“Je vis un peu un rêve, c’est vraiment cool.” Alexis Monney savoure. Vendredi, le Fribourgeois de 22 ans sera au départ de sa 6e descente de Coupe du monde à Beaver Creek. Petit à petit, le jeune skieur de Châtel-Saint-Denis fait son trou au sein de l’équipe de Suisse de vitesse qui ne manque pourtant pas de talents autour des champions olympiques Beat Feuz et Marco Odermatt, ou encore Niels Hintermann et Stefan Rogentin. Celui qui a appris à skier sur les pentes des Paccots n’aurait imaginé un jour dévaler les plus belles pistes de Coupe du monde en si bonne compagnie dans les traces de son idole Didier Cuche.

Il est vrai qu’avec sa soeur Marie, qui a arrêté le ski en 2016, il était plutôt à bonne école, avec comme professeur, son papa Louis, qui était l’un des coaches de l’équipe de Suisse de ski au début des années 2000. “J’ai tout de suite été mis au parfum, car mon papa entraînait également au ski-club. Même si je n’avais pas l’âge, je participais quand même aux entraînements. C’est ainsi que j’ai réellement accroché”, sourit Alexis Monney qui partageait, petit, sa passion du ski, avec celle du football et du tennis.

En NLZ, il voulait tout plaquer

A 12 ans, il se destine définitivement au ski alpin. Quelque temps plus tard, il prend la direction du centre NLZ de Brigue pour assouvir sa volonté de percer dans son sport de prédilection tout en poursuivant en parallèle ses études en économie. Une période de quatre années qu’il a “adorée”, même si sportivement, tout ne s’est pas déroulé comme souhaité de son propre aveu. “J’ai presque voulu arrêter le ski à un certain moment”, assure-t-il. “J’avais un entraîneur avec lequel cela ne se passait vraiment pas bien et les résultats n’étaient pas non plus ceux espérés.” Face aux difficultés, le jeune Fribourgeois n’a pas abdiqué et s’est remis en questions, témoin de la persévérance alors du jeune athlète.

“Cela m’a permis de prendre les bonnes décisions. J’ai commencé à travailler avec un coach mental et nous avons eu un nouvel entraîneur. Ces éléments ont rendu tout un petit peu plus facile.” Depuis, Alexis Monney accorde une importance primordiale à la préparation psychique. “La tête représente un tiers de la performance, autant que la technique et le physique. Beaucoup de personne ne l’entraîne pas, mais pour moi c’est très important.”

En courses FIS, Alexis Monney se tourne vers les disciplines de vitesse, autant par nécessité que par choix. “On va dire que ça n’allais pas très vite pour moi en slalom, et que je ne voyais pas souvent la fin des manches”, rigole-t-il. “J’ai toujours eu du plaisir à faire de la vitesse, et j’ai, sur les skis, ce petit côté casse-cou que je n’ai pas dans la vie de tous les jours.” N’en déplaise à sa maman Isabelle naturellement “tendue” lorsque le fiston s’élance désormais sur les plus exigeantes pistes de la planète.

D’un premier titre mondial juniors à la Streif en quelques mois

La première consécration, le skieur de la Veveyse l’obtient lors des Mondiaux juniors de Narvik en 2020 où il se pare d’or. “J’ai été surpris de ce titre, mais il m’a donné une bonne dose de confiance moi.” Il se décide alors de quitter l’école de commerce pour se concentrer exclusivement au ski. “Le sport de haut niveau a passablement évolué et demande beaucoup de repos avant et après les entraînements. La forme ainsi que la fraîcheur physique et mentale sont des facteurs très importants.”

Alexis Monney poursuit son apprentissage sur la Coupe d’Europe. Depuis l’antichambre de l’élite, il voit son compère Pierre Bugnard faire l’une ou l’autres apparition en Coupe du monde de géant, mais également Noémie Kolly débarquer sur le Cirque Blanc. Le Châtelois attend son heure, patiemment. “On est proche et loin en moins en même temps de l’élite.”

Et après avoir participé à la tournée américaine, il fête son baptême en Coupe du monde à Val Gardena en décembre 2021 où il prend une encourageante 35e place. De quoi, le pousser et le motiver. Un mois plus tard, le voici au sommet de la Steif de Kitzbühel, sur la neige des exploits de Didier Cuche, une piste qu’il n’aurait osé un jour dévaler en compétition. “L’atmosphère était impressionnante. Dans la cabane de départ, hormis le starter, personne ne parlait. Il n’y avait pas un bruit.” Face au mythe, Alexis Monney n’a pas froid aux yeux et pousse trois fois sur ses bâtons au moment de franchir pour la première fois le portillon à l’entraînement. Comme le veut la tradition, ce petit exploit l’épargnera de payer la tournée à l’ensemble de l’équipe le soir-même à l’hôtel.

“Engranger de l’expérience”

Son élimination lors de la course du Hahnenkamm est anecdotique. Il joue désormais dans la cours des grands. “J’essaie de ne pas trop me poser de questions avant de descendre ces pistes qui sont réputées. Je me dis que si les autres parviennent à les skier, j’en suis également capable, même si je ne suis pas forcément rapide au début.” Au milieu des stars, Alexis Monney n’affiche aucune exubérance, tout juste un brin de timidité légitime. C’est surtout sur la piste qu’il entend s’exprimer. “Mon objectif est simple, j’ai l’envie de participer à un maximum de courses de Coupe du monde pour emmagasiner le plus d’expérience possible, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.”

Sur les skis, Alexis Monney ne fait pas beaucoup d’impression, mais il l’assure, il est “toujours à 100%”. “J’ai un style posé et parfois on dirait que je n’ai pas une grande prise de risque.” Avec le temps, il doit désormais apprendre à “flirter davantage avec la limite pour aller chercher les dixièmes” qui lui manquent encore pour viser le haut du tableau. “Il est difficile de jouer avec limite car cela peut être dangereux. J’ai du respect pour les pistes mais je ne vais pas au départ pour me laisser descendre. Il faut trouver le bon équilibre.”

Dans le top 15 mondial dans 5 ans?

Dans cinq ans, l’un des plus sûrs espoirs de la vitesse helvétique espère “être dans le top 10 ou le top 15 en Coupe du monde de descente”. Ce week-end, à Beaver Creek, il cherchera à marquer pour la seconde fois de sa carrière des points sur le Cirque blanc après sa 26e place à Kvitfjell la saison dernière. Tout en savourant son rêve de skier parmi les meilleurs descendeurs de la planète.

Johan Tachet, Lake Louise