C’est en ultra favorite que Lara Gut-Behrami se présente mardi dans le portillon de départ du super-G des Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo. La Tessinoise reste sur quatre succès consécutifs dans la discipline, un exploit que seules l’Allemande Katja Seizinger et l’Américaine Lindsey Vonn ont réussi par le passé. Son statut est renforcé par le fait que ses victoires ont été acquises avec la manière, que ce soit à Sankt Anton, Crans-Montana ou, par deux fois, à Garmisch-Partenkirchen. De retour à son meilleur niveau – celui qui lui avait permis de remporter le grand Globe de cristal en 2016 -, Lara Gut-Behrami aura la pression. Difficile d’imaginer une seule skieuse pouvoir rivaliser sur l’Olimpia delle Tofane avec la Tessinoise si elle parvient à skier à son plein potentiel, sur une piste qu’elle affectionne et où elle s’est déjà imposée à trois reprises en Coupe du monde.

La maturité pour aller chercher une médaille d’or mondiale

Mais aux Mondiaux, lorsque les courses d’un jour défient toutes les lois de la logique programmée, rien n’est acquis pour la Suissesse. “Lorsque l’on skie aux Championnats du monde, c’est pour gagner quelque chose”, explique sobrement Lara Gut-Behrami qui participera à ses septièmes Mondiaux, sans, pourtant, avoir réussi à remporter ce précieux métal doré, qu’elle convoite depuis sa première apparition dans un grand rendez-vous à Val d’Isère en 2009.

Toutefois, à bientôt 30 ans, la femme de Valon Behrami paraît assagie, animée par l’expérience qui lui permet de gérer au mieux l’événement. “J’ai appris avec le temps que j’ai tout à gagner et rien à perdre. Je veux profiter et essayer simplement de reproduire mon ski de ces dernières semaines.” La skieuse tessinoise, qui dénombre cinq médailles mondiales, met en exergue l’adage qu’apprécie partager chaque skieur, et dont elle se faire l’écho, de “prendre course après course”. “Il existe des chances de gagner. Mais si ce n’est pas le cas, la vie continue.” Histoire de s’enlever le brin de pression qui pèse sur ses spatules?

Toujours est-il que Lara Gut-Behrami tient la forme de sa vie. Son association avec son nouveau préparateur physique Alejo Hervas lui a permis de franchir un cap physiquement. “Dans ma carrière, j’ai toujours parlé d’optimiser les choses, poursuit la Suissesse. Et à presque 30 ans, je me sens très bien physiquement. J’apprends toujours de nouvelles choses, notamment au niveau de l’haltérophilie. Je suis curieuse et cela me motive à repousser mes limites.” Les douleurs au dos et au bassin ressenties à Crans-Montana il y a deux semaines sont oubliées – “il y a eu beaucoup de sollicitations durant ce mois de janvier et j’étais fatiguée” -, tout comme cette grave blessure au genou contractée juste avant le slalom du combiné des Mondiaux de Saint-Moritz en 2017, alors qu’elle jouait l’or après une descente terminée au 3e rang.

Un puzzle qui prend forme

S’ensuivirent d’ailleurs trois années pour retrouver son plein potentiel. Lara Gut-Behrami a notamment plongé au classement du géant, passant du statut de potentielle future lauréate du Globe de cristal de la spécialité à celui de skieuse lambda se battant pour obtenir une place dans le top 20. “Même lorsque je ne trouvais pas la fluidité, les détails, nous avons continué à travailler jour après jour.”

S’il y a une chose que l’on ne peut ôter à la Suissesse, c’est son côté stakhanoviste. Petit à petit, elle a alors retrouvé ses sensations, jusqu’à revenir au premier plan en géant en montant sur le podium à Kronplatz il y a deux semaines. Et naturellement, les résultats s’en ressentent dans toutes les disciplines. “Quand je suis à mon meilleur niveau en géant, je suis également performante en descente et en super-G, car j’ai les bases solides qui me permettent d’être rapide, peu importe la piste ou les conditions de neige. C’est un ensemble de pièces d’un puzzle qui s’assemblent.”

Un puzzle dont les desseins de Lara Gut-Behrami révéleraient avec bonheur une médaille d’or.

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo