait pu s’entraîner en toute discrétion avant les Jeux.

Là où Mathilde Gremaud a réussi, Sarah Höfflin a échoué. La Genevoise était attendue en slopestyle, épreuve dont elle était la tenante du titre, elle a malheureusement été éliminée dès les qualifications. Mais elle s’est réjouie du sacre de sa pote Mathilde, avec qui elle avait partagé le podium en Corée du Sud. L’amertume est encore bien plus grande pour Andri Ragettli. Tout juste revenu de blessure, le Grison a débarqué avec l’étiquette de favori du slopestyle après sa victoire aux X Games il y a un mois. Vainqueur des qualifications, il a été rattrapé par la nervosité en finale, pour échouer au pied du podium. Dommage, sa première médaille olympique devra encore attendre.

La disqualification rageante de Fanny Smith, vengée par les garçons

En snowboard, la belle confirmation vient de la planche de Jan Scherrer. Le Saint-Gallois a virevolté dans la plus grande compétition de halfpipe de l’histoire pour décrocher la médaille de bronze derrière les intouchables Ayumu Hirano et Scotty James. En devançant la légende Shaun White (4e), qui disputait en Chine sa dernière compétition, Jan Scherrer a également marqué l’histoire à sa façon. Le retrait du triple champion olympique américain laissera un grand vide dans le monde des sports d’hiver.

“On a eu beaucoup de bonheur, mais également de la malchance”, évoque de son côté Ralph Stöckli en mentionnant le déclassement controversé de Fanny Smith en finale du skicross. “Mais les garçons ont donné sur la piste la plus belle des réponses”, poursuit-il en applaudissant le doublé de Ryan Regez et d’Alex Fiva dans une compétition dominée de bout en bout malgré la pression qui pesait sur leurs épaules.

Le snowboard alpin et le ski acrobatique, pas à la hauteur

Et il y a les déceptions avec en tête le snowboard alpin, discipline pour laquelle Swiss Olympic avait “fondé beaucoup d’espoirs”. Sur leur planche, Julie Zogg, Ladina Jenny, Patrizia Kummer, en sortie de sa longue quarantaine de trois semaines, et Dario Caviezel n’ont pas été capable de passer le cap des 8es de finale d’une compétition où ils visaient une médaille. Là encore, on retiendra le nouveau sacre d’Ester Ledecka, elle aussi toujours plus dans la légende.

Même constat pour Pirmin Werner et Noé Roth en saut acrobatique. Si le premier nommé manque de peu une médaille, mais termine à la 4e place après avoir son saut en finale, le second, cité parmi les favoris, n’a pas passé le cap de la demi-finale. Rageant également, en l’absence de Carol Bouvard, blessée, les deux hommes, accompagné par Alexandra Bär, terminent également chocolat par équipes.

Qui pour remplacer Simon Ammann et Dario Cologna?

Le ski nordique suisse n’a pas été la hauteur de l’événement. Seuls les équipes de sprint (Nadine Fähndrich/Laurien van der Graaff et Jovian Hediger/Jonas Baumann), ainsi que Nadine Fähndrich, finaliste en sprint individuel, accrochent le top 8. Pour le reste, tant en saut à ski qu’en biathlon, les athlètes helvétiques n’ont pu régater avec les meilleurs. Le sauteur vaudois Killian Peier, qui veut retenir le positif, et le biathlète valaisan Benjamin Weger, habitués des top 10 en Coupe du monde, sont restés loin de leurs standards.

Et avec les futures retraits des deux légendes que sont Simon Ammann et Dario Cologna, quatre titres olympiques chacun, le ski nordique suisse ne va pas forcément vers de beaux jours. “Nous devons faire attention dans notre stratégie pour assurer la relève”, explique Ralph Stöckli, qui rappelle que la Suisse “n’a pas les mêmes infrastructures que d’autres pays” pour ces sports. “Nous n’avons pas encore tout ce qu’il nous faudrait pour le sport de haut niveau et c’est clair que c’est un défi pour l’avenir.”

Reste que dans l’ensemble des disciplines de neige, la Suisse peut s’enorgueillir de posséder de nombreux talents. Et dans quatre ans, à Milan-Cortina, ils seront prêts à porter bien haut les couleurs rouge à croix blanche sur les podiums olympiques. Pour autant que le travail soit bien fait dans la continuité de ces Jeux, finalement réussis pour le ski et le snowboard helvétiques.

Johan Tachet/LMO, Pékin