“Ça a été une saison fantastique.” Quelques minutes après sa 3e place du super-G des finales de Courchevel, Michelle Gisin était encore sur son petit nuage. Jamais elle n’aurait imaginé cet hiver monter à cinq reprises sur le podium et remporter deux médailles olympiques, dont une en or en combiné, lorsque six mois plus tôt, sa mononucléose faisait du moindre petit effort un calvaire. “Normalement, l’été tu t’entraînes dur. J’étais juste là, malade, je n’arrivais pas à monter les escaliers. C’était tellement intense, ce n’était quand même pas bon signe. Les autres étaient en train de courir dans les montagnes, en haut, en bas. Et moi je n’ai rien fait. Je n’ai aucune idée de comment je peux être ici et réussir tout ça”, rigole-t-elle avec le recul.

Son hiver est presque aussi parfait que le dernier, son meilleur sur le circuit. L’Obwaldienne dénombre 24 top 10 et sept podiums, Jeux olympiques compris, soit autant qu’en 2020/2021. “Je n’ai pas de mot, c’est fou, poursuit-elle en avouant pourtant être au bout du rouleau. Je ne peux pas expliquer comment c’est possible de skier encore à ce niveau. En début de saison, je pensais même que je n’allais pas être capable de skier en vitesse. Et au final, je n’ai presque raté aucune compétition.” Résultat des courses, la skieuse d’Engelberg est montée sur le podium en super-G à Cortina d’Ampezzo, aux Jeux de Pékin et, donc, à Courchevel.

Ragnhild Mowinckel porte en triomphe le bras de Michelle Gisin après sa troisième place lors du super-G. (Michel Cottin/Zoom)

Sans entraînement, mais avec l’appui de la famille

L’explication rationnelle sur les performances de Michelle Gisin se trouve auprès de son entraîneur Denis Wicki. “Sa saison a été organisée minutieusement en terme de récupération”, explique le coach valaisan. La physio de l’équipe de Suisse Julia Winckler s’est occupée personnellement de l’emploi du temps de l’Obwaldienne afin qu’elle puisse arriver en course avec le plein d’énergie. “Là où Michelle (Gisin) est impressionnante, c’est qu’elle parvient à être performante sans entraînement quand les autres peuvent travailler à côté des compétitions”, poursuit Denis Wicki. Lorsque les skieuses enchaînent six à huit manches presque chaque jour, Michelle Gisin se contente au maximum de courtes intensités sur deux manches la veille de course. Et encore, elle assure ne pas s’être entraînée du tout de l’hiver en descente, à peine compensé par deux petits jours en super-G.

A 28 ans, la skieuse d’Engelberg arrive également “à maturité”. “Elle possède un tel niveau de connaissance qu’elle sait ce qu’elle fait.” La rayonnante skieuse peut également s’appuyer sur une structure solide, que ce soit au sein de l’encadrement familial ou avec l’équipe de Suisse. “J’ai des gens fantastiques autour de moi qui m’aident chaque jour pour être à nouveau prête”, reprend la skieuse qui profite du soutien de son compagnon, le géantiste italien Luca de Aliprandini. “Luca est incroyable, il me fait toujours rigoler même si je suis fatiguée, si je n’ai plus envie de rien.”

Le gros Globe dans le viseur en 2023?

Avec des résultats probants cet hiver et ce malgré les galères estivales, Michelle Gisin se tourne déjà vers la prochaine saison avec impatience. “Je me réjouis tellement d’être bien, de pouvoir m’entraîner correctement.” Avec dans un coin derrière la tête, la perspective d’aller jouer le gros Globe de cristal, sans toutefois le clamer ouvertement. “Je vois que j’ai le niveau pour skier avec les meilleures de toutes les disciplines. Après, il faut beaucoup de chance, être à 100% toute la saison.”

Denis Wicki croit également en les chances de sa protégée. “On ne va pas parler trop vite, mais j’imagine que l’on peut viser plus haut, mais pour cela, il faut skier devant lors de toutes les courses. Être 18e ou 19e ne suffit plus”, analyse le coach anniviard en prenant l’exemple de Petra Vlhova qui a peut-être manqué de percussion en vitesse cet hiver pour chiper le grand Globe à Mikaela Shiffrin.

La gestion du calendrier en questions

Se pose dès lors la question de la gestion du calendrier pour Michelle Gisin qui est l’athlète qui dispute le plus de compétitions sur l’hiver. Hormis les parallèles, elle se plaît à enchaîner les courses “Il faudra les choisir, assure Denis Wicki. La récupération et l’entraînement devront être pris en compte pour trouver le chemin afin que Michelle soit performante lors de chaque départ.” Le plan d’entraînement estival est déjà dessiné dans les grandes lignes. “En slalom, nos méthodes raccourcies en terme de quantité fonctionnent. On va se concentrer sur l’un ou l’autre stage à haute intensité, et sinon on s’entraîner dans les autres disciplines et notamment en géant.”

Michelle Gisin a les moyens de ses ambitions. Et si le prochain hiver était le sien?

Johan Tachet, Courchevel