Agée aujourd’hui de 21 ans, Aline Danioth a vécu un véritable conte de fées à Lillehammer il y a quatre ans. Parmi les meilleurs espoirs mondiaux du ski alpin, elle avait su à merveille exploiter son potentiel sur les pistes d’Hafjell, où avaient lieu les épreuves. Médaillée d’or en slalom et en combiné, elle avait également ajouté à sa collection deux breloques en bronze, lors du géant et du super-G.

Aujourd’hui, la skieuse d’Andermatt, qui a enrichi son palmarès avec deux titres de championne du monde juniors, rivalise avec les meilleures skieuses de la planète sur le front de la Coupe du monde. Elle vient d’ailleurs de signer les deux meilleurs résultats de sa carrière (7e à Lienz et 8e à Zagreb), corrigeant petit à petit les difficultés qu’elle a encore en course. Mais la souriante championne n’a pas oublié son expérience olympique, qui l’a marquée à vie. Entretien.

Aline Danioth, quelle importance ont eu les Jeux olympiques de la Jeunesse dans votre carrière?

C’était vraiment quelque chose d’inoubliable. J’y pense très souvent. A ce moment-là (ndlr: elle avait 17 ans), mon programme était déjà très chargé. Je concourrait notamment en Coupe d’Europe et je ne savais pas à quoi m’attendre. Mais c’était gigantesque là-bas! Je n’aurais jamais imaginé un tel événement, si important et si «spécial». C’était vraiment un moment magique.

Ça ne doit pas être simple d’arriver sur une manifestation où tout est nouveau pour vous.

C’est clair. Cette semaine-là, on était comme des stars, comme dans un autre monde. 

Tout était vraiment plus grand que ce que vous aviez connu jusqu’ici?

Complètement. C’était géant. Il y avait énormément de bénévoles, tous habillés aux couleurs de l’événement. Tout ce qu’il y avait autour des épreuves était impressionnant. 

Aline Danioth est repartie de Lillehammer avec quatre médailles (Arnt Folvik/CIO)

Ces JOJ vous ont-ils donné envie de participer un jour aux «vrais» Jeux olympiques?

Lorsqu’on a vécu ce que j’ai eu la chance de vivre, on a évidemment envie de revivre cela au plus haut niveau. Les Jeux olympiques, c’est vraiment quelque chose de spécial, avec de nombreuses disciplines qui sont réunies. 

Le regard des médias et du public a-t-il changé avec vos résultats à Lillehammer?

Oui, l’intérêt était énorme. J’ai reçu un nombre incalculable de sollicitations. Je n’ai pas pu lire tous les articles qui m’ont été consacrés, mais j’ai reçu beaucoup de messages sur mon téléphone. Des personnes dont je n’avais plus de nouvelles depuis longtemps m’ont félicitée. 

Plus que lors des Championnats du monde juniors (elle compte également 4 médailles, dont deux à Davos en 2018)?

Oui, beaucoup plus. C’était beaucoup plus important. Tout le monde était au courant de mes résultats lorsque je suis rentrée à la maison. C’était fou. 

En Norvège, l’Uranaise avait notamment partagé le podium avec Mélanie Meillard. (Carolina Cabella/CIO)

Etait-ce difficile ensuite de confirmer au plus haut niveau?

Pour moi, c’était clair que les JOJ étaient consacrés aux jeunes et que l’élite est quelque chose de complètement différent. On ne peut pas comparer, pas dire que si un athlète brille en juniors, il sera au sommet chez les grands. Il faut du temps pour arriver au top.

Avoir les JOJ à Lausanne, en Suisse, c’est aussi quelque chose d’important?

Je crois que pour les athlètes helvétiques qui vont avoir la chance d’y participer, ça va être quelque chose d’incroyable. Pour moi, c’était déjà fou alors que ça avait lieu en Norvège. Avoir un tel événement à la maison, c’est encore plus génial. Il faut en profiter.

Aurez-vous le temps de vous rendre au Diablerets, pour les épreuves de ski alpin?

Malheureusement, je n’aurai certainement pas le temps d’aller sur place. Le fait que ce soit en Suisse romande ne facilite pas les choses pour moi, c’est dommage.

Comment étaient les pistes pour vous en Norvège? Plus simples qu’en Coupe du monde?

Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de différences. En vitesse, ce n’est pas tout à fait pareil (il n’y a pas de descente), mais dans les disciplines techniques, les pistes sont similaires à tous points de vue. Elles sont très bien préparées, comme en Coupe d’Europe et en Coupe du monde d’ailleurs.

Les compétitions de ski alpin avaient lieu à Hafjell. (Simon Bruty/CIO)

Comment s’est passée votre expérience olympique?

Il y avait une grosse cohésion au sein de l’équipe de Suisse. On a rapidement remarqué qu’on était une vraie équipe lorsqu’on fêtait ensemble chaque médaille. Tout le monde se réjouissait pour les résultats des autres. J’ai trouvé ça vraiment cool, de ne pas être qu’avec des skieurs alpins. Nous n’étions d’ailleurs que quatre. Par exemple, avec Mélanie (Meillard), nous partagions une chambre avec les curleuses. Le curling, je n’y connaissais presque rien avant ces Jeux. C’est vraiment intéressant de découvrir comment les autres athlètes fonctionnent. Nous avions beaucoup d’épreuves, peu de temps pour aller voir d’autres choses, mais on a tout de même réussi à aller voir un match de hockey des Suissesses et du biathlon.

Et avec les autres nationalités?

On a noué de nombreux liens. Je suis d’ailleurs encore aujourd’hui régulièrement en contact avec des athlètes que j’ai rencontré lors des JOJ. Je connaissais déjà certains skieurs, avec qui nous sommes d’ailleurs aujourd’hui en Coupe du monde, mais j’ai aussi noué des liens avec des hockeyeuses par exemple avec qui on s’écrit régulièrement. J’ai trouvé de nouveaux amis là-bas.

Pensez-vous que les JOJ soient une bonne préparation pour les «vrais» Jeux olympiques?

Oui. C’était un peu une douche froide de voir l’intérêt provoqué par mes médailles car il fallait gérer tout cela. Quoiqu’il arrive dans le futur, c’était vraiment une bonne préparation. Par exemple, l’an dernier, lorsque j’étais aux Championnats du monde élite à Are, c’était beaucoup plus petit que les JOJ. Si je n’avais pas eu l’occasion de les vivre avant, j’aurais à coup sûr été moins prête pour la suite.

Aline Danioth rêve de participer un jour aux “vrais” Jeux. (Arnt Folvik/CIO)

Un mot sur votre forme actuelle?

Je me sens bien. Je suis satisfaite de mon début de saison. Je n’arrive pas encore à reproduire ce que je fais à l’entraînement en course, je suis un petit peu timide (ndlr: l’interview a été réalisée à Courchevel, avant ses excellents résultats). Mais c’est mon meilleur début de saison et je vais dans la bonne direction. En géant, je me sens aussi beaucoup mieux que la saison dernière. Je suis aussi très optimiste en slalom. 

Avec une solide équipe de Suisse emmenée notamment par Wendy Holdener, la pression est moins forte sur vos épaules?

De toute façon, la plus grosse pression, c’est toujours celle qu’on se met nous-même. Ça ne change pas grand chose si quelqu’un est devant ou pas. Mais c’est sûr que c’est une chance de pouvoir se comparer avec des skieuses de qualité à l’entraînement. On ne sait jamais qui sera devant et c’est très intéressant, surtout de savoir qu’on peut se battre avec des skieuses du top niveau mondial. L’an dernier, c’était ma première vraie saison de Coupe du monde, mais cette fois, c’est beaucoup plus facile. Je connais toutes les pistes, les hôtels, je sais à quoi m’attendre. 

Aline Danioth vient tout juste de signer deux résultats probants. (Christophe Pallot/Zoom)

Pour cet hiver, vous fixez-vous des objectifs chiffrés?

Non, pas directement, car ça dépend toujours de ce que font aussi les autres. Je peux avoir une super journée, mais les autres skieuses aussi en même temps. Je serais tout de même contente. Le but cette saison, c’est de reproduire en course ce que je fais à l’entraînement. C’est ce sur quoi je travaille le plus en ce moment. C’est à moi de faire quelque chose pour améliorer cela. On essaie de mettre en place une routine en course pour que ça aille mieux, mais il y a encore des blocages. Je travaille aussi avec un coach mental. C’est très important. 

Que vous manque-t-il encore?

C’est dur à dire. Je dois avoir le courage de skier encore plus à la limite en course. Je skie souvent à 50% en course. Je ne sais pas trop encore ce que je dois faire, mais ça va venir. C’est aussi une question de mental. Je travaille vraiment pour réussir à donner 100% en course, mais ce n’est pas si simple. Lorsque cela sera résolu, je serai entièrement satisfaite. J’attend ce moment avec impatience.

Vous avez peur de sortir en course?

Peut-être. J’arrive à être constante à 100% à l’entraînement, mais c’est mon subconscient qui me joue des tours en course.

Laurent Morel, de retour de Courchevel