L’image était belle! Au moment où Mathilde Gremaud a été déclarée championne olympique mardi matin dans le snowpark de Secret Garden, c’est sa prédécessrice Sarah Höfflin qui a été la première à la féliciter. “Je voulais lui faire un gros câlin et lui apporter le drapeau suisse”, rigole la Genevoise, qui avait été sacrée devant sa compatriote il y a quatre ans à PyeongChang. Il est vrai que l’histoire est belle. “C’est vraiment génial et je suis extrêmement contente pour elle, poursuit la skieuse de 31 ans, qui a manqué la qualification pour la finale. C’est sûr que ça efface ma déception. J’aurais voulu aussi être dans cette finale, mais le bonheur est bien là.”

Le slopestyle est une histoire suisse. Pour sa deuxième apparition aux Jeux olympiques, l’épreuve a couronné une Mathilde Gremaud requinquée après ses déboires des derniers jours. “Ce n’était pas simple pour elle depuis son arrivée en Chine, détaille Christoph Perreten, patron du ski freestyle chez Swiss-Ski. Cela ne se voyait pas mais elle se mettait beaucoup de pression car elle voulait vraiment gagner une médaille. Elle était soulagée après le Big Air mais restait très tendue ces derniers jours. Elle n’arrivait pas à se libérer.” Cette situation, nouvelle pour les freeskieurs qui n’avaient jamais eu à disputer deux épreuves lors de mêmes Jeux (le Big Air ayant fait son apparition cette année) semble avoir perturbé plusieurs athlètes. “On se dit que deux événements, ce n’est pas grand chose mais là, il y avait énormément d’entraînements, détaille Romain Erard, entraîneur de l’équipe de Suisse. La charge physique est très forte.” Son responsable Greg Tuscher confirme: “Il n’est pas simple de se limiter alors que les autres enchaînent les runs à l’entraînement. Il faut réussir à trouver le juste milieu.”

Plus reposée que ses adversaires

Sarah Höfflin avait bien remarqué que sa coéquipière n’était pas dans ses baskets depuis quelques jours. “Je sais qu’elle a eu un petit peu de peine à se mettre dedans, je crois qu’elle avait encore pas mal d’émotions du Big Air, développe la Genevoise. Ça se voyait dans son ski, elle n’arrivait pas à mettre de l’énergie, et sa manière d’être.” Romain Erard confirme. “Pour elle, le Big Air, c’était beaucoup d’émotions dans tous les sens et aussi un gros engagement physique. Derrière, il y a eu une espèce de relâchement car il y avait aussi une pression médiatique et de son entourage, explique le Vaudois. Elle n’a pas réussi à tourner la page, ce qui est assez normal. Finalement, ça a mis le temps qu’il fallait. Mais je le vois presque comme quelque chose de positif car elle s’est reposée physiquement et est arrivée moins fatiguée que d’autres qui ont enchaîné les gros runs et qui l’ont peut-être payé.”

Mathilde Gremaud a reçu sa médaille sous l’oeil de ses amis de l’équipe de Suisse en soirée à Zhangjiakou. (Maeva Pellet/SkiActu)

Ce mardi, Mathilde Gremaud a réussi un véritable récital, en plaquant un run que personne n’a réussi à atteindre. “Je ne m’attendais pas à ça mais Mathilde nous surprend toujours, rigole Sarah Höfflin. Elle a un sacré niveau, c’est une championne.” La skieuse aux deux Globes de cristal dans la discipline voulait à tout prix aller féliciter sa compatriote. “Quand je l’ai retrouvée dans l’aire d’arrivée, j’ai pleuré comme une enfant! J’étais vraiment trop émue pour elle, se réjouit-elle. C’était vraiment un moment spécial. On a déjà vécu ça il y a quatre ans, un peu différemment bien sûr, mais j’ai eu tellement peur durant tous ces runs… Je crois que j’étais autant stressée que quand je skie moi, voire plus. Elle est restée en tête longtemps et c’était dur pour moi d’attendre!”

Une équipe soudée

Ce qui est marquant dans ce sacre, c’est la force de l’équipe de Suisse, soudée autour des ses championnes et ses champions, mais aussi de son staff. “C’est une très belle équipe, ajoute Christoph Perreten. C’est comme un puzzle à mettre en place.” Le chef du ski freestyle helvétique, qui rappelle que “les Jeux sont différents des autres compétitions”, se réjouit notamment d’avoir pu trouver une osmose entre deux entraîneurs francophones (Greg Tuscher et Romain Erard) ainsi qu’un Alémanique (l’ancien pro Kai Mahler) et la physio (Lucile Poux). “L’entourage est vraiment important”, insiste le responsable.

“Quoiqu’il en soit, c’est absolument fou ce qu’elle a réalisé, se réjouit Romain Erard. La route jusqu’à cette médaille n’a pas été si facile ces derniers jours. Je n’avais jamais vu ça.” Cette médaille justement, Mathilde Gremaud l’a reçu en grande pompe en fin de journée sous les applaudissement d’un public chinois fair play, surtout venu féliciter sa dauphine Eileen Gu. “Je réalise gentiment ce qui m’arrive, confiait la Fribourgeoise quelques minutes après avoir reçu sa breloque. J’ai pleuré comme une madeleine avant mais là, j’ai réussi à me retenir. Et maintenant, je me réjouis de fêter un petit peu ça!”

Laurent Morel, Zhangjiakou