Aujourd’hui, Enak Gavaggio est surtout “Rancho”. Grâce à sa websérie humoristique où il s’essaie à différentes disciplines liées au ski, le Français est devenu une véritable star sur la Toile. Avant cela, il a souvent brillé sur les parcours de skicross, dont il est l’un des pionniers. “A moitié Suisse”, comme il le précise, l’ancien athlète (41 ans) qui a vécu à Ferney-Voltaire aux portes de la frontière, avait failli intégrer les structures helvétiques en ski alpin durant sa jeunesse. Il avait finalement opté pour le skicross en France, avec succès. A son palmarès, le célèbre moustachu compte notamment 7 médailles aux X Games, 5 victoires en Coupe du monde et une 5e place lors du premier skicross olympique, en 2010 à Vancouver. Il a également participé à plusieurs reprises à l’Xtreme de Verbier. Rien que ça.

Qu’avez-vous pensé de ces épreuves de skicross à PyeongChang?

Est-ce qu’on parle polémique ou juste compétition?

Il y a de la polémique?

Ah oui, il y en a énormément. Il y a deux soucis, avec le tracé et avec l’avantage dont ont pu profiter les Canadiens (lire ici). Le premier se situe donc au niveau de la sécurité des athlètes. Ça fait 5 ans que la FIS fait du très bon travail, que des très beaux parcours sont construits. Tout est fait de façon intelligente, en prenant en compte l’avis des skieurs. Et là, lorsque les coureurs sont arrivés, ils ont rapidement alertés les concepteurs en leur précisant que le tracé allait trop vite. Les sauts sont trop petits par rapport à la vitesse que prennent les skieurs. Du coup, les messieurs atterrissaient trop loin.

D’où vient ce souci?

En fait, les organisateurs ont souhaité avoir un tracé identique pour le snowboard et le skicross. Quand tu construis un tracé, tu te bases sur le niveau le plus faible, à savoir le snowboardcross féminin. Pas qu’elles soient mauvaises, au contraire, mais elles sont plus légères et moins costaudes et donc les plus lentes. Les shapers ont certes rajouté deux virages pour essayer de faire perdre de la vitesse aux skieurs, mais ce n’était pas suffisant, ils allaient trop vite. C’est un vrai problème. Aujourd’hui, ça fait un moment que le skicross existe et je fais partie de ceux qui ont failli finir dans un fauteuil, à me casser le bassin comme (Chris) Del Bosco (ndlr: jeudi). Ca fait ch… pour le respect des athlètes.

Vous regrettez également le manque d’intérêt de ce tracé?

C’est dommage car contrairement aux tracés habituels, celui-ci ne comportait pas vraiment de phases d’accélération et de ralentissements qui créent des bouchons et donc des dépassements. Ici, c’est la course de l’année la moins vivante, la moins jolie à voir, où il y a eu le moins de dépassements.

Aurait-on pu changer quelque chose au dernier moment?

Non. Et c’est vraiment embêtant car c’est le Jeux olympiques. Le skicross ne bénéficie d’une exposition forte que tous les 4 ans et on se doit d’avoir 2 parcours. Ils peuvent se croiser, utiliser quelques sauts identiques et le même départ mais la logique doit être différente. Ici, les mecs dévalaient à plus de 120 km/h sur le bas du parcours et avaient moins de 40 mètres pour réceptionner leur saut, se rééquilibrer et amortir le saut suivant. Même eux n’osaient pas se mettre à l’aspiration, par peur de prendre trop de vitesse. Par contre, le tracé était très bien pour les filles aujourd’hui car moins rapide avec la neige fraîche.

Comment avez-vous trouvé la prestation de Fanny Smith?

Je l’avais annoncé favorite. C’est dommage qu’elle fasse une faute en finale sinon elle avait des chances d’aller chercher Kelsey (Serwa) sur la dernière ligne droite.

Vous vous connaissez bien?

Oui, très bien. J’ai couru avec elle. Fanny, c’est une battante, un sale caractère, dans le bon sens du terme. C’est une championne, quoi.

Qu’avez-vous pensé des autres Suisses lors de ces Jeux olympiques?

Pour moi, le meilleur chez les messieurs, c’était Armin (Niederer). Je suis fan de lui depuis ses débuts. C’est un skieur exceptionnel. Si on avait un parcours avec plus de virages, Armin était champion olympique. Il n’y avait pas photo. Il était le seul capable d’accélérer dans les courbes lors de la course. Même les Français, à mon avis, étaient un ton en-dessous d’Armin dans ce domaine. Chapeau également aux Suisses dans le domaine du fartage. Depuis le début, ils glissent très bien. Ils ont super bien bossés.

Que pensez-vous de ces Jeux olympiques en général?

J’en suis fan en tant que sportif mais ne le suis pas forcément en tant que suiveur. Ici, j’ai l’impression d’être aux X Games, dans une compétition formatée pour la télé. Il n’y a pas suffisamment de public, d’ambiance. Ce n’est pas la faute des Coréens, mais c’est le choix des sites, souvent éloignés des villes. Les places sont également hors de prix. La magie des Jeux, on l’a perdue. A Vancouver, l’engouement était incroyable. A Phoenix, on a eu de la chance, mais le reste des sites manquait de folie. Après, ça reste les Jeux, c’est génial. Et au niveau de l’organisation, c’est top.

Et votre poste de consultant à France Télévisions, il vous plaît?

Je m’éclate. Aujourd’hui, je me suis régalé, j’ai fait venir les athlètes français en zone mixte pour commenter avec nous. Je profite de cette petite tribune pour faire la promotion de mon sport et de mes petits frères. Je ne pleure pas sur le peu de médiatisation de ce sport, mais j’ai envie que les gens découvrent que c’est une discipline de dingues et que les athlètes sont des mutants.

Et avec vos vidéos, tout se passe bien?

Oui, je continue à faire mes petits films et à m’amuser.

Laurent Morel, PyeongChang