Dans la nuit bavaroise de Garmisch-Partenkirchen, Tanguy Nef s’est un peu rassuré. En prenant la 19e place du slalom remporté par Henrik Kristoffersen, le Genevois a marqué pour la quatrième fois des points en Coupe du monde depuis le début de la saison dernière, la première cet hiver. “Ça fait du bien d’être à l’arrivée”, concède celui qui a si souvent, ces deux derniers hivers, connu les affres de l’élimination. Mercredi sous les projecteurs, Tanguy Nef a dansé dans les rigoles scintillantes de la piste Gudiberg en première manche (29e), “en mode survie”, avant de profiter pleinement d’une piste parfaite sur la seconde pour signer le 5e temps du parcours et grignoter 10 places.

Une éclaircie dans un ciel qui peinait à se dégager pour l’athlète de 26 ans en proie aux doutes face à ses performances depuis une année et demie. Très bon 18e du classement de slalom lors de la saison 2020-2021, l’athlète a rétrogradé dans la hiérarchie. Si cette baisse de résultats correspond à son passage de Fischer à Head au printemps 2021, elle ne résulte aucunement de ce changement de matériel. “On a tapé toutes les théories du monde l’an dernier, en parlant notamment de mes fixations qui étaient le problème. Au contraire, l’an dernier, mes nouveaux skis étaient davantage une aide qu’autre chose”, lance-t-il en rappelant notamment ses performances lors des premières manches de Val d’Isère (4e) et du second slalom de Garmisch-Partenkirchen (1er) où il avait brillé avant de partir à la faute.

Un manque de volume d’entraînement pour ses coaches

Pour ses coaches, le manque de constance dans les performances de Tanguy Nef, si on se réfère à ses sorties de piste, est la résultante d’un “manque de volume d’entraînement”. “Tanguy a du talent, mais malgré le talent, sans le travail, tu n’y arrives pas”, expliquaient à l’unisson les entraîneurs de l’équipe helvétique Matteo Joris, Thierry Meynet et Julien Vuignier. “Malheureusement, le sport, c’est aussi un peu ennuyant des fois. Il est nécessaire de répéter les gestes, car c’est le seul moyen du succès.” Pour ses entraîneurs, Tanguy Nef joue “à la roulette russe”, capable de surprendre sur une manche son monde, tout en manquant de volume “pour s’engager encore” sur la durée.

Une théorie que le Genevois balaie d’un coup de carre dans son franc-parler. “C’est n’importe quoi”, assure-t-il, avant de rappeler ses premiers pas sur le Cirque blanc lors de l’hiver 2018-2019, lorsqu’il conciliait ski en Coupe du monde et études universitaires à Dartmouth dans le New Hampshire. “Quand je suis arrivé dans l’équipe, je volais entre la Suisse et les États-Unis même pour des courses en pleine la saison. Alors certes, je manquais de volume d’entraînement, mais j’étais là.” Tanguy Nef a d’abord essayé de suivre à la lettre les conseils des entraîneurs, mais il a vite remarqué que cette méthode ne lui sied guère. Le skieur exprime tout son potentiel lorsqu’il peut suivre son instinct. “On veut me faire entrer dans un moule auquel je n’appartiens pas. Bien sûr, il faut certaines capacités et l’entraînement en soi est important, mais cela fait 26 ans que je fais du ski, je pense que je sais faire des virages.”

Un problème dans la tête pour Tanguy Nef

Pour celui dont les meilleurs résultats en Coupe du monde sont deux 6es places (Madonna di Campiglio 2020 et Adelboden 2021), le problème se situe “dans l’approche de la course” et notamment au niveau mental. “Jusqu’il y a peu, je n’avais encore jamais été confronté à l’échec. Je me rends compte que lorsque je ne suis pas en confiance, j’ai tendance à vouloir toujours en faire plus en course, car je me dis que sinon cela ne suffira pas. L’an passé, cela se passait bien en première manche, et je me disais ensuite que je devais en mettre plus lors de la seconde. Au final, ça ne passait pas.” Résultat, Tanguy Nef dénombre neuf éliminations en douze mois entre la Coupe du monde et la Coupe d’Europe. “Ce n’était même pas une question de prendre trop de risques, mais de penser trop à la performance et au résultat.”

A l’entraînement, c’est pareil. Le talentueux genevois skie vite, mais il enfourche plus souvent qu’à son tour. Dans la tête, naturellement, il gamberge. “A Madonna, avant Noël, pendant les minutes qui précédaient la course, je pensais que je devais arriver en bas, puis à attaquer, puis j’imaginais alors enfourcher. Tu n’as alors plus de plan et tu te mets en danger car tu penses à trop de choses.” Pour résoudre cette problématique, Tanguy Nef s’est entouré il y a quelques mois d’un nouveau coach mental, spécialisé dans les sports de précision. “Avant, j’étais trop focalisé sur la concentration et la visualisation. Dans cette nouvelle approche, le but n’est pas de dire que je dois arriver au fond d’une manche, sinon je n’y arriverai pas. Mais l’objectif principal est de se concentrer sur le ressenti, pour avoir un ski plus libre.” Chaque porte, chaque mouvement de glisse sur la neige, doit alors être pleinement perçu. “Je me concentre sur les sensations, je vais savoir où va mon ski en étant davantage connecté à lui.”

Un cercle vertueux à créer et à entretenir

C’est un nouveau cercle vertueux à tracer dans la neige, vers une confiance à renouveler afin d’engendrer de la constance dans les résultats. “En étant désormais hors des trente, je dois trouver une consistance qui va me ramener dans les quinze, dans les dix.” À Garmisch-Partenkirchen, un premier pas a été réalisé en ce sens lors de la seconde manche. Une performance qui fait notamment suite à plusieurs échanges avec son préparateur mental durant les Fêtes de fin d’année “Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir sur les skis. Les skis tournaient bien, la neige était facile, c’était vraiment joli à skier.”

Un excellent sentiment que Tanguy Nef va maintenant prendre avec lui dimanche pour le slalom d’Adelboden qui s’annonce, tout comme celui de Garmisch-Partenkirchen, épique, dans des conditions très difficiles. Sous la pluie annoncée de l’Oberland bernois, il espère que son éclaircie bavaroise chasse enfin définitivement les mauvais nuages et exprimer pleinement tout son talent.

Johan Tachet, de retour de Garmisch-Partenkirchen