Une polémique est née au Phoenix Park de Bokwang ces derniers jours. La plupart des postes de l’organisation des courses de skicross ont en effet été occupés par des Canadiens. Cette situation ne poserait pas forcément de problème si ces derniers n’avaient pas pu tirer un éventuel avantage de cet état de fait. Mais les représentants du pays à la feuille d’érable ont remporté les deux titres par l’intermédiaire de Brady Leman et Kelsey Serwa et une médaille d’argent pour Brittany Phelan. Le tout alors que leurs ouvreurs ont pu effectuer de nombreux tests afin d’affûter au mieux les skis de leur équipe nationale. Concrètement, ils ont été plus malins que les autres en se plaçant dans les coulisses de façon légale.

“Les designers du circuit sont canadiens. Tous les ouvreurs, qui sont là depuis 15 jours, sont canadiens, explique Enak Gavaggio, ancien athlète, désormais consultant pour France Télévisions. Ils ont eu l’occasion de tester les skis bien plus tôt que tous les autres. Le Canada avait des skis de malades ici.” Devenu célèbre pour son rôle de “Rancho” dans des petites vidéos où il s’essaie à différentes disciplines, le Français regrette le manque de partialité de la course: “Lorsque tu vois la photo officielle dans l’aire d’arrivée avec les vainqueurs, canadiens, en compagnie des ouvreurs, tu te poses des questions.”

Président de la fédération française de ski, Michel Vion précise sur lequipe.fr: “Il n’y a pas de règlement qui interdit ça, l’organisateur était content de trouver des ouvreurs canadiens. Mais il n’y a pas eu d’appel d’offres. On a découvert ça en arrivant. La Canada est la nation la plus structurée en skicross : c’est un peu devenu leur sport à eux, ils y ont mis toutes leurs forces.”

Ralph Pfäffli philosophe

D’ailleurs, le juge vidéo était également canadien à PyeongChang. Plusieurs entraîneurs se sont interrogés. “Bien sûr qu’au début, je me suis posé des questions, mais c’est comme ça. Si on commence à penser que ça peut être un avantage, on a déjà perdu, raconte Ralph Pfäffli. Le mentor de l’équipe de Suisse n’a ainsi pas cherché à faire enfler la polémique. Certes, d’autres nations auraient aussi dû pouvoir participer. Mais en étant ouvreurs, des skieurs peuvent aussi se blesser. Par exemple, les Canadiens sont venus ici, ils ont testé la piste et ils se sont rendu compte qu’elle n’était pas prête. Deux d’entre-eux se sont abimés le genou et ils ont dû rentrer à la maison. Les Canadiens ont peut-être perdu des athlètes qui disputent habituellement les courses de Coupe du monde.”

L’entraîneur à succès reste tout de même un peu sur sa faim: “Ils ont obtenu des informations supplémentaires. Il y a surtout une fois où j’ai été déçu, lors d’un test du départ avant les entraînements officiels. Beaucoup d’entraîneurs étaient présents mais on n’a pas pu aller sur la piste alors qu’un responsable canadien s’y trouvait.” Au final, l’ancien athlète reste philosophe. “Je me dis aussi que leur fédération a investi passablement d’argent pour les faire venir. De notre côté, on est arrivés assez tôt pour tester les skis, plus tôt que d’autres équipes.”

Pour lui, l’important est désormais de tirer des enseignements de cette situation. “D’une part, c’était important que des gens viennent tester la piste. D’une autre, ça aurait été aussi bien d’avoir des personnes de 4 ou 5 nations différentes, mais c’est comme ça. On a meilleur temps de trouver des critiques constructives afin de ne pas reproduire ces erreurs. ” Aucune réclamation n’a apparemment été déposée.

Laurent Morel, PyeongChang