Phénoménale Mathilde Gremaud! Après avoir décroché le bronze en Big Air, quatre ans après l’argent en slopestyle, la Gruérienne s’offre un premier titre olympique, à nouveau en slopestyle, à Zhangjiakou. Sur le podium lors de ses trois compétitions disputées aux Jeux, la skieuse de La Berra sait se transcender lors des grands rendez-vous. Et après avoir connu mille maux à se qualifier pour la finale de mardi en Chine, elle a su skier complètement libérée, pour plaquer un run qui l’a propulsée au sommet.

Détendue, la rideuse de 22 ans n’a pas voulu crier victoire trop vite. Son sourire après son ultime passage et alors qu’une dizaine de concurrentes devait encore s’élancer cachait une part d’appréhension. Mais alors qu’aucune de ses adversaires, pas même la superstar locale Eileen Gu n’a pu lui passer devant, elle pouvait alors jubiler. C’est ni plus ni moins la championne olympique Sarah Höfflin qui est venue lui sauter dans les bras avec Barry, la mascotte de l’équipe olympique.

Prise dans un nouveau tourbillon d’émotions, Mathilde Gremaud a été félicitée par l’ensemble du staff de l’équipe de Suisse de freeski, qui se considère comme une grande famille. Et l’étreinte avec son entraîneur Greg Tuscher prouvait bien l’importance d’un tel moment. Après quelques minutes, la toute nouvelle championne olympique, encore sous le coup de l’émotion, s’est confiée à la (petite) poignée de journalistes suisses présents au bas du parcours de Secret Garden.

Mathilde Gremaud, vous êtes championne olympique, vous l’avez fait!

C’est fait! C’est complètement fou, autant dans les bons que dans les mauvais moments, tout a été incroyable!

Comment vous avez réussi à vous remobiliser après votre qualification compliquée?

Hier, j’ai touché le fond… (ndlr: lire ici) Mais heureusement, j’ai pu rebondir. C’est un peu dans mon caractère et dans mes habitudes, je suis vite en haut et vite en bas. Ça a joué en ma faveur entre hier et aujourd’hui. C’est dur à expliquer mais j’ai souvent eu des petites histoires comme celles-ci au cours de ma carrière. A chaque fois, je connais des petits problèmes, mais tout finit par s’arranger à la fin. Je dois bien avouer que j’ai quand même eu de la chance de me qualifier.

Vous pensiez être éliminée hier, à l’issue de votre deuxième run?

J’étais tellement dans un mauvais état d’esprit et pas du tout positive que je me disais “tant mieux si ça passe, ça fera un jour de plus, et sinon tant pis”. La perspective d’être éliminée me faisait ni chaud ni froid sur le moment, parce que j’étais juste pas bien dans ma tête. Pourtant, bien sûr, j’avais envie de passer.

Vous avez réussi ce matin en vous réveillant à changer votre état d’esprit, à vous dire que vous alliez tenter le tout pour le tout?

Mon état avait déjà “switché” un petit peu plus tôt, durant les entraînements pour la qualification. Mais c’était vraiment horrible, j’ai pleuré pendant 30 minutes, durant la moitié de l’entraînement. Greg (ndlr: Tuscher, son entraîneur) m’a dit de tout laisser sortir, que ça pouvait arriver, que je n’avais pas besoin de m’expliquer.

Heureusement que tout ça m’est tombé dessus hier. Je n’étais pas confiante pour la finale, mais lorsque j’ai pu rentrer à l’hôtel, je me suis dit qu’il fallait réussir à se reconcentrer, que je fasse confiance à mon talent. De toute manière, il n’y avait pas d’autre choix! Ce n’était pas avec pas les entraînements que j’avais effectués que j’étais super prête. D’un autre côté, mes Jeux était déjà réussis avec le bronze en Big Air. Donc ce matin, je me suis dit que je n’avais rien à perdre!

Comment expliquez-vous ce vide que vous avez ressenti après la médaille de bronze?

Remporter cette première médaille, que je voulais tellement, a suscité en moi une explosion d’émotions. Après tout ça, j’ai senti comme un gros crash. J’ai essayé de pousser pour me remettre dedans mais ça n’a pas passé jusqu’à aujourd’hui. C’était bizarre, difficile à expliquer. Je n’avais jamais ressenti de tels sentiments. J’espère que cette expérience me servira pour le futur.

Vous avez désormais une collection complète de médailles! En plus, c’est votre pote Sarah Höfflin, tenante du titre qui vous saute dans les bras au moment de fêter votre victoire. Plutôt pas mal, non?

Ça fait hyper plaisir. C’est tellement bien qu’on puisse garder la médaille d’or dans le camp suisse. C’est une monstre fierté. Je suis heureuse de pouvoir donner ça à toutes les personnes qui m’ont supportée et qui font partie de l’aventure. C’est vraiment fou! Encore un fois, il y a beaucoup d’émotions. C’est difficile de décrire mes sensations. Mais tout est positif. 

Mathilde Gremaud a été félicitée par la tenante du titre Sarah Höfflin. (Maeva Pellet/SkiActu)

C’est aussi la récompense pour cette fabuleuse équipe, vos entraîneurs et tout ce qui tourne autour?

C’est clair que cette médaille est autant à moi qu’à Greg, qu’à Romain ou qu’à la physio entre autres! Tout le monde amène de la bonne humeur, de bonnes vibrations, toujours en étant concentré, stratégique quand il faut. Tout le monde essaie de donner son meilleur, la team fonctionne bien. Notre but premier, c’est de s’amuser. On est pas non plus des rigolos mais c’est un sport où c’est possible de se faire plaisir, on de la chance de pouvoir déconner.

Que vous a soufflé votre entraîneur avant le départ?

Il a dit “vas-y, tu sais le faire”.

Vous attendez-vous à ce que votre vie change encore avec cette médaille d’or ?

Il y a quelques trucs qui vont changer, c’est sûr! Mais moi pas, je vais continuer à être la même et essayer de continuer à prendre du plaisir. Et puis surtout se marrer!

Mathilde Gremaud a devancé d’un souffle la superstar chinoise Eileen Gu. (Maeva Pellet/SkiActu)

Que s’est-il passé après votre chute lors du premier run?

L’un de mes fixations s’est cassée. J’ai donc du changer un de mes skis. Je pense que c’était une bonne distraction pour moi. Cela m’a permis de me changer les idées et m’a empêché de trop réfléchir à ce que j’allais devoir faire. 

Pouvez-vous décrire ce que vous avez ressenti après votre troisième run et lorsque vous avez observé les autres filles descendre?

Ça a duré longtemps, en tout cas c’est ce que j’ai ressenti. Je dois dire que même si j’étais en tête, j’espérais que tout le monde puisse réussir son meilleur run, qu’elles puissent faire ce qu’elles voulaient.

La marge entre vous et Eileen Gu est infime. Qu’est-ce qui a fait la différence?

C’était une belle bataille, très serrée. Je crois que ce qui a fait la différence, c’est probablement mon premier saut car je suis la seule qui a fait un double (cork) sur ce kicker qui n’est pas tout droit.

Toute votre famille, vos proches à La Roche vous ont soutenu à distance. Ils vous ont fait verser quelques larmes au moment où vous avez pu échanger avec eux sur un écran.

C’est sûr que le côté émotionnel est un peu ressorti (rires).  

Laurent Morel, Zhangjiakou