“J’arrête ma carrière, c’est décidé!” Sous le coup de l’émotion, Fanny Smith veut tout envoyer balader et répète à plusieurs reprises cette phrase lourde de sens. La Villardoue, qui pleure à chaudes larmes dans les bras de Talina Gantenbein et de son préparateur physique Philippe Clément, évacue toute sa frustration avec le sentiment que la médaille de bronze, qu’elle avait remportée sur la piste, lui a été volée par le jury à l’issue de la finale remportée par la Suédoise Sandra Naeslund.

Revenue de l’enfer après avoir contracté une vilaine blessure à un genou, la Vaudoise a pourtant bravé les éléments pour aller chercher sur la piste cette médaille méritée. Sous les épais flocons de Zhangjiakou – c’est assez rare pour être souligné – et le brouillard ambiant, cette décision a surpris l’ensemble des personnes présentes dans l’aire d’arrivée de Secret Garden.

Fanny Smith était inconsolable dans l’aire d’arrivée. (SkiActu)

Après avoir patienté de longues minutes jusqu’à la décision du jury de la FIS, Fanny Smith a eu le temps de cogiter. Mais jamais elle n’aurait imaginé une telle décision. Très remontée, la skieuse de 29 ans a parlementé de longues minutes avec plusieurs membres de la FIS dont Klaus Waldner, le directeur de course, afin de comprendre les raisons qui ont conduit à son déclassement lors de la finale. “C’est du skicross, il y a des contacts, c’est normal, vous rendez-vous compte de l’impact de votre décision?”, a ainsi questionné la skieuse vaudoise sous le choc. “Et le contact avec Marielle Thompson, cela ne vous suffisait pas?”, a-t-elle poursuivi, rappelant avoir également été bousculée par la Canadienne dans le dernier virage. C’est d’ailleurs dans la foulée, à la sortie du dernier roller, que Fanny Smith a réalisé un écart avec son ski gauche, perturbée par Marielle Thompson juste devant elle, ce qui a freiné l’Allemande Daniela Maier.

Stupeur générale

Dans l’aire d’arrivée, alors que le jury a visionné la scène une nombre incalculable de fois, personne n’aurait pensé que la Vaudoise puisse être pénalisée d’un carton jaune. Fanny Smith et Daniela Maier ont même rigolé ensemble peu de temps après l’arrivée, car des contacts similaires, il en existe souvent en skicross, sans qu’ils soient jugés litigieux.

Après une dizaine de minutes d’attente, le résultat est tombé et la stupeur s’est emparé du clan helvétique qui s’est agité dans tous le sens. Impossible toutefois de faire le moindre recours ou de déposer le moindre protêt. Le staff helvétique trouvera comme réponse que la décision a été prise selon les règles de course. Selon nos informations, aucune procédure supplémentaire, devant le Tribunal arbitral du sport notamment, n’est envisagée.

Fanny Smith a adressé son courroux a directeur de course. (SkiActu)

Pourtant, même les entraîneurs allemands ont trouvé le raisonnement absurde. Heureuse de récupérer la médaille de bronze, Daniela Maier s’imaginait déjà chocolat et partageait sa déception pour Fanny Smith. La gagnante du dernier Globe de cristal paie également peut-être ses prises de position tranchées, à l’image de ses critiques envers la piste olympique lorsque les athlètes étaient venus la reconnaître au mois de novembre ou la décision de lancer une course dans des conditions exécrables à Val Thorens en décembre.

Fanny Smith et les Jeux olympiques, histoire mouvementée

Et cette journée sombre marquera une nouvelle page de l’histoire très mouvementée que Fanny Smith entretient avec les Jeux olympiques. Alors qu’elle a toujours rêvé du grand rendez-vous quadriennal, celui-ci s’est toujours refusé à elle. En 2010 à Vancouver, la Vaudoise était probablement encore un peu tendre (7e). Et c’est surtout en 2014 qu’elle a été malheureuse (8e alors qu’elle faisait partie des grandes favorites). Quatre ans plus tard, arrivée à nouveau avec un statut similaire, elle était alors parvenue à enfin arracher, au bout du suspense, une belle médaille de bronze, qu’elle avait prise comme une libération.

Mais ce jeudi sur la neige chinoise et alors qu’elle avait confié regretter de disputer une nouvelle fois des Jeux olympiques en Asie, le sort s’en est à nouveau mêlé. Reste à savoir si sa promesse de disputer ses derniers Jeux en Italie dans quatre ans, qu’elle avait encore réitérée en début de saison, sera désormais tenue.

Johan Tachet & Laurent Morel, Zhangjiakou