Dans la nuit de Schladming, Marc Rochat a tutoyé les étoiles, dansant entre les piquets et les gouttes de pluie. Sous les projecteurs, le Vaudois a brillé sur cette piste de la Planai, en réalisant notamment une deuxième manche folle qui l’a porté au sommet du classement lorsqu’il a franchi la ligne d’arrivée. Sur son siège rouge, il a vu défiler les skieurs qui se sont d’abord heurtés à son chrono: Henrik Kristoffersen, Manuel Feller ou encore Daniel Yule. “Ce fut, de loin, les minutes les plus longues de ma vie”, souffle “La Roche” qui a entrevu ce premier podium en carrière.

Il y a cru jusqu’au moment où le Français Clément Noël lui a soufflé la première place provisoire, puis la troisième place finale. Pour six malheureux petits centièmes. “Émotionnellement, c’est très inexplicable. On passe par tous les sentiments”, poursuit-t-il avec un brin de déception. “C’est clair qu’il y a un peu de frustration d’être si proche du podium. En plus, j’ai senti que je n’étais pas parvenu à lâcher comme je le souhaitais sur les derniers portes. Après, je ne vais pas m’en vouloir. J’ai fait une grosse manche et je suis fier de moi.”

Marc Rochat a dansé dans la nuit de Schladming. (Alexis Boichard/Zoom)

Le prix du travail et des sacrifices

Marc Rochat n’a pas le chocolat amer. Il sait tout ce qu’il a dû endurer pour arriver où il en est aujourd’hui pour profiter pleinement de cette 4e place, dans la Mecque du slalom à Schladming. “On travaille toute la vie pour des moments comme celui-ci. J’ai croché, croché, croché”, concède-t-il ému, les yeux humidifié par l’émotion et des trémolos dans la voix. Les années de galères, lorsqu’il se battait contre lui-même, les blessures, la confiance, le matériel, ne sont pas oubliées. Au contraire, elles ont endurci ce stakhanoviste pour en faire désormais l’un des meilleurs slalomeurs de la planète. “Je continue à démontrer que la persistance paie. Je suis tellement content d’être parvenu à serrer les dents pendant toutes ces années.”

Dans le rétroviseur, il pense à son entourage, ses entraîneurs “qui ont transpiré”, à ses frères qui ont toujours été à ses côtés et à sa copine “qui doit vivre avec le poids d’être avec un skieur de haut niveau et savoir que ce n’est pas la joie tous les jours”. Tous l’ont soutenu, d’une manière ou d’une autre. “Toutes ces personnes qui me sont chères ont toujours cru en moi.”

Comme le vin, Marc Rochat se bonifie avec le temps

Et à force d’abnégation et de résilience, le Marc nouveau est arrivé. Le trentenaire avait pointé le bout de ses spatules l’hiver dernier, en accrochant déjà une 4e place lors du slalom des finales de Soldeu. Dix mois plus tard, il s’est posé, et imposé dans le top 15 mondial, faisant preuve d’une régularité que personne ne lui connaissait jusqu’ici. En six slaloms cet hiver, il est toujours parvenu à accrocher des points. “On m’a tellement tapé sur la tête, à me dire que je devais trouver la constance et là je suis l’un des rares athlètes à passer toutes les manches. C’est fantastique.”

Au final, il ne manque que cette petite cerise sur ce gâteau qui possède déjà une sacrée saveur. “Marc mérite vraiment ce podium”, soulignait Daniel Yule, 8e dans la nuit de Schladming et heureux de la performance de son coéquipier. “Cela aurait été magnifique comme récompense. Mais s’il continue à skier ainsi, ça va bien finir pas tomber.” Le Vaudois, lui, ne s’en fait pas une fixation de cette boîte. Le skieur de Crans-Montana progresse pas après pas. “Maintenant, je dois être meilleur pour aller chercher le top 7, m’assurer d’avoir une piste parfaite lorsque mes conditions arriveront. On va gentiment grappiller des places pour se placer tout devant.”

Reste déjà cette immense fierté d’être parvenu, contre vents et marées, à s’installer parmi le gratin du slalom mondial. Elle suffit déjà à son grand bonheur. “Voir mon nom sur le tableau aux côtés de tous ces surhumains, cela fait du bien à l’ego. J’ai tellement travaillé pour en arriver là, j’y ai toujours cru.” Et sur le Cirque blanc, Marc Rochat, enfin lancé, n’est pas prêt de s’arrêter de danser.

Johan Tachet/SSW, Schladming