Marco Kohler, Alexis Pinturault, Aleksander Aamodt Kilde.Voici la liste des skieurs qui ont terminé leur semaine de Wengen à l’hôpital. A ces noms s’ajoutent les nombreuses éliminations – 12 au total ce samedi – qui ont émaillé les trois courses de vitesse organisées dans la station bernoise. Et au sein du Cirque blanc, ces accidents passent mal et la colère grondait samedi dans l’aire d’arrivée du Lauberhorn, quelques minutes seulement après l’énorme chute du champion norvégien. “Dans la semaine, tu es d’accord pour risquer une fois ta vie, pas deux.” Dominik Paris, 3e de la descente du jour, exprime le courroux de la majorité des skieurs après les accidents qui se sont produits lors de ces trois jours de course à Wengen.

Au centre de l’exaspération, le programme surchargé de la semaine avec deux entraînements, deux descentes et un super-G. “On parlait de course raccourcie, mais celle de jeudi faisait tout de même 1’45, sans oublier le super-G sur 1’50 et cela avant la plus longue descente de la saison”, soupirait Adrien Théaux qui avoue ne pas avoir le temps de souffler. “Et on enchaîne derrière avec un gros planning à Kitzbühel, avec seulement deux jours de repos. On arrive à un point où certains espèrent du mauvais temps pour avoir un jour de repos supplémentaire.”

“Nous restons des êtres humains”

Et lorsque l’on concourt en Coupe du monde, il n’est pas conseillé de lever le pied. “Sinon tu te retrouves au fond du classement”, poursuit le vétéran français, bon 6e de la descente samedi. “Les gars sont tellement forts devant que tu es obligé de pousser à fond. Être à 90% ne suffit pas.” C’est peut-être cela qui a coûté la grosse chute d’Aleksander Aamodt Kilde dans les dernières mètres de la course, après 2’30 dans des jambes qui brûlaient méchamment. D’autant plus que le vainqueur du Globe de cristal en 2021 était amoindri par un petit virus qui l’a cloué au lit durant la semaine. “Un tel programme est brutal”, assure le double vainqueur du Lauberhorn Marco Odermatt. “C’est déjà fatiguant lorsque tu es en bonne santé, alors là…”

Trop c’est trop, crient en commun les athlètes. “Je finis ma course en me disant: l’objectif est d’être en bas”, lance l’autre grand homme du week-end, le Français Cyprien Sarrazin. “Ce n’est pas normal de voir un type comme Kilde, qui est le plus costaud d’entre nous, s’écraser ainsi. On est des machines, mais on reste des êtres humains.”

Plus aucun remplacement lors des annulations

Markus Waldner, le patron de la Coupe du monde masculine, est conscient de la problématique. “Les athlètes étaient très fatigués. Le programme était trop chargé. Mais ils étaient pleinement conscients, car ce sont eux qui ont demandé à ce que les descentes annulées à Zermatt et Beaver Creek en début de saison soient replacées dans le calendrier”, explique l’Italien. “Nos seules opportunités étaient à Val Gardena et à Wengen, avec des descentes raccourcies. Tout le monde était d’accord. Mais on a vu que c’était trop.” Aux grands maux, les grands remèdes, Markus Waldner a alors pris une décision importante.”Tant que je serai le directeur de la Coupe du monde hommes, les courses annulées ne seront plus replacées.”

Un décret courageux qui aura bien évidemment des incidences sur le futur calendrier d’une saison qui comprend toujours plus de courses, comme en témoignent les douze descentes au programme cet hiver, ce qui constitue un record. Comment, dès lors, assurer une équité entre techniciens et spécialistes de vitesse, lorsque l’on sait que les descentes et les super-G sont plus à même à être renvoyés? La solution vient d’Adrien Théaux: “Le nombre de courses n’est pas un problème, mais il faut allonger la saison. On termine trop tôt. Il y a des conditions suffisamment bonnes pour skier en avril. Et les gens qui aiment la neige, ils regarderont toujours les courses à cette période.”

Le calendrier des prochaines saisons sera naturellement au centre des prochaines réunions de la FIS qui devraient être animées.

Johan Tachet, Wengen