Les organisateurs l’ont répété à l’envi depuis de longs mois. Organiser une course en partie sur un glacier au mois de novembre représente un immense défi. Et si les révélations sur des irrégularités commises lors de la construction de la piste n’ont fait que compliquer leur tâche, celle-ci était déjà suffisamment ardue à la base. Un départ d’une course de Coupe du monde à 3720 mètres d’altitude (l’arrivée se situe à 2840 m), cela ne s’est jamais vu sur le Cirque blanc. Et au delà de cet aspect purement mathématique, ce sont bien les contraintes liées à une telle configuration qui renforcent le challenge.

En premier lieu, il y a la météo. La tempête Ciarán, qui débarque en ce moment depuis l’Atlantique, met à rude épreuve la préparation de la Gran Becca, le nom de la nouvelle piste dessinée par Didier Défago. “C’est en effet passablement perturbé sur toute l’Europe et il y a beaucoup de vent. Il va neiger les prochains jours sur les Alpes, même si Zermatt et plutôt protégée”, décrypte Mikhaël Schwander, météorologue chez MeteoSuisse. Et si les conditions défavorables de ces dernières semaines ont permis à l’or blanc de tomber abondamment sur les sommets alpins, elles ont empêché les équipes de venir s’entraîner.

Dimanche soir, sur ORF, Johan Eliasch se vantait pourtant d’avoir innové en permettant aux athlètes de profiter des installations de Zermatt. “On a un accord avec les fédérations suisses et italiennes pour que toutes les équipes puissent s’entraîner sur place, dévoilait le président de la FIS. Cela doit éviter de voler trop souvent vers l’Amérique du Sud.” Cette solution devait également permettre aux meilleures skieuses et meilleurs skieurs de la planète de se familiariser avec une piste encore inconnue. “Deux jours ont été prévus pour chaque équipe”, détaille ainsi Mélanie Lauper, responsable des réservations des pistes. Ce système n’est pas courant sur le Cirque blanc.

Aucun véritable entraînement sur la Gran Becca

Sauf que la météo a mis son veto. Le site a été accessible uniquement deux jours. “Plusieurs nations ont pu découvrir les lieux mais se sont entraînées sur un parcours différent de celui qui va être utilisé pour la Coupe du monde”, ajoute Mélanie Lauper. Les groupes allemands, suisses, français, autrichiens, italiens, tchèques, australiens, andorrans, israéliens ou encore slovènes se sont rendu sur place mais sont parfois repartis bredouille. Le comité d’organisation payait une partie des frais de ces équipes, à savoir 23 francs par personne par jour pour accéder aux pistes, tandis qu’il restait 40 francs à la charge des athlètes et de leur fédération.

À noter encore que cet été, plusieurs équipes ont pu profiter des 15 lignes à disposition sur le glacier valaisan, même si le parcours n’était pas celui de la piste de Coupe du monde non plus. Des équipes suisses, autrichiennes, italiennes, croates, françaises et allemandes en ont notamment profité. Dans cette situation, les groupes suisses ont la priorité, puisque la confédération soutient les remontées mécaniques. Ainsi, certains skieurs helvétiques ont notamment pu découvrir le “Matterhorn Sprung”, qui doit devenir l’un des highlights de ce nouveau parcours. Logique. Et enfin, il est à signaler que les entraînements sur la Gran Becca ne seront plus possibles à partir de vendredi, celle-ci devant être préparée pour la Coupe du monde. “D’autres pistes sont toutefois disponibles”, se réjouit Mélanie Lauper.

Au pied du Cervin, on garde donc le sourire. “Les chutes de neige de ces derniers jours et les températures basses nous aident à préparer la piste, se félicite David Daugwalder, responsable des médias pour la partie suisse du “Speed opening”. Les préparatifs pour les courses sont dans la dernière ligne droite.” Reste à espérer qu’avec l’humidité qui règne encore à cette saison et les forts vents qui soufflent, la neige ne s’accroche pas trop aux câbles des remontées mécaniques et empêche celles-ci de tourner.

La CCC est venue contrôler

Enfin, les menaces d’interdiction d’utiliser la piste en raison des irrégularités semblent s’amenuiser. Le départ des dames, s’il s’avère qu’il est situé en zone illégale, pourra être rabaissé (impossible de le remonter car la descente serait alors trop longue). Quand à la piste masculine, une légère modification du tracé a également été effectuée. Et à Zermatt, on veut surtout insister sur le fait que l’utilisation de pelleteuses se fait depuis plusieurs dizaines d’années sur une toute petite partie du glacier afin d'”assurer la sécurité des skieurs”. C’est d’ailleurs le cas sur de très nombreux glaciers autour de la planète.

Quant à la Commission cantonale des constructions, qui doit se prononcer sur la légalité de l’ensemble des travaux effectués sur le glacier du Théodule, elle a finalement pu venir effectuer ses relevés samedi dernier, selon nos informations. Questionnée sur les résultats de son enquête, la CCC ne communique pas. “Comme précisé dans notre communiqué pour les médias du 19 octobre 2023, la CCC ne donnera pour l’heure pas d’information supplémentaire”, s’est-elle contentée de répondre.

En tout cas, dans la station huppée, on se veut rassurant sur tous les plans. Et même Fétibohoupa, déesse de la météo, semble s’être rangée du côté des organisateurs. “Pour l’instant, on annonce quelques précipitations en début de semaine, mais ça devrait se calmer au fil des jours, tandis que le vent va faiblir, rassure Mikhaël Schwander qui rappelle qu’il est encore tôt pour faire des prévisions fiables. Mais le sud des Alpes devrait être plus protégé que d’autres zones. Zermatt pourrait être un petit peu en marge des éventuelles perturbations.” Le météorologue rappelle toutefois que dans l’idéal, “le printemps serait plus favorable” à l’organisation de telles compétitions.

Laurent Morel