La question était sur toutes les lèvres, des journalistes du moins, ce week-end à Chamonix. Qui seront les quatre Suisses au départ du slalom des Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo le 21 février prochain? Si le week-end haut-savoyard n’a pas forcément permis d’apporter toutes les réponses (six skieurs ayant désormais réalisés les minima demandés par Swiss-Ski), il a amené son lot de certitudes même si, dans les circonstances actuelles, tout peut très vite évoluer. Il suffit d’une blessure ou même d’une quarantaine pour perdre sa place. Patron de l’équipe de Suisse masculine, Tom Stauffer n’était pas très loquace dimanche à l’issue du slalom remporté par Henrik Kristoffersen: “La sélection tombera dimanche prochain”. Relancé à maintes reprises, sa réponse a toujours été la même. Impossible d’en savoir plus donc de sa bouche.

Pourtant, à lire entre les lignes des différentes interviews, le choix des entraîneurs semble fait et il devrait avoir une consonance très valaisanne. Le numéro un de l’équipe sera sans aucun doute possible Ramon Zenhäusern. Le géant de Bürchen, deux fois deuxième sur la Verte des Houches, s’est affirmé cet hiver comme le véritable fer de lance de cette équipe, tant par sa régularité que par ses coups d’éclat. A ses côtés, il est assez évident que Loïc Meillard, 2e slalomeur suisse cet hiver sera présent. Le Valaisan aura un programme chargé dans les Dolomites, mais il compte bien en profiter pour s’offrir autant de chances d’aller décrocher des podiums. De retour au premier plan après avoir mangé son pain noir durant deux saisons, Luca Aerni lui a su se rendre indispensable. Et ses deux manches de feu réussies à Chamonix (la deuxième samedi et la première dimanche) ne font que renforcer son nouveau statut. “Il sera récompensé prochainement”, a d’ailleurs glissé l’un des entraîneurs helvétiques Thierry Meynet.

Daniel Yule, vraiment menacé?

Reste alors l’épineuse question Daniel Yule. Le meilleur slalomeur suisse de l’histoire, en constante progression jusqu’à la saison dernière, vit des heures difficiles. Si sur plusieurs passages il est capable de montrer son meilleur ski, à l’image de la deuxième manche remportée à Adelboden ou de la première à Alta Badia, le skieur du val Ferret est en panne de confiance. A Chamonix, sur une piste et dans des conditions qui ne lui conviennent certes pas vraiment, il a eu passablement de difficultés à tirer son épingle du jeu. Pas complètement largué, il a régulièrement perdu du temps, semblant incapable d’élever son niveau comme il le faisait la saison dernière. Pourtant, sa place pour Cortina est quasiment assurée. Et la piste, difficile et raide ainsi que la neige, probablement dure, devraient lui convenir à merveille. Reste à savoir si les trois semaines qui séparent le 3e des deux dernières Coupes du monde de la discipline du grand rendez-vous de l’hiver lui permettront de se remettre sur les bons rails.

Tanguy Nef, qui réalise pourtant sa meilleure saison sur le Cirque blanc et a gagné en régularité, devrait faire les frais de cette concurrence ultra féroce au sein de l’équipe de Suisse. “Seulement” 19e mondial, le Genevois a pourtant encore franchi un palier cet hiver, gagnant en régularité, ayant intégré le top 10 à deux reprises et montrant qu’il était capable de s’approcher des podiums. Las pour lui, son week-end chamoniard (21e et éliminé) n’aura pas réussi à brouiller les cartes. Malgré son exploit de dimanche avec un premier podium en carrière, Sandro Simonet ne devrait lui non plus pas entrer dans la discussion, payant son manque de régularité. “Abondance de biens ne nuit pas, rappelle un Thierry Meynet qui n’a pas voulu se mouiller. Je ne veux pas m’avancer sur un terrain glissant…” Les avis des principaux protagonistes.

“Je me réjouis d’être à Cortina”

Loïc Meillard: “La forme est là et aujourd’hui (ndlr: dimanche), j’ai donc essayé d’attaquer. J’enfourche, c’est des choses qui arrivent, ce n’est pas la fin du monde. Je pars sur un bon sentiment de Chamonix et je vais me reposer avant d’aller à Garmisch jeudi. Je ne me fais pas trop de souci pour ma qualification pour les Championnats du monde. J’ai terminé deux fois dans le top 5, une fois 6e et une fois 9e en slalom. J’ai montré que j’étais là, que je pouvais jouer les podiums à chaque course. Je me réjouis d’y être.

La piste de slalom de Cortina? Je ne l’ai jamais vue mais je me réjouis de la découvrir. On en a entendu beaucoup de bien et j’espère qu’elle sera bien préparée.”

“Est-ce que je comprendrais de ne pas être sélectionné? Honnêtement non.”

Luca Aerni: “Le ski est là, et ça fait du bien. C’est plus fun de se battre pour les premières places que pour prendre les 30. Je prends vraiment du plaisir à être là de nouveau. Je pense avoir fait un pas vers les Championnats du monde. Ça fait du bien. Après, rien n’est encore écrit. Mais je leur ai montré (aux entraîneurs) que j’étais là sur plusieurs courses, constant. Je pense que c’est ça qui va payer pour la qualification. Est-ce que je comprendrais de ne pas être sélectionné? Honnêtement non.”

“Très clairement, je doute”

Daniel Yule: “Ce mois de janvier? Ça fait du bien quand ça s’arrête! J’ai montré quelques bonnes choses, mais de loin pas assez. Je n’ai pas forcément eu la réussite de mon côté mais j’ai aussi commis des erreurs. C’est très très frustrant pour moi. Maintenant, on va remettre l’ouvrage sur le métier. Les conditions à Chamonix? Il y a des fois où il ne faut rien dire et skier plus vite. C’est le cas aujourd’hui. Fischer a envoyé un nouveau ski ici, qui marche mieux dans ces conditions, sur cette neige. On l’a testé vendredi et mis en course ce week-end. Il fonctionne mieux, même si c’est surtout Luca qu’il l’a prouvé plutôt que moi. Mais j’essaie tout pour que ça tourne du bon côté et en ce moment, ça veut pas.

On verra si j’y suis, à Cortina! En tous cas, j’ai le regard tourné vers la suite. Si je doute pour ma place aux Championnats du monde? On est six à avoir rempli les critères donc oui, très clairement, je doute. Deux d’entre nous vont devoir rester à la maison. Maintenant, c’est aux entraîneurs de prendre la décision.

Bien sûr, je suis toujours prêt à jouer les médailles sur un jour. Si ce n’était pas le cas, je ne me serais pas présenté au départ à Chamonix. Je suis quelqu’un de très compétitif. La 18e place du jour ne me fait clairement pas rêver. J’ai des attentes bien plus hautes. J’ai pu montrer, que ce soit en 2e manche à Adelboden ou à Schladming avant que je sorte, que je pouvais être rapide. Il s’agit désormais de le faire sur deux manches.”

“Jouer une médaille dans un bon jour”

Tanguy Nef: “Aujourd’hui (dimanche), c’était quitte ou double. Je suis déçu mais j’ai fait du bon ski. C’est clair que j’ai tendance à avoir cette mentalité, à parfois bâcler les passages techniques, sans vouloir trop réfléchir. Mais je n’ai aucun regret, c’est aussi là que les courses se jouent. Mais je suis encore jeune et j’ai encore de belles années devant moi. C’est ma troisième saison de Coupe du monde. Je me suis constamment amélioré, ce qui est ma devise. J’ai aussi gagné en constance. J’en tire un bilan tout à fait positif. Je sais que je peux skier vite mais il manque encore quelques détails. C’est une saison compliquée avec des conditions qui ne me convenaient pas forcément au mieux. Je reste assez heureux.

On a des nouveaux modèles de ski qui vont arriver mais c’est un peu tard malheureusement. On travaille dessus. On le voit dans les classement, Fischer n’est pas tout à fait devant. On n’a pas été avantagé mais je ne mets jamais la faute sur le matériel. Disons, que cela n’a pas été un avantage, sans pour autant être un inconvénient. A Adelboden typiquement, je pense qu’on avait les meilleurs skis. On sait sur quoi doit travailler, avec les Jeux olympiques en ligne de mire l’année prochaine sur une neige asiatique qui peut compliquer les choses.

Si on ne se base que sur ce week-end pour la qualification, c’est vrai que je ne mérite pas ma place. Je félicite Luca (Aerni) qui a fait une superbe remontada et a confirmé aujourd’hui (dimanche). Je sais que je peux skier vite, jouer une médaille dans un bon jour. Les quatre meilleurs iront à Cortina et j’espère qu’ils représenteront la Suisse le mieux possible. Je pense en tout cas que Daniel (Yule) a suffisamment prouvé la saison dernière qu’il avait la possibilité de faire des médailles donc à mon avis, ça se joue plutôt entre Luca et moi.”

Les avis de Ramon Zenhäusern et Sandro Simonet sont à lire ici.

Laurent Morel, de retour de Chamonix