Cela restera sa dernière course lors de laquelle il n’était pas encore « futur retraité ». La seconde descente de Val Gardena samedi aura eu un rôle-clé dans la décision de Beat Feuz de mettre un terme à sa carrière d’ici un mois. C’est probablement dans les Dolomites que le skieur de Schangnau a eu la confirmation qu’il ne pouvait plus être suffisamment rapide pour rivaliser avec les meilleurs descendeurs du monde. Cela faisait d’ailleurs plusieurs années qu’il commençait à se poser des questions, appréciant le ski, mais pas forcément « tout ce qui va autour des courses ».
Un début de saison compliqué
Pourtant, en début de saison, « Kugelblitz » nourrissait beaucoup d’ambitions. Rencontré à Lake Louise, il n’excluait pas de continuer jusqu’en 2026 pour les prochains Jeux olympiques et avouait ne pas avoir pensé à la retraite. Les choses ont donc rapidement évolué. Depuis longtemps, Beat Feuz s’entraîne moins (et peut-être mieux) que les autres. L’an passé, s’il a réussi l’exploit de décrocher le titre olympique en descente – l’unique grande victoire qui lui manquait encore -, il a souffert de son genou gauche meurtri après avoir été touché à Val Gardena déjà. Sa préparation estivale s’est résumée à quelques jours d’entraînement seulement, bien moins encore que les dernières années. Il n’est pas allé en Amérique du Sud avec le reste de l’équipe de Suisse mais a skié quelques jours à Zermatt, partageant notamment la piste avec les skieuses helvétiques. Rien de véritablement alarmant jusqu’ici.
Sauf que les résultats du début de saison n’étaient probablement pas à la hauteur des ambitions du Bernois. Cinquième, deux fois 9e et 18e ne sont pas des rangs qui conviennent à un skieur de sa trempe. Et en se confiant à SkiActu, pour sa dernière interview avant l’annonce de sa retraite, l’athlète de 35 ans avait certainement déjà pris sa décision. « J’ai été gâté les cinq dernières années car j’ai toujours été concerné par les podiums, rappelait-il. Mais quand quelques détails ne sont pas tout à fait au point, quand je fais une ou deux erreurs, ça ne suffit pas. » Et justement, il a commis une faute de trop dans le Ciaslat samedi. « En 2022, ça n’est plus assez en ski alpin. »
Arrêter à Kitzbühel, une évidence
En fait, la question pour Beat Feuz était de savoir s’il pouvait revenir lutter avec les meilleurs. « La vitesse est là, mais on voit tout de même qu’un Kilde, un Odermatt ou un Clarey sont plus rapides, décryptait-il. Il faut que la neige soit plus uniforme pour que je puisse avoir mon mot à dire. » Alors l’Emmentalois pourra peut-être se battre pour le podium à Bormio, et surtout à Wengen ou Kitzbühel, mais il n’a plus l’énergie pour le faire partout. Oui, il manquera les Championnats du monde à Courchevel. Son renoncement aux Mondiaux offrira, derrière très certainement Odermatt, Hintermann et Rogentin, une place à un jeune, peut-être à Alexis Monney, qui a réalisé un très bon début d’hiver. Comme une passation de pouvoir entre l’ancienne et la nouvelle garde de la descente helvétique.
Mais pour Beat Feuz, existe-t-il plus beau moment d’arrêter que lors des courses du Hahnenkamm, devant des milliers de spectateurs conquis par ses exploits passés sur la Streif (il a pris quatre fois la 2e place avant d’enfin gagner en 2021 et compte désormais trois succès)? Le tout, dans son pays d’adoption (il vit près d’Innsbruck).
Et en fait, « Feuzi » se connaît tellement bien qu’il devait déjà savoir qu’il ne pourrait pas aller chercher de médaille sur l’Eclipse en février. À quoi bon aller en France pour terminer 6e ou 7e pour une légende comme lui? On sentait depuis longtemps que les déplacements lui pesaient. « Maintenant, je me réjouis de pouvoir rentrer à la maison et de passer du temps en famille, durant une semaine, avouait-il d’ailleurs après la seconde descente de Val Gardena. Ensuite, ce sera Bormio, qui sera évidemment encore un combat. Puis je me réjouis aussi du mois de janvier. » Il n’en a pas dit plus. On sait désormais pourquoi.
La relève est assurée
En fait, dans l’aire d’arrivée de la Saslong, Beat Feuz était plus détendu que jamais. Il profitait de la présence de sa compagne, l’ancienne skieuse autrichienne Katrin Triendl, et de sa première fille Clea, qui découvrait les joies de la Coupe du monde. « Elle skie déjà, évidemment, et même bien », confiait-il, guilleret, jeudi après la première descente disputée dans les Dolomites. Le maçon bernois peut partir tranquille. Il laisse derrière une très solide équipe de Suisse de vitesse, emmenée par le prodige Marco Odermatt. « Il fait partie du top 3 en descente, alors on discute beaucoup oui, on se donne des conseils, explique l’homme aux quatre Globe de cristal. S’il profite de mon expérience? Peut-être… (rires). Quoi qu’il en soit, sur les skis, je crois qu’on a la même attitude, ça aide. »
Questionné encore sur un éventuel 5e Globe de descente cet hiver, « Kugelblitz » avait rapidement botté en touche. « Il est perdu, Kilde a déjà gagné trois descentes », glissait-il. Oui, sa décision a tout de logique.
Laurent Morel, de retour de Val Gardena