Denis Corthay a éclaboussé de son talent le super-G des Championnats de Suisse, jeudi sur ses terres de Verbier. À 19 ans, le skieur du Châble a remporté son premier titre national. Un succès qui va très certainement en appeler d’autres pour le prodige bagnard. Mais s’il est conscient de son potentiel, Denis Corthay ne veut pas non plus brûler les étapes. Interview après son sacre.

Denis Corthay, vous êtes devenu champion de Suisse de super-G, à la maison à Verbier. Qu’est-ce que ce titre représente pour vous?

C’est magnifique. Ce n’est pas forcément un rêve, car j’avais également de la peine à croire avant la course que je pouvais être le meilleur Suisse. Et là, je le suis. Je le fais à la maison, devant tous les bénévoles qui se sont donnés de la peine, c’est un magnifique cadeau pour moi et pour l’organisation.

Quelles étaient vos émotions sur la plus haute marche du podium au moment où vous vous faites arroser de champagne par vos proches?

C’était incroyable d’avoir ma famille, mes cousins, mon bureau qui est à Verbier. Tout le monde est venu et c’est magnifique de pouvoir leur montrer pourquoi je pars toute l’année, pourquoi je ne suis jamais là. Et aujourd’hui, c’est la récompense.

Champagne mérité pour Denis Corthay, arrosé par ses proches. (Bastien Gallay/GallayPhoto)

Est-ce le plus beau jour de votre vie?

Pas de ma vie, car j’ai eu la chance un jour d’aller au sommet du Grand Combin, c’est la montagne de ma vallée et c’était magnifique. Mais par contre, c’est le plus beau jour de ma carrière de skieur, c’est certain. Wengen (ndlr: il a fait son premier podium en Coupe d’Europe de super-G dans la station oberlandaise en janvier avec le dossard 54), c’était magnifique, mais là, c’est les Championnats de Suisse. Les meilleurs athlètes, ceux de Coupe du monde sont présents, et j’ai su être le plus performant.

Quelles étaient vos ambitions avant ces Championnats de Suisse à domicile?

Je n’en avais pas vraiment. Je souhaitais à la base me comparer avec les gars de Coupe du monde, les Odermatt, les Rogentin, les Murisier. Pouvoir faire la même course qu’eux, sur la même piste, ce n’est que du bonus. Et nous, les jeunes, on vient souvent sans ambition sur ces championnats nationaux, juste avec la volonté de pouvoir se comparer.

Vous battez pour le coup un Stefan Rogentin qui n’est autre que le vainqueur du super-G de Wengen en Coupe du monde cette saison.

Oui c’est vrai, mais après c’est une autre piste, c’est une autre course, une autre envie. Ces athlètes sont parfois là aux Championnats de Suisse en mode tranquille, ils viennent car ils doivent venir. Ils ne sont pas forcément à 100%. Mais j’ai pu saisir ma chance et j’ai été meilleur que lui.

Beaucoup de suiveurs évoquent un brillant futur pour vous.

Je l’espère. Mais je suis encore jeune, j’ai de belles années encore devant moi pour faire mes preuves. J’ai été épargné par les blessures jusqu’ici, j’espère que cela continuera ainsi et on verra ce que l’avenir m’apporte.

Vous rivalisez déjà avec les meilleurs skieurs du pays à 19 ans en vitesse, cela doit vous apporter une grosse dose de motivation et de confiance pour la suite?

Oui, cette performance lors de ce super-G résume une magnifique saison. Je peux partir en vacances tranquillement. Je vois que mon niveau est bon, que je sais skier. Cela me motive pour l’année prochaine. En Coupe d’Europe, je peux encore faire mieux que ce que j’ai réussi jusqu’à présent.

Et pourquoi pas un baptême en Coupe du monde dans quelques mois?

Ce sera compliqué l’hiver prochain encore, car il y a une grosse densité en Suisse. Mais si l’opportunité se présente tant mieux. Sinon, ce n’est pas grave. Je sais que je dois encore faire du chemin en Coupe d’Europe. J’ai le temps et je ne me prends pas la tête avec cela.

Si nous vous avions dit au début de l’hiver que vous alliez réaliser une telle saison avec votre premier podium en Coupe d’Europe, une participation aux Mondiaux juniors et un titre national, vous nous aurez jamais cru?

Je vous aurais regardé dans les yeux et je vous aurais dit: «Non, calme-toi. Je suis un jeune skieur, j’ai le temps». J’espérais faire l’une ou l’autre apparition en Coupe d’Europe. Mais franchement cette saison est incroyable.

Qu’est-ce qui vous a permis de faire ce pas en avant, alors, qu’on le rappelle, vous être toujours un skieur du groupe NLZ, et non pas des cadres de Swiss-Ski?

C’est avant tout grâce à mes entraîneurs. Ils m’ont accompagné l’an passé lorsque j’étais dans des périodes de doute. Et cette année, ils m’ont laissé continué dans ma philosophie, dans mon style de ski, et ils m’ont poussé. Cela m’a permis d’être sûr de moi, de me pousser et de me libérer l’esprit.

Vous avez d’ailleurs un style atypique sur les skis. Comment le définiriez-vous?

J’ai un style à l’instinct. C’est aussi pour cela que je suis bon en super-G, car il n’y a qu’une manche et il n’y a pas d’entraînement avant. Après même moi, j’ai de la peine à le décrire. Je n’arrive pas à faire les mêmes manches. Pour l’instant, je ne sens pas que je suis à la limite, et je me dis que ça tient. Lorsque cela ne passera plus, je changerais probablement de style.

Peut-on dire que vous êtes le futur Marco Odermatt romand?

Je ne le pense pas, mais si je peux avoir la même carrière que Marco, je signe tout de suite.

On a également découvert vos talents de joueur de jass. Une carrière dans les cartes peut-elle être complémentaire avec une carrière de skieur.

Je compte encore jouer avec mon frère Emric comme coéquipier. Après les coéquipiers au jass, ça varie, et les sports d’équipes, ce n’est pas trop mon truc, alors que le ski c’est un sport individuel (Rires).

Laurent Morel & Johan Tachet, de retour de Verbier