L’émotion était notable dimanche peu avant midi au moment où la descente dames a été annulée. La dernière d’une série de huit annulations de courses cumulées à Zermatt/Cervinia en deux ans. Des larmes ont coulé sur les visages des organisateurs, déçus de cet énième contre-coup à leur rêve de voir dévaler les meilleurs skieurs et skieuses de la planète en compétition au pied du Cervin. Toutefois la météo a déjoué leurs plans.
« Il y a de la frustration surtout pour les athlètes », assure Didier Défago, le concepteur de ce qui devait être la première piste transfrontalière de l’histoire de la Coupe du monde. « Mais nous devons faire avec les éléments, tout en garantissant la sécurité des athlètes avant tout. La visibilité était parfaite, tout comme la neige, Le vent en a décidé autrement. Mais au niveau de l’organisation, tout était en place. » Il s’agit de ne pas tout remettre en question.
Des enseignements à tirer
À commencer par la piste. Construire le plus haut tracé de Coupe du monde entre 3700 et 2800 mètres d’altitude n’est de loin pas une sinécure, surtout lorsque celle-ci emprunte partiellement le revêtement d’un glacier. Dans ce contexte particulier et inhabituel, l’inauguration de la Gran Becca a suscité son lot de réactions. Tantôt positives pour sa vitesse et ses sauts spectaculaires, tantôt négatives pour sa faible déclivité et sa facilité. « Dans tous les projets, il y a 50% de personnes contentes et 50% de mécontentes. Mais il y a toujours des critiques constructives à prendre en considération », poursuit l’architecte des neiges morginois. « Il y a deux poids, deux mesures. Beaucoup me disent que c’est une bonne piste pour commencer la saison. Certains se plaignent car ils n’ont pas le temps de se préparer pour une descente. Mais celle-ci n’a pas de difficulté notoire et elle permet effectivement de bien se mettre en jambes pour la suite. »
Pour l’hiver prochain, pour autant que l’étape soit toujours au calendrier de la FIS, des détails devront toutefois être ajustés. « Il faudra notamment prendre en considération la température de la neige. Pour les hommes, elle était à -24° et dès qu’elle est en-dessous des -10°, cela pose un sérieux problème de glisse. La pluie tombée en début de semaine dernière a permis de créer une injection naturelle et la piste était alors bien plus rapide pour les filles. » Autre élément à évaluer: la quantité de chutes de neige. Inexistantes l’an dernier, elles ont été nombreuses ces dernières semaines. « Il y a eu beaucoup de précipitation cette année, ainsi les mouvements de terrain ont disparu et à certains endroits la piste était plus large que dans ma vision. »
« Cette piste va rester dans l’histoire »
Didier Défago a pris note de plusieurs points d’amélioration devant être discutés. « Je vais faire mes remarques et le comité d’organisation choisira de les suivre ou pas. » D’ailleurs, le Bas-Valaisan a déjeuné samedi déjà avec son compatriote du haut, Franz Julen, afin de procéder à une première petite analyse. « Il y a quatre points que nous allons discuter », assure le président du Comité d’organisation. « Je veux aussi parler aux athlètes. Comme dans la vie, il y a toujours des points à améliorer. » Sans oublier que sur le plan juridique, une enquête pénale est ouverte sur des irrégularités de construction concernant certaines parties de la piste. « Nous prendrons les mesures nécessaires », confirme Franz Julen.
Reste que sur le pan valdôtain, de l’autre côté du « caillou », on certifie que la Gran Becca a « un potentiel extraordinaire », à l’image de Federico Maquignaz, le président des Remontées mécaniques de Cervinia. « Je suis un brin chauvin. Mais toutes les choses que l’on fait au pied du Cervin sont spectaculaires. S’il n’y a pas de vent et que l’on peut organiser une course, cette piste va rester dans l’histoire. »
Johan Tachet, de retour de Breuil-Cervinia