Deux stars du ski ont fêté leur retour dimanche, et cela pour des nations peu connues pour le ski: le Brésil et les Pays-Bas. Mais Lucas Pinheiro Braathen et Marcel Hirscher n’ont jamais vraiment fait les choses comme tout le monde.

Les yeux du Cirque blanc étaient rivés sur eux dimanche à Sölden. Et véritablement, Lucas Pinheiro Braathen et Marcel Hirscher ont livré le genre d’exploit que leurs légions de supporters attendaient d’eux.

Avant le week-end d’ouverture de la Coupe du monde, le comeback des deux skieurs avait quasiment éclipsé tout autre sujet de conversation. Pas étonnant. L’un est considéré comme un GOAT (meilleur de tous les temps) du ski, un champion hors norme qui a collectionné les trophées et les médailles d’or avant de prendre sa retraite à 30 ans à l’apogée de sa carrière. L’autre est un des personnages les plus flamboyants et électrisants que ce sport de neige a connu ces dernières années.

Le fait que leur retour se faisait sous les couleurs d’une autre nation a aussi été un sujet à débat, Lucas Pinheiro Braathen ayant troqué le drapeau de la Norvège pour celui du Brésil, tandis que l’Autrichien Marcel Hirscher représente maintenant les Pays-Bas.

Un défi risqué

Tout de même, cela aurait pu être du bluff ou un énorme fiasco. Avant le géant de dimanche, on ne connaissait pas la vraie forme des deux champions. Et tandis que le néo-Brésilien n’a manqué qu’une saison parmi l’élite du ski, son collègue néérlandais n’avait plus disputé de courses depuis cinq ans.  

Qui plus est, le duo partait avec des dossards élevés, un sérieux désavantage. Il est rare d’ailleurs que les spectateurs restent à leur place après que le 20e skieur de la première manche soit passé. Mais dimanche, les visages étaient encore tournés vers la piste pour le numéro 41 et le moment historique où un skieur représentant le drapeau vert-bleu-or s’élancerait en Coupe du monde.

Au final, Lucas Pinheiro Braathen a terminé au pied du podium ayant livré une véritable démonstration sur le glacier du Rettenbach, là où il avait signé sa première victoire en 2020. Marcel Hirscher, devant un public autrichien toujours aussi dévoué à son idole, a fini à une solide 23e place, déjà dans les points.

Détail incroyable: le Brésilien a signé le meilleur temps de la deuxième manche, tandis que l’Austro-Néérlandais a été le 3e plus rapide. Pari réussi!  

Le deuxième chapitre de sa carrière

L’enjeu était surtout énorme pour Lucas Pinheiro Braathen, qui avait annoncé en larmes sa retraite ici l’an dernier après une dispute avec la fédération norvégienne. “Je savais de quoi j’étais capable, mais je dois avouer que je ne m’attendais pas à un si bon résultat!” a confié le skieur de 24 ans, qui a ravi le public en exécutant quelques pas de danse dans l’aire d’arrivée. “Si je skie comme j’en suis capable, je suis dans le top 10, peu importe mon dossard. Je l’ai prouvé aujourd’hui.”

S’il n’est pas monté sur le podium, c’était intentionnel, a-t-il plaisanté. “J’ai voulu être modeste. Je me suis dit que ce serait un peu trop de faire un podium dès ma première course.”

Le gagnant de cinq épreuves de Coupe du monde vise néanmoins plus haut. “Je ne veux pas être bon dans une seule course, je veux être bon dans chaque course que je dispute,” a-t-il dit en décrivant ce départ comme le deuxième chapitre de sa carrière. “Je crois que je l’ai bien entamée.”

Un retour émotionnel

Marcel Hirscher a toujours parlé d’un “projet de coeur” plutôt que d’un vrai comeback compétitif, mais revenir après tout ce temps était risqué. “Si j’avais fini avec six secondes de retard (sur les meilleurs), il aurait fallu se dire que je suis peut-être quand même trop vieux”, a confié le skieur de 35 ans aux journalistes après la course.

Qu’il ait pu se qualifier pour la deuxième manche était déjà un exploit, même si l’Austro-Néérlandais n’est jamais resté bien loin des pistes, étant donné qu’il a fondé une marque de skis, Van Deer, et teste lui-même le matériel, utilisé par des champions comme Henrik Kristoffersen. C’est d’ailleurs avec des Van Deer aux pieds qu’il a dévalé la piste de Sölden.

Mais dimanche, le frisson retrouvé comptait plus que le classement. “La deuxième manche était peut-être un des moments les plus émotionnels de ma carrière après cinq ans d’absence”, a avoué l’octuple vainqueur du gros Globe. “Ce qui s’est passé aujourd’hui vaut autant qu’un de mes podiums à l’époque.”

La transformation chez le champion était flagrante, même si les courbes qu’il a taillées sur la piste étaient bien les mêmes. “Dans le passé, j’aurais été stressé parce que je me serais dit: ‘Je dois livrer un bon résultat’. Aujourd’hui, si je skie vite ou lentement, ça ne changera pas ma journée” a-t-il lancé, décontracté, décrivant comme un “cadeau” de pouvoir revivre la Coupe du monde en tant qu’athlète.

Prochain objectif: le slalom

Ayant confirmé à Sölden, le duo ne compte pas en rester là. Lucas Pinheiro Braathen veut maintenant s’attaquer au slalom, une discipline où il compte déjà trois victoires. “C’est un rêve pour un Brésilien, ça ressemble encore plus à de la danse.”

Marcel Hirscher était moins certain de son programme, y compris s’il se lancerait en slalom, une discipline où il compte six Globes de cristal, ou prendrait le départ à Levi. Son retour sur le Cirque blanc à Sölden s’est déjà fait plus tôt que prévu. Et la “wildcard” qui lui a permis de revenir rapidement sans devoir se qualifier doit être demandée pour chaque course. Mais “tant que je suis en forme, que je peux skier comme ces dernières semaines, et tant que ça m’apporte autant de plaisir, je vais disputer des épreuves”, a-t-il promis.

Le spectacle que ces deux champions ont offert dimanche donnera certainement des idées à d’autres de tenter eux aussi un retour sur le Cirque blanc.  

Sim Sim Wissgott, Sölden