Depuis toute petite, Elisabeth Gerritzen skie à Verbier, alors la voir remporter l’Xtreme pour la deuxième fois consécutive peut sembler logique. Sauf que la Vaudoise a réussi un véritable exploit en domptant à nouveau le Bec des Rosses ce mardi tant le freeride est fait d’imprévus. Et aucune skieuse n’y était d’ailleurs parvenue jusqu’ici. “J’ai vraiment de la peine à y croire”, a-t-elle déclaré quelques minutes après être passée sous l’arche d’arrivée, au pied de la face bagnarde.

Les larmes de ses parents

Cerise sur le gâteau, Elisabeth Gerritzen décroche un premier titre mondial, à 25 ans. “Je n’avais pas de pression car je ne pensais pas qu’il était atteignable”, rigole-t-elle, encore déboussolée par les événements. A de nombreuses reprises, la Lausannoise a d’ailleurs répété son admiration pour ses concurrentes, à commencer par Hedvig Wessel, qu’elle a doublée sur le fil. La gagnante du jour a passé de longues minutes à la consoler. Dans le monde du freeride, on partage tout ou presque. En passant l’hiver ensemble, les riders du Tour s’échangent leurs émotions, bonnes comme mauvaises…

Mais c’est bien avec ses parents qu’Elisabeth Gerritzen tenait à fêter en premier sa victoire. “Dès que j’étais sur le siège réservée à la leader, je les ai appelés, raconte-t-elle. Mais je n’entendais rien. Je pensais que je n’avais pas de réseau. En fait, c’est juste qu’ils chialaient! Ils m’ont rejoint en larmes, ils sont trop choux.” De longues étreintes sont venus couronner ce moment, entre soulagement et satisfaction. “J’ai toujours voulu gagner l’Xtreme, c’est le plus important. Le Bec des Rosses est une montagne qui me fait sortir de ma zone de confort, j’adore”, poursuit la championne, qui admet avoir pensé juste avant de s’élancer à Estelle Balet, “modèle” et légende disparue trop tôt, dont le film vient de sortir.

Les combats d’une championne

Avec un statut renforcé, Elisabeth Gerritzen va pouvoir continuer à mener ses combats, à commencer par l’égalité des genres. La semaine dernière, elle avait demandé avec Marion Haerty à s’élancer du sommet du Bec des Rosses, comme les mecs. Un choix largement contesté par les autres rideuses et par le patron du Freeride World Tour Nicolas Hale-Woods. La polémique a finalement été éteinte en raison de l’état de la face: tout le monde est parti du “départ des femmes”, sur le petit Bec. Mais l’étudiante en droit ne compte par arrêter ses batailles et la compétition de sitôt, afin également de faire passer ses messages. “J’aime la compétition et je continuerai tant que j’apprends des choses sur les skis”, lâche-t-elle.

Autre lutte que mène la Vaudoise, celle pour la défense de l’environnement: “Ce qui est primordial, c’est de ne pas faire quinze aller-retour en avion par saison”. Pour elle, la pandémie a donc eu des effets positifs, freinant le rythme des voyages. Et si elle a réussi son hiver sur le plan des compétitions, la rideuse de 25 ans espère encore profiter de la neige qui est tombée ces dernières semaines. “J’ai pas mal de projets, je vais filmer avec mes sponsors, détaille-t-elle. Mais j’ai également un projet de film personnel sur les inégalités dans l’industrie du ski. J’ai hâte de commencer, de sortir du cadre de la compétition.”

Laurent Morel, Verbier