Avec Mathilde Gremaud, il faut avoir le coeur bien accroché. Si la Gruérienne est évidemment spécialiste des Corks et autres pirouettes à faire tourner les têtes, elle s’est désormais muée en championne du suspense. Il y a à peine un an, après être passée toute proche de l’élimination, elle remportait l’or olympique à Zhangjiakou. Et que dire de sa prestation de dimanche en slopestyle aux X Games

Souvent à la limite, ou du moins c’est ce qu’on croit, la rideuse de 22 ans a une nouvelle fois fait trembler ses fans à Aspen. Elle a en effet attendu son dernier passage pour réaliser un run qui allait lui permettre de s’offrir une nouvelle breloque, la même qu’il y a un an. Quelques minutes plus tard, c’est avec une décontraction toute naturelle que la skieuse de La Berra s’est confiée, sur la route pour Denver, d’où elle doit s’envoler vers les environs de Mammoth Mountain, théâtre de la prochaine étape de Coupe du monde.

Mathilde Gremaud, comment vous sentez-vous après ce nouvel exploit?

Je suis vraiment super contente au final. En plus, sans suspense, ce n’est pas drôle, non? (Rires)

C’est donc la joie qui prime, et pas la frustration de ne pas avoir été chercher l’or?

Oui! Il faut se rappeler que j’aurais pu très bien repartir les mains vides, il y a donc une forme de soulagement. Il faut aussi savoir d’où je reviens, comment je me sentais en début de semaine et après trois runs de merde. Après, il y a évidemment une part de frustration car je me dis que je pouvais faire mieux. J’ai toujours l’esprit de compétition. Mais bon, ça me laisse de la place pour m’améliorer.

Vous êtes vraiment devenue la reine du suspense…

C’est bien, comme ça les supporters se disent jusqu’au bout que ce n’est jamais terminé. Il ne faut rien lâcher, garder la confiance et ne pas se laisser décourager.

Comment s’est déroulé cette semaine à Aspen?

Les jours de compétitions (ndlr: vendredi et dimanche) se sont bien passés. Mais les entraînements étaient assez compliqués. J’avais de la peine à me mettre dedans, notamment sur les sauts en slopestyle. On voit d’ailleurs que c’est là que ça pêche ce soir (pour la compétition). Ils s’enchaînaient particulièrement vite entre les deux quarterpipes et les sauts plus classiques. C’était assez difficile à rider. Après, j’avais un bon run de rails, c’est peut-être ce qui m’a sauvé.

Et avant cela, vous terminez 4e en Big Air dans une épreuve complètement folle (lire ici).

Oui, c’était assez dingue, c’est vrai. Et pour ma part, je parviens à poser un 1620 (double Cork) et un switch 1440 (double Cork également), mais ça n’a pas suffi. J’ai simplement manqué de précision, mes sauts n’étaient pas très propres.

Mais ce double Cork 1620, c’est la première fois que vous le plaquez en compétition!

C’est même la première fois tout court. Je ne l’avais même pas tenté à l’entraînement car je ne le sentais pas. Je l’ai gardé pour la compet’.

Et il y a eu cet incroyable triple Cork réalisé par Megan Oldham.

Oui, c’est de la folie! Personne ne s’y attendait. En fait, on a appris que c’était un projet mis en place depuis un certain temps avec l’équipe du Canada. Megan s’est beaucoup entraînée sur airbag, notamment entre Noël et les X Games. Elle n’est pas venue à Laax par exemple. Avec son team, ils étaient en Australie, où c’est l’été, durant un mois pour s’entraîner sur airbag. Et ça a payé.

C’est un sacré pas en avant pour votre sport. Et ça montre qu’il va falloir encore continuer de s’améliorer, non?

Bien sûr, ça prouve que tu ne pourras rien lâcher dans le futur. Il faudra encore progresser pour continuer d’avoir de bons résultats, c’est certain.

Avec les blessures d’Eileen Gu et de Kelly Sildaru, deux de vos principales adversaires, vous avez ressenti une dose de pression supplémentaire aujourd’hui?

Non, au contraire. Il y a toujours de la pression mais ça dépend de la manière dont on la gère. Personnellement, je sais qu’il faut rester concentrer sur soi-même. Il est vrai que c’était une semaine hyper intense. On l’a remarqué ce soir avec plusieurs filles comme Tess (Ledeux) et Sarah (Höfflin) notamment qui étaient fatiguées. Eileen et Kelly se sont fait mal un jour où je n’ai pas pris un saut, les conditions n’étaient pas simples, vraiment.

Et désormais, direction Mammoth Mountain avant quelques jours de “congé” (elle va se rendre au Japon, pour skier)?

Exactement. Je vais essayer de continuer sur ma lancée, mais on ne sait jamais trop à quoi s’attendre là-bas alors je ne me projette pas trop. De toute façon, je n’ai aucun moyen d’influencer les conditions, alors je m’adapterai.

Laurent Morel