Rares étaient ceux qui pensaient qu’un jour la barre des 2000 points inscrits par Hermann Maier, lors de la saison 1999-2000, serait battue. D’autant plus lorsque l’on songe que Marcel Hirscher, durant sa décennie de domination, n’y était parvenu. Mais voilà que 23 ans après “Herminator”, un extraterrestre débarqué de la bourgade d’Hergiswil s’est taillé un nouveau record devant le maçon de Flachau, en triomphant lors du dernier géant de la saison à Soldeu. 2042 points, une marque ahurissante!

“Quand on analyse ce que cela demande d’atteindre ce nombre, c’est totalement fou. C’est comme remporter 20 victoires en un seul hiver.” Du haut de son trône, régnant sur la planète ski, Marco Odermatt peine à prendre le mesure de son exploit. “Jamais je ne pensais que ce serait possible. Je suis chanceux et très fier de ce que j’ai accompli”, explique l’homme aux 22 podiums et 13 succès en Coupe du monde cet hiver, sans oublier ses deux médailles d’or mondiales en descente et en géant.

Décompresser pour oublier la pression du record

Toute la semaine durant, journalistes et suiveurs lui rabâchaient sans cesse la même question: a-t-il la faculté et l’énergie nécessaire pour pouvoir s’approprier ce record. Il répondait en assurant que ce n’était pas un objectif, qu’il n’y pensait pas véritablement. Un élément de langage pour s’enlever de la pression, car Marco Odermatt y songeait réellement. “Je disais que ce n’était pas important, mais c’était une réelle motivation en débarquant en Andorre après avoir déjà assuré les Globes de cristal. J’étais d’ailleurs avant ce géant plus nerveux que d’habitude.”

Pour se changer l’esprit, il avait pleinement célébré son succès en super-G jeudi soir en compagnie de la caravane du Cirque blanc. Histoire de décompresser et oublier le poids des chiffres. “On a bien fêté”, se marre-t-il. “J’étais encore tellement fatigué avant la course. Je ne sais pas comment j’ai fait pour gagner.” Et pas n’importe comment! Avec plus de deux secondes sur toute adversité. Monstrueux!

L’admiration d’Alexis Pinturault

Depuis la troisième marche du podium du jour, Alexis Pinturault admire le prodige suisse qui survole toute concurrence. “Odi a énormément de qualités: une technique, une glisse, un toucher de neige. Il possède aussi le meilleur matériel du circuit”, explique le Français qui compare Marco Odermatt à Ted Ligety, lorsque ce dernier mettait des briques dans la vue de ses adversaires il y a une dizaine d’années. “Personne ne comprend vraiment. Marco a une marche d’avance et nous, on court derrière lui.”

Le skieur de Courchevel va plus loin dans son analyse du phénomène helvétique. “Il est l’un des seuls à skier avec des skis longs et parvenir à les tourner comme des courts. Il arrive à générer une puissance plus importante que tous les autres. C’est aussi grâce à sa morphologie, sa taille.” Des skis Stöckli qui dévalent les pentes enneigées comme des fusées. “Ils ont réussi à trouver un ski performant sur tous les types de neige et ont une capacité à s’adapter rapidement.”

Marco Odermatt récupérera ce dimanche, donc, son second grand Globe de cristal. Mais avant cela, ll lui reste une question à résoudre. “Je ne sais pas encore si je suis prêt à aller fêter. Je suis totalement fatigué. J’espère avoir encore un peu d’énergie pour célébrer.” Comme lorsqu’il termine ses manches en trombe, le champion suisse devrait trouver les ressources nécessaires pour finir son hiver en fanfare.

Johan Tachet/LMO, Soldeu