Ce vendredi 3 juin sera à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du ski qui va voir non pas une page, mais un chapitre se tourner. Après 23 ans de règne, Gian-Franco Kasper va céder son trône au sommet de la FIS. Pour succéder au Grison de 77 ans, quatre candidats ont déposé leur candidature: le Suédois Mats Arjes, directeur de SkiStar et de la fédération suédoise de ski, le Britannico-Suédois Johan Eliasch, directeur de Head, entre autres, la Britannique Sarah Lewis, ancienne secrétaire générale de la FIS, et le Suisse Urs Lehmann.

Après 13 années à succès à la tête de Swiss-Ski, l’Argovien entend encore franchir un cap. Nombreux estiment qu’il fait partie des deux favoris avec Johan Eliasch. A quelques heures de l’élection, le champion du monde de descente de 1993 dresse son “manifeste” où il entend faire bouger les lignes au sein d’une Fédération internationale de ski qu’il juge stagnante depuis de nombreuses années.

Urs Lehmann, ressentez-vous un brin de pression au fur et à mesure que s’approche l’élection pour la présidence de la FIS?

Non du tout, plutôt de la nervosité. Comme avant une course de ski (rires). Je suis content que l’heure fatidique approche, car il y a eu beaucoup de travail, beaucoup de réunions, beaucoup de téléphones. Et j’ai surtout beaucoup appris.

Comment avez-vous mené votre campagne dans ce contexte sanitaire particulier qui vous empêchait d’aller à la rencontre des électeurs?

Il faut mentionner qu’il y a 74 pays qui vont voter. Je me suis présenté à tous ces pays. Avec la plupart, nous l’avons fait en visioconférence et à chaque fois, il y a une quinzaine de personnes qui écoutent. C’est complètement différent de ce qui se fait normalement, puisqu’il n’y aura pas de congrès en présentiel, et il est donc impossible de faire un travail de lobbying les cinq jours précédents le congrès, lorsque l’on peut voir tout le monde. Sur ce coup-là, cela fait deux mois que l’on travaille du matin au soir, semaine et week-end, c’était intense.

Quels sont les points importants de votre programme?

J’ai réalisé un manifeste en quatre points. Le premier veut mettre le sport au centre des préocuppations, c’est le plus important naturellement. Le deuxième veut unifier la famille, les pays en mettant en œuvre une structure moderne en management et gouvernance. Il faut savoir que la plupart des pays sont des “small nations” (ndlr: des petits pays), qui ne sont pas traités comme il le faudrait et qui cherchent quelqu’un qui fait évoluer le système, en développant une fédération qui ne l’a plus fait depuis bien longtemps.

Comment comptez-vous également concerner davantage les petites nations?

Aux Mondiaux de Cortina d’Ampezzo par exemple, les skieurs dormaient loin de la station, dans les cols. Toutes les nations de la FIS doivent faire partie de la fête. Mais pour ça, il s’agit de revoir la structure à la base. Je prends l’exemple du Maroc. Ils ont une station de ski, mais la machine (ndlr: les remontées) ne marche plus. On doit aider davantage ces petites nations à se se structurer dès le plus jeune âge.

Revenons à votre manifeste, vous souhaitez aussi développer toutes les disciplines de la FIS et non pas uniquement l’alpin.

C’est mon troisième point. Dans le freestyle, le snowboard, certaines disciplines ne dénombrent que deux étapes de Coupe du monde, ce n’est pas suffisant. Il faut créer des séries, des tours, avoir des vedettes dans ces sports. Cela permet d’attirer les médias, les sponsors, les investissements, c’est un cercle vertueux. Ce qui nous amène au dernier point, la commercialisation de nos sports, afin d’augmenter leur valeur. Si on regarde les comptes de la FIS, on gagne de l’argent avec l’alpin et, dans une moindre mesure, le saut. On est stable avec le ski nordique, mais il n’y a que la Norvège qui tourne avec le fond. Et enfin, on en perd dans toutes les autres disciplines.

Comment permettre alors aux disciplines dites freestyle d’être davantage mises en valeurs?

Je crois qu’il faut mettre des jeunes personnes qui connaissent le sport à sa tête. Il faut vraiment savoir mieux le vendre. Le potentiel est énorme, en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Etats-Unis.

A combien estimez-vous vos chances d’être élu président de la FIS?

A 100% divisé par 4 (rires). Nous avons tous les mêmes chances. Cela reste un processus politique qui est difficile à prévoir, et mes concurrents sont tous d’excellents candidats.

Les rumeurs vous posent en favoris avec le Suédois Johan Eliasch.

John Eliasch est bon. Regarder tout ce qu’il a fait pour Head. J’ai discuté avec lui. Il faut aller de l’avant. La FIS a beaucoup de potentiel. Mais il faut la restructurer. Aujourd’hui, le chef marketing ne sait pas qui est son chef. Il y a vraiment de quoi faire. Mais ça ne va pas changer du jour au lendemain. Il y aura du travail pour celui qui sera élu. Cela prendra cinq, six ans, peut-être même dix.

Johan Tachet, LMO