“Si on m’avait dit il y a peu que je deviendrais papa et que je serais médaillé olympique…” Jan Scherrer a la tête dans les étoiles. Sur l’énorme halfpipe de Genting Park, le Saint-Gallois s’est envolé vers le bronze dans ce qui restera comme la plus incroyable compétition de l’histoire de la discipline. Pour réaliser cet exploit, le rider du Toggenburg a réalisé un second run d’anthologie réussissant à plaquer pour la première fois en compétition son switch backside alley-oop double cork 1080 qu’il est le seul à poser sur la planète. “C’est la plus belle des manières de remporter une médaille en parvenant à plaquer ma propre figure. Cela a marché, c’est irréel.”

Le snowboardeur d’Ebnat-Kappel peine à réaliser la portée de son exploit, en complet décalage avec la performance de haut vol qu’il vient de produire en mondovision et en prime time sur les télévision nord-américaines. “Il n’est même pas midi et je suis médaillé olympique, je ne sais pas qui a fait le programme olympique”, se marre-t-il. “Tout a été très vite. Je me suis levé à 6 heures. C’est rare que nos compétitions se déroulent si tôt. Je risque de me réveiller quelques fois la nuit prochaine pour être sûr que tout est vrai.”

La tête, la pandémie et la paternité comme déclics

Sa 3e place en janvier lors du halfpipe de Laax, qui officiait comme répétition générale aux JO, avait mis l’eau à la bouche de Jan Scherrer. Mais peu de gens auraient toutefois parié sur le fait que le Suisse soit capable de hausser encore son niveau. Le truculent Saint-gallois de 27 ans a toutefois impressionné, ces dernières saisons, par sa faculté à repousser ses limites et s’est inscrit parmi la crème de la discipline. “Je recherche toujours à être dans les meilleures dispositions mentales”, explique-t-il au moment de révéler les secrets de sa progression. “C’est bête à dire, mais la pandémie m’a été utile. Toutes les stations avaient fermé, j’ai pu m’entraîner durant plusieurs semaines sur un airbag.” Sur le glacier de la plaine Morte de Crans-Montana, ce fan d’enfance de Gian Simmen, travaille d’arrache-pied. “J’ai pu développer ma créativité. Sans le Covid, je ne serais peut-être pas où j’en suis aujourd’hui.”

Jan Scherrer a livré un second run d’anthologie au Park de Genting (Maeva Pellet/SkiActu)

La future paternité du rider est aussi un élément important dans l’approche de la compétition. “Au départ, je ne savais pas comment j’allais gérer, j’ai eu peur que cela fasse trop”, mentionne le jeune homme, dont la femme attend un premier enfant pour le printemps. “Mais quand je suis à la montagne, je me concentre pleinement sur mon sport, et quand je suis à la maison, ma priorité est ma famille.”

Félicité par la légende Shaun White

Une famille qui a eu un rôle très important dans le développement du rejeton planche au pied. “Mon père m’a toujours motivé, sans me forcer. Je suivais ma soeur, qui s’était mise au snowboard avant moi. Et ma mère a toujours tout fait pour que tout se déroule bien à la maison.” C’est à 8 ans, en regardant la finale du halfpipe aux Jeux de Salt Lake City, que Jan Scherrer a pris conscience de sa future destinée. “J’étais fan en voyant ces riders, avec leurs drôles de coiffures, leurs écouteurs. Ils avaient l’air cool.”

Le Saint-Gallois, 3e, prend dans ses bras la légende Shaun White, 4e. Une passation de pouvoir. (Maeva Pellet/SkiActu)

Le Saint-Gallois a perfectionné ses gammes au centre de performance de Davos en regardant Shaun White révolutionner la discipline durant près de deux décennies. Jamais il n’aurait pensé se battre un jour pour la médaille olympique contre la “Tomate volante” aux Jeux olympiques. “Je ne le connais pas depuis longtemps, car il est difficile à atteindre. Cette année, nous avons soupé ensemble et je peux dire que c’est une personne admirable.” La légende américaine et Jan Scherrer avaient partagé le podium à Laax il y un mois. Ce vendredi, Shaun White a chaleureusement félicité le rider suisse qui lui a chipé la médaille de bronze. Jan Scherrer s’inscrit à son tour dans l’histoire olympique. Sans écouteurs, ni drôle de coiffure, mais avec un sacré talent.

Johan Tachet/LMO, Zhangjiakou