Quatorze après Marc Berthod, le Cantique suisse retentit à nouveau dans l’aire d’arrivée d’Adelboden un samedi après le mythique géant disputé sur la Chuenisbärgli. Si le public helvétique a entre-temps pu célébrer le succès en slalom de Daniel Yule en 2020, le public helvétique attendait ce moment avec impatience et c’est logiquement Marco Odermatt qui a mis un terme à l’attente ce samedi. Dans la forme de sa vie, ultra-dominateur dans la discipline depuis le début de l’hiver, Odi a survolé la course ce samedi, pour s’imposer malgré quelques erreurs avec près d’une demi-seconde d’avance sur le surprenant Manuel Feller.

“Jusqu’à ce que je vois le numéro 1 affiché sur l’écran géant, c’était vraiment très long, racontait le héros de tout un peuple à la cohorte de journalistes venue s’entasser pour écouter ses propos. Puis j’ai entendu l’ovation du public et vu apparaître du vert. C’était vraiment un sentiment incroyable, quelque chose de très spécial de gagner devant tout ce public. C’est ma plus belle victoire, évidemment. C’est un rêve de gagner ici. Les émotions sont extrêmement fortes.”

Un mental à toute épreuve

Si Marco Odermatt a tremblé, c’est qu’il n’était pas vraiment confiant. Car s’il a remporté quatre des cinq géants disputés jusqu’ici cet hiver (2e à Alta Badia), l’exigeante Chuenisbärgli ne s’offre pas au premier venu. “Je n’étais vraiment pas sûr de gagner, insiste-t-il. J’ai pris des risques, décidé d’attaquer, comme toujours. Et j’ai commis quelques petites fautes. A l’entrée du mur en deuxième manche, j’en ai fait une grosse et je me suis dit que ça allait peut-être devenir compliquer de m’imposer.”

Mais le mental du Nidwaldien est décidément à toute épreuve. “Beaucoup de choses peuvent se passer en course, mais en ce moment, ça tourne dans mon sens, relève-t-il. J’ai pu montrer une très belle première manche et une deuxième manche encore plus folle. C’était vraiment vraiment bien.” Marco Odermatt a la tête bien arrimée sur le épaules. “Pour gagner des courses, le plus important est du côté mental, insiste-t-il. Après, il faut que tout joue physiquement et en terme de matériel. Mais il faut pouvoir être à fond, tout donner mentalement pour pouvoir prendre tous les risques.”

C’est également l’exceptionnel niveau de l’équipe de Suisse, qui a une nouvelle fois réussi un excellent résultat d’ensemble avec la 4e place de Justin Murisier, la 8e de Loïc Meillard et la 11e de Gino Murisier, et pas uniquement sa boisson préférée qui lui donne des ailes. “J’ai la chance de faire partie d’une excellente équipe avec une très bonne ambiance, rappelle-t-il. On se pousse à progresser, vraiment.” Justin Murisier confirme: “On essaie de beaucoup s’aider l’un et l’autre à la reconnaissance, se réjouit le Valaisan. On a plus ou moins le même plan. Mais souvent, il arrive à l’exécuter et moi pas. Depuis le début de saison, Marco a un flow incroyable. Franchement, c’est inexplicable la façon dont il arrive à être rapide dans toutes les manches.”

Une ou deux bières pour trouver le sommeil

Le plus dur désormais pour Odi sera peut-être de trouver le sommeil ce soir, avec ces “Odi odi odi odi eh” qui doivent trotter dans sa tête après avoir été entonnés par les plus de 12 000 spectateurs présents ainsi que les images des centaines de drapeaux suisses flottants dans l’arène d’arrivée de l’Oberland bernois. “Je vais boire une bière ou deux et après ça je vais pouvoir aller au lit” rassure, dans un français de plus en plus léché, celui que rien ne semble pouvoir attendre. “Il y avait beaucoup de pression tout de même aujourd’hui, mais je suis content d’y avoir résisté”, sourit encore le champion, qui enchaînera la semaine prochaine avec sa première apparition à Wengen.

Laurent Morel, Adelboden