Un cri de rage, une remontée d’enfer et, au final, un premier podium et le combat avec une bouteille de prosecco difficile à ouvrir: le premier géant féminin de la saison samedi à Sölden a ôté un énorme poids aux skieuses autrichiennes après des années de disette. Les courses ont connu un taux d’audience record.

« Je crois que nous avons retrouvé notre élan. Il faudra compter avec nous. » Ces mots de la part du directeur sportif de Ski Austria Mario Stecher dimanche résumaient bien le soulagement ressenti par tous après le week-end d’ouverture de la Coupe du monde à Sölden.

Cela fait plusieures saisons qu’un nuage noir plane au dessus de l’équipe autrichienne. Malgré quelques victoires, et même quelques Globes, la « Ski-Nation Nummer eins » (première nation du ski) ne domine plus le sport comme avant. Et une des plus grandes zones à problème ces derniers hivers a été le géant féminin.

La fin d’une longue disette

La 3e place de Julia Scheib samedi – jour de fête nationale en Autriche – a donc été ressentie comme une véritable libération: ce premier podium en Coupe du monde pour la skieuse de 26 ans était aussi le premier pour les géantistes autrichiennes depuis décembre 2019 (une 3e place pour Katharina Liensberger à Lienz) et le premier à Sölden depuis 2014 (victoire d’Anna Veith).

    L’absence de plusieures favorites a certainement facilité les choses. Mais Julia Scheib, un des grands espoirs autrichiens ces dernières saisons, a tout de même signé le 2e meilleur temps de la seconde manche. Sa remontée de la 14e place après son premier passage, où elle a commis une grosse erreur, lui a d’ailleurs valu le titre de « Weekly Warrior » (guerrière de la semaine) par la FIS. Sa collègue Katharina Liensberger, qui lutte depuis plusieures saisons pour retrouver sa forme de championne du monde, s’est aussi classée 8e, son meilleur résultat en géant depuis deux ans, et est apparue plus décontractée après la course qu’on ne l’avait vue depuis longtemps.

    Un personnage clé

    L’arrivée cet été d’un nouvel entraîneur chez les dames est déjà cité comme une des clés de ce succès. Christian Perner, qui s’occupait auparavant de l’équipe masculine en Coupe d’Europe, aurait amené une dose de bonne humeur à l’équipe et ferait volontiers le clown pour détendre l’atmosphère. Encore enragée par sa faute avant la seconde manche samedi, Julia Scheib a confié qu’il l’a prise à part et encouragée à hurler aussi fort que possible pour faire sortir sa frustration. « Il arrive à nous calmer mais aussi à nous motiver. C’est amusant de travailler avec lui. »

    On en n’est qu’au premier week-end de la saison et les critiques se feront certainement entendre si les résultats lors des prochaines courses n’égalent pas ceux de Sölden. Mais « l’éternelle discussion sur notre manque de podiums est enfin terminée, » s’est réjoui l’entraîneur en chef des dames Roland Assinger. « C’est tellement important pour l’équipe d’avoir quelqu’un qui réussit à finir dans le top 3. Un super début, mais il faut rester sur cette voie. »

    Objectif: des victoires

    Christian Perner a aussi insisté sur le fait que ce résultat n’était qu’une « première étape ». « Vous allez encore vivre de belles choses avec ces dames », a-t-il promis. Même serment de Julia Scheib: « Mon but était de faire un podium: je peux maintenant cocher ça sur ma liste. Mais je ne veux pas m’arrêter là. » Toujours réfléchie et calme, même après son premier podium, la skieuse vise ses premières victoires en cette saison de Championnats du monde: « On sait qu’on peut finir devant, on a la vitesse, et aujourd’hui on a montré cela avec nos résultats. Mais il y a encore un bout de chemin à faire jusqu’à la victoire, et l’objectif est définitivement une victoire. »

    À la remise des trophées samedi, la Styrienne s’est encore débattue avec sa bouteille de prosecco et a dû demander de l’aide à Federica Brignone pour l’ouvrir (« Ça se voit que je bois peu! »). Mais s’il s’agit du plus gros problème qu’elle aura cette saison, il y a de quoi se réjouir.


    En vrac…

    • Taux d’audience record à la télévision autrichienne ce weekend! Un certain Néérlandais y était sans doute pour quelque chose. Pas moins de 1,01 millions de téléspectateurs ont suivi le géant masculin de dimanche en direct – du jamais vu pour le week-end de Sölden. Un chiffre d’autant plus impressionnant quand on pense que le pays n’a que 9,16 millions d’habitants. De plus, 33’000 spectateurs ont fait le déplacement durant les deux jours pour assister à l’ouverture de la saison, un autre record. Le retour de Marcel Hirscher, mais aussi celui de Lucas Pinheiro Braathen, ont certainement contribué à l’engouement. Pour l’anecdote, il n’y a qu’à visiter le site du quotidien Kurier pour voir l’interêt que les Autrichiens éprouvent encore pour leur champion national: sous la section sports d’hiver, un onglet est dédié à Marcel Hirscher, au même titre que le ski alpin, le hockey sur glace, ou les Championnats du monde 2025 à Saalbach!

    • Bonne nouvelle pour Marco Schwarz! Le champion a pu rechausser les skis ce week-end à Sölden. « C’est une merveilleuse sensation », s’est réjoui le skieur polyvalent, qui a taillé ses virages discrètement, loin de l’excitation des premières courses de la saison. Blessé au genou droit à Bormio en décembre, le Carinthien a dû se faire opérer d’une hernie discale cet été, ce qui a remis les compteurs à zéro. Il est encore loin de pouvoir s’entraîner entre les piquets, mais après sa première journée sur les lattes, le genou et le dos ne posaient pas de problèmes, a-t-il noté avec soulagement. Une date de retour en Coupe du monde n’est pas encore prévue. Nina Ortlieb a elle aussi pu faire jeudi ses premiers virages de descente depuis qu’elle s’est fracturée la jambe droite à Saint-Moritz en décembre dernier.

    • La soif de liberté continue à se faire sentir chez les Autrichiens. Après la skieuse Franziska Gritsch, qui a quitté la structure nationale l’hiver dernier pour pouvoir continuer à travailler avec son ami et entraîneur, deux biathlètes ont maintenant décidé de se mettre à leur propre compte. Lisa Hauser, championne du monde de la mass start en 2021, s’entraîne depuis plusieurs saisons déjà avec les Suissesses, et s’organisera dorénavant de son côté, selon la Tiroler Tageszeitung. Son collègue Felix Leitner a aussi opté de créer sa propre équipe à ses frais. Ancien double champion du monde juniors, il n’a pas réussi à reproduire ces résultats parmi l’élite. Tous deux continueront toutefois de représenter l’Autriche.

    • La marque de ski de Marcel Hirscher continue à se développer dans de nouvelles directions. Déjà présente dans le ski alpin (Henrik Kristoffersen, Timon Haugan, et d’autres) et dans le saut à ski (Andreas Wellinger), on la verra dorénavant aussi en combiné nordique. Van Deer – Red Bull Sports a en effet annoncé mercredi avoir recruté le champion olympique Vinzenz Geiger. Après une saison décevante, l’Allemand espère améliorer ses prestations avec son nouveau matériel. Van Deer – Red Bull Sport s’occupera principalement de l’élément saut à ski.
    • Adrian Pertl n’a pu prendre le départ du géant de Sölden dimanche, ayant échoué lors des qualifications internes, mais il avait bien mieux à faire ce week-end de toute façon. Le vice-champion du monde de slalom en 2021, qui cherche encore sa forme après quelques saisons difficiles, est en effet devenu papa la semaine dernière. Le slalomeur de 28 ans, qui s’est marié cet été, a partagé une photo sur les réseaux sociaux avec le message « Bienvenue au monde, petite ». Il n’était pas le seul à voir sa famille s’agrandir: le sauteur à ski Michael Hayböck et sa femme ont eux accueilli un petit garçon, Niklas. Félicitations!

    Sim Sim Wissgott, Vienne