Il y a six ans, alors qu’elle venait de monter sur ses premiers podiums de Coupe du monde dès ses débuts, Mathilde Gremaud se révélait aux yeux du grand public lors des Championnats du monde à la Sierra Nevada (ESP). Si elle manquait les médailles (5e), la Gruérienne âgée alors de tout juste 17 ans prouvait qu’elle était vouée à réussir de grandes choses. Six ans après, donc, de nombreuses médailles engrangées aux X Games notamment et des médailles olympiques de tous les métaux bien au chaud à la maison, la rideuse de La Berra monte cette fois sur la plus haute marche d’un podium des Championnats du monde, à Bakuriani, en Géorgie. Interview, quelques heures après un nouvel exploit de celle qui sait toujours répondre présente dans les grands rendez-vous.

Mathilde Gremaud, un titre mondial, ça représente quoi?

C’est quand même une médaille d’or aux Championnats du monde, ce n’est pas rien! Une année après les Jeux olympiques, c’est une superbe confirmation. Même si je ne me mettais pas de pression, c’était un titre qui me manquait et je savais que j’étais attendue. Gagner, c’est juste trop cool.

Vous réalisez la portée de ce succès?

Pas vraiment, c’est trop tôt.

Que retenez-vous de cette folle journée?

C’était vraiment pire cool, monstre fun (sic)! J’ai pris énormément de plaisir à skier. Pourtant, rien n’a été simple ici ces derniers jours.

Les conditions météo (vent, etc.) ne vous ont pas laissé tranquille…

C’est le moins qu’on puisse dire! Je n’avais jamais skié dans des conditions pareilles. Pourtant, il s’agit des Championnats du monde et le format est le même qu’aux Jeux olympiques, avec autant d’entraînement. À la base, nous bénéficions de plus de préparation, de plus de jours d’entraînements qu’habituellement. Sauf que les trois fois trois heures disponibles, c’était vraiment de la daube!

Vous n’avez pas pu réellement tester le parcours avant la qualification?

Le premier et le deuxième jour, on n’a pas sauté du tout, le vent était trop fort. Et la troisième fois, il y avait une tempête de neige, donc bon… C’était vraiment spécial, mais on a tout de même pu essayé quelques sauts. On a également eu droit à un entraînement supplémentaire vendredi, mais il n’a duré qu’une heure, à peine le temps de faire trois ou quatre runs, je n’ai pas vraiment eu le temps de tenter des tricks. Je n’avais d’ailleurs pas sauté en switch avant la qualification.

Pas simple, surtout dans un lieu que peu de monde connaissait…

Oui, il n’y avait que quatre filles qui étaient déjà venues l’an passé. Là, il n’y en avait pas vraiment une plus courageuse que les autres, c’était pareil pour tout le monde.

Mais vous avez quand même gagné la qualification et le droit de vous élancer en dernière. Et vous saviez déjà que vous aviez gagné avant votre 2e run. C’était comment de descendre avec le drapeau suisse?

Oui, je crois que ça ne m’étais encore jamais arrivé de “droper” en sachant cela en slopestyle. C’était plutôt cool je dois dire, très sympa. J’ai quand même réussi à me prendre un monstre impact sur le dernier saut (rires)!

S’il avait fallu, vous aviez encore le potentiel pour augmenter le degré de difficulté de votre run?

Oui, car j’ai quand même un petit peu assuré le premier run. Je n’ai pas tout tenté. J’ai notamment joué la sécurité en grabant en safety au lieu de graber en tail lors du deuxième saut. J’avais également la possibilité de pouvoir faire un switch double 1080 ou même 1440 sur le dernier saut. Je m’y étais préparée car je savais que les autres étaient fortes aussi. C’était un peu comme mon run des Jeux olympiques en fait. Mais au final, je ne peux pas me plaindre même si en terme de ski, j’aurais vraiment aimé montrer plus sur les kicks.

Megan Oldham a échoué tout près de vous. Vous avez eu l’occasion de voir son run?

Non, je me préparais déjà pour mon passage. Mais j’entendais les “wouah” de ceux qui l’observaient. Je dois avouer que j’ai été rassurée quand j’ai entendu qu’elle était derrière. Ensuite, Johanne (Killi) n’a pas réussi à plaquer son run non plus.

C’était quoi les émotions à ce moment?

C’était très fort au départ! Il y avait Greg (ndlr: Tuscher, l’entraîneur), la physio et le skitech, on était tous ensemble, c’était top! Après, en bas, il y avait les snowboardeurs et les autres skieurs, ça faisait super plaisir. Une célébration en famille, quoi!

Cette médaille d’or prouve aussi que votre préparation a été la bonne.

Oui, en effet. C’est la confirmation que j’ai fait les bons choix. Je suis très contente d’avoir eu une bonne approche par rapport à ça. J’étais déjà contente d’avoir fait un petit break après Coire, puis ensuite après les X Games et Mammoth.

Avant d’arriver à Bakuriani, vous étiez deux semaines au Japon, c’était comment?

Franchement, c’était une expérience incroyable, avec une équipe géniale. On s’est bien marré. C’était idéal pour recharger les batteries et se vider la tête. On n’a fait qu’un jour de park, en lançant à peine quelques “périlleux” (salto) avec Fabian (Bösch). Le reste du temps, on a surtout profité de la poudreuse et de s’amuser entre amis. J’ai aussi fêté mon anniversaire là-bas, c’était juste parfait. Je voulais quand même garder le feeling du ski, mais d’une autre manière.

Et sinon, la Géorgie, c’est spécial?

Oui, assez. Mais malheureusement, on n’a pas eu l’occasion de trop découvrir le pays pour l’instant. Les gens sont plutôt réservés mais très serviables.

Il vous reste encore à disputer le Big Air, si les conditions météo le permettent…

On verra bien. Ça ne s’annonce vraiment pas superbe… Mais oui, je peux partir tranquille. Et j’ai des idées différentes pour cette épreuve. Je veux essayer quelque chose de nouveau, une figure qui n’a encore jamais été faite, plus originale. Je n’aurai pas peur d’essayer.

Laurent Morel