Tout juste de retour en Suisse, Fanny Smith a accepté de partager ses émotions, quelques heures après avoir écrit l’histoire en devenant seule, l’athlète la plus titrée de son sport en Coupe du monde. En décrochant une 27e victoire dans le brouillard d’Idre Fjäll, en Suède, la Villardoue de 28 ans a en effet effacé Ophélie David des tabelles pour s’offrir ce record. Interview d’une athlète qui a déjà tout gagné ou presque, de son titre mondial en 2013 à la médaille de bronze olympique en 2018.

Fanny Smith, commencez-vous à réaliser la portée de votre exploit?

Pas vraiment, je dois dire. Me dire que j’en suis déjà à 27 victoires, c’est dingue. Je prends les courses les unes après les autres et je n’ai jamais skié pour les records, mais c’est sûr que c’est agréable car ça vient récompenser tout le travail et les sacrifices effectués ces 12 dernières années. Cette performance ne tombe pas du ciel.

Avez-vous pu fêter votre victoire dimanche?

C’est difficile, surtout qu’il n’y avait pas vraiment d’ambiance sur place. Bien sûr, en Suède, on a retrouvé une situation presque “normale”, mais on reste dans des circonstances particulières pour les courses. On a déjà beaucoup de chance de pouvoir courir. Et si mes résultats sont incroyables, la saison continue. Et là, je pense déjà aux prochaines courses, qui auront lieu ce week-end (ndlr: à Feldberg/GER).

Du coup, votre motivation est intacte?

Complètement. Je reste très exigeante avec moi-même. Ce qui est magique dans notre discipline, c’est qu’à chaque course, à chaque départ, à chaque tour, c’est une compétition. Il faut toujours être prête. En course, il n’y a pas une fois où la motivation est moindre. C’est parfois plus dur à l’entraînement, car c’est la compétition qui me fait vibrer.

Vos performances à Idre Fjäll (deux victoires et une troisième place) vous offrent par ailleurs une avance confortable de plus de 200 points au classement de la Coupe du monde. Vous êtes bien partie pour aller glaner un troisième Globe de cristal! Comment expliquez-vous une telle régularité alors que le skicross repose sur de nombreux paramètres?

Je suis très contente de ma saison jusqu’ici. Ce n’est pas rien d’avoir réussi à monter sur 6 podiums en 7 courses et je crois vraiment que c’est possible d’être régulière dans ce sport. Cela fait d’ailleurs 7 ou 8 ans que je suis dans le top 3 mondial. Mais ce n’est pas un hasard. Pour y arriver, il faut énormément travailler, prendre soin de nombreux détails et aussi avoir un excellent entourage, qu’il s’agisse des entraîneurs, des physio, des préparateurs, etc.

Votre pote Ophélie David, dont vous avez battu le record, vous a-t-elle félicitée?

Oui, évidemment. J’ai eu droit à la totale! Elle était en Suisse, avec Emilie Serain (elle aussi ancienne athlète). Vraiment, c’est une femme extraordinaire, ça fait plaisir d’avoir pu partager cela avec elle.

Vous ne semblez pas rassasiée. Arrivez-vous à vous projeter sur les prochains Jeux olympiques et les années futures?

Oui, j’y pense. Je sais d’ailleurs que j’aimerais bien avoir l’occasion de retrouver des Jeux olympiques dans un pays de sports d’hiver. Et pour ce faire, il faudra attendre Milan-Cortina en 2026 (ils auront lieu à Pékin en 2022). Donc oui, je me vois bien continuer encore un bon moment.

Si vous parvenez à être aussi régulière, c’est aussi parce que vous n’êtes pas souvent blessée par rapport à d’autres athlètes. Comment faites-vous pour éviter les ennuis de santé?

J’ai tout de même souffert de deux blessures majeures au cours de ma carrière: une au genou qui n’était pas réellement de ma faute (en 2011) et une autre à l’épaule où j’étais plus fautive (en 2015)… Mais je mets la santé comme priorité. Je cherche déjà à être en forme physiquement et j’arrive à juger à quel point je dois attaquer. C’est du risque contrôlé. Bien sûr, une blessure peut toujours arriver, mais je m’entraîner tellement pour être prête que ça aide beaucoup.

Les Championnats du monde qui devaient avoir lieu en Chine ont été finalement déplacés à Idre Fjäll (le 13 février). Vos excellents résultats en Suède vous rassurent ou au contraire vous mettent une pression supplémentaire?

Un peu des deux. Personnellement, j’ai toujours aimé arriver sur un nouveau lieu, découvrir de nouveaux paramètres. Là, ça ne sera malheureusement pas le cas. Et sur cette piste, on sait qu’il peut se passer beaucoup de choses. L’erreur est interdite au risque d’être rapidement reléguée au second plan, comme cela m’est arrivé samedi. Mais c’est aussi ça le skicross et il faut savoir s’avouer vaincue. Et j’apprécie le lieu alors je ne me fais pas particulièrement de souci.

Laurent Morel