Libérée, c’est probablement l’adjectif qui décrit le mieux Aline Danioth en ce moment. “J’ai trouvé mon équilibre”, révèle-t-elle d’ailleurs. À 24 ans, la skieuse d’Andermatt semble bien dans sa peau et prête à franchir enfin ce cap qui la sépare encore des meilleures slalomeuses de la planète. Car de nombreux espoirs reposent sur ses épaules depuis plusieurs années. Il faut dire qu’Aline Danioth, c’est quatre médailles (dont deux en or) aux Jeux olympiques de la Jeunesses de Lillehammer en 2016 mais aussi deux titres de championne du monde juniors de combiné (en 2016 et 2018) et une quantité de résultats prometteurs dans les catégories inférieures, non sans avoir déjà subi une grave blessure à un genou fin 2016 à Sestrières.
Les années de galère
Restait encore à confirmer au plus haut niveau, et c’est souvent le plus dur. Pourtant, une fois encore, la lionne uranaise semblait suivre une courbe parfaite entre 2018 et 2020, améliorant sans cesse ses résultats en slalom (35e, 19e et 12e de la Coupe du monde). Sauf que la poisse est encore venue s’immiscer dans son plan de carrière jusqu’ici presque parfaitement exécuté. Dans la forme de sa vie en janvier 2020, elle subissait une déchirure du ligament croisé antérieur du genou droit lors du décrié géant parallèle de Sestrières, juste après avoir battu Petra Vlhova. Sur la même piste où elle s’était blessée trois ans plus tôt…
Depuis, Aline Danioth a joué de malchance. De retour à l’entraînement, elle rechute gravement en octobre et son genou droit est en compote. Après une longue réflexion et avoir d’abord imaginé se passer d’une nouvelle opération, elle se contraint finalement à passer sur le billard. Une course contre-la-montre est alors lancée en vue des Jeux olympiques de Pékin, auxquels elle rêve. Et cette fois, cette épreuve s’avérera concluante. La championne d’Andermatt retrouve la compétition à Lienz le 29 décembre 2021 et prend de bons points, comme à Schladming quelques jours plus tard. Trois victoires en Coupe d’Europe dans la foulée lui permettent d’être sélectionnée pour la Chine, où elle prend un inespéré 10e rang.
“Skier quasiment tout devant”
Aline Danioth, qui a profité de ses coups d’arrêt pour voyager, peut enfin reprendre sa marche en avant, non sans avoir largement grandi, tant sur le plan physique que mental. “J’ai beaucoup parlé avec les autres durant cette période, reconnaît-elle. Quand je ressens quelque chose, je dois le partager, je suis comme ça. Je ne peux pas le garder pour moi, je suis assez extravertie. Cela m’a permis d’évoluer.”
Et après avoir pu bénéficier d’une préparation de qualité – “mes sensations sont excellentes, je suis à 100%” -, celle qui évolue sur des skis suisses a montré son potentiel dès la reprise à Levi, réussissant des passages d’excellente qualité, notamment dans le mur, et prenant les 18e et 28e places malgré de grosses erreurs lors des slaloms lapons. “Je ne retiens que du positif. Lorsqu’on va arriver dans des conditions qui me conviennent un petit peu mieux, je sais que je vais pouvoir skier quasiment tout devant”, glisse-t-elle.
L’Uranaise a la possibilité de le confirmer rapidement puisqu’elle disputera ce week-end le géant et le slalom à Killington (USA). Et si elle souhaitait déjà “intégrer le top 15” entre les piquets serrés cet hiver, l’imaginer se rapprocher de son meilleur résultat en Coupe du monde rapidement (7e à Lienz en décembre 2019) n’a rien d’une hérésie. Pour cela, une once de relâchement, notamment dans les parties plates, lui sera nécessaire. “J’avais réussi à l’obtenir l’hiver passé car je n’avais pas de pression, à moi de le répéter”, sourit-elle.
Elle a songé à tout arrêter
Surtout, Aline Danioth veut désormais prendre le ski comme un plaisir, ce qui n’a pas toujours été le cas pour un sport qui lui a apporté tant de joie mais causé tant de déboires. “Je me suis posé beaucoup de questions après mes blessures, avoue-t-elle. Est-ce que je continue? Est-ce que c’est vraiment ce que je veux faire de ma vie? J’ai dû prendre conscience de ce que je voulais faire.”
Et la double vainqueur du classement de Coupe d’Europe de slalom (en 2018 et 2022) de poursuivre: “Avant tout cela, ça a toujours été normal, je skiais, et je ne me suis jamais posé de question, mais maintenant je sais que c’est ma vie. J’en suis encore plus reconnaissante car cela n’est pas une évidence que je sois là aujourd’hui. J’espère vraiment pouvoir rester en bonne santé toute la saison. Je profite beaucoup plus, notamment des courses, et je suis beaucoup plus consciente de la chance que j’ai. Je reste ambitieuse, mais je ne veux vraiment pas oublier de profiter de la chance que j’ai.”
Laurent Morel, Killington