La question brûle les lèvres de tous les amateurs de la Coupe du monde de ski alpin: les stations de Zermatt et Cervinia pourront-elles organiser les descentes messieurs (11-12 novembre) et dames (18-19 novembre)? La réponse est toujours en suspens après les diverses révélations, vérifiées pour certaines ou non pour d’autres, qui ont émaillé la préparation de l’événement, mais surtout de la piste de la Grand Becca, ces dix derniers jours. Nous vous proposons un petit récapitulatif des éléments qui ont conduit à l’arrêt des travaux hors du domaine skiable sur le versant suisse.

1- L’enquête qui questionne sur la régularité des travaux sur le glacier du Théodule

Tout commence le dimanche 15 octobre lorsque Le Matin Dimanche publie une enquête qui révèle que certaines autorisations de travaux effectués sur la partie glaciaire de la piste de la Gran Becca suscitent des interrogations. Cette même enquête démontre également, vidéos à l’appui partagée sur le site 20 Minutes, que le glacier du Théodule sur les hauteurs de Zermatt est éventré, hors des zones prévues pour la pratique du ski, par des pelleteuses afin de combler les trous de la piste. De plus, il est révélé que certains secteurs du tracé se trouverait hors des zones d’aménagement prévues dans le plan d’affectation communal.

Contacté par Le Nouvelliste, le président du comité d’organisation Franz Julen certifie que tout a été entrepris dans la légalité. “La piste de Coupe du monde est entièrement dans le secteur affecté au ski du côté suisse. Toutes les autorisations nécessaires ont été obtenues de la part des autorités et des fédérations dans les deux pays pour l’organisation de ces courses.” Ce dernier précise que trois machines ont été utilisées durant trois semaines pour remplir les crevasses pour des raisons sécuritaires, comme cela se fait sur certains glaciers.

2 – Demande d’arrêt des travaux par des élues et des organisations écologiques

Le lundi 16 octobre, deux élues du Grand Conseil valaisan, Aude Rapin (PS) et Céline Dessimoz (Les Verts) ont demandé par courrier l’arrêt des travaux auprès de la CCC (Commission cantonale des constructions) et que la lumière soit faite sur la légalité des travaux entrepris sur le glacier du Théodule.

Le lendemain, les organisations écologiques WWF, Pro Natura et Mountain Wilderness Schweiz ont entamé une procédure similaire auprès de la CCC. Cette dernière mentionne qu’elle va “procéder à l’établissement des faits et par la suite, s’il s’avère que des travaux sont réalisés illégalement, la CCC initiera la procédure de police des constructions et ordonnera les mesures nécessaires”.

Le même jour, selon nos informations, la FIS a annulé une inspection de la piste de la Gran Becca. Par la suite, POW (Protect Our Winter) a également lancé une pétition pour demander à l’instance internationale de faire des efforts supplémentaires pour l’environnement, qui a déjà été signée par plus de 28’000 personnes. La FIS s’est défendue dans un communiqué.

Une partie de la piste de la Gran Becca (Matterhorn Cervino Speed Opening 2023)

3 – Arrêt des travaux ordonnés par la CCC

Deux jours plus tard, le jeudi 19 octobre, La Commission cantonale des constructions ordonne l’arrêt immédiat de tous les travaux en dehors du périmètre du domaine skiable homologué sur le territoire suisse par communiqué. Logique. La CCC ne se prononce pas sur la légalité des travaux en cours et permet que ceux-ci se poursuivent sur le domaine skiable. Elle annonce qu’elle se rendra sur place le plus rapidement possible pour établir les faits avant de prendre les mesures nécessaires.

Dans Le Nouvelliste du même jour, on apprend que la piste est prête sur le côté suisse, puisque la course doit se dérouler à cheval entre le Valais et le Val d’Aoste.

4 – Deux tronçons sans autorisation

Les premiers éléments de l’enquête tombent ce mardi 24 octobre. L’État du Valais signale qu’aucune autorisation n’a été délivrée pour deux tronçons des travaux et que l’aménagement de la piste nécessitait une autorisation de construire selon un courrier adressé aux organisateurs que s’est procuré Le Temps. La CCC, qui n’a pas pu se rendre sur place pour des raisons météorologiques, affirme par communiqué qu'”une partie des installations empiète, sur une très faible surface, hors du domaine skiable homologué sur le territoire suisse”. Ainsi, elle interdit l’utilisation des parties de la piste situées en dehors de celui-ci. Elle examine également les travaux réalisés à l’intérieur du domaine skiable et envisage une éventuelle remise en état des lieux. Elle renonce, pour des raisons de proportionnalité, à prononcer une interdiction générale de la piste de la Gran Becca.

Pour les associations environnementales, c’est “une victoire d’étape”. Dans un communiqué, elles poursuivent: “Il s’agira maintenant de s’assurer que, après une analyse complète du dossier, la CCC enterrera définitivement le projet de détruire le glacier du Théodule en dehors du cadre légal.”

5 – Swiss-Ski prend la défense de Zermatt

Mercredi 25 octobre, le président de Swiss-Ski Urs Lehmann défend la préparation de la piste de la Coupe du monde de ski à Zermatt dans les médias alémaniques du groupe CH Media. Il affirme que les médias ont mis en lumière des faits connus depuis 40 ans pour attiser les émotions. “Tout s’est déroulé dans les règles de l’art sur la piste”, assure l’Argovien.

6 – Enquête ouverte à Aoste

Ces différents éléments ont des répercussions sur le côté italien de l’événement, puisque la majeure partie du tracé se trouve sur le secteur transalpin sur les hauteurs de Cervinia. Le parquet d’Aoste a ouvert une enquête le jeudi 26 octobre à la suite des controverses sur les travaux en suisses. L’objectif de l’enquête est de clarifier comment la partie italienne de la piste “Gran Becca” a été réalisée et de procéder à des investigations supplémentaires si nécessaire. Le conseiller pour le développement économique, Luigi Bertschy, précise que l’entreprise responsable des travaux avait obtenu les permis et autorisations nécessaires pour avancer en toute légitimité l’année précédente.

7 – Et maintenant?

Les premiers entraînements officiels des descentes messieurs auront lieu dans moins de deux semaines, le mercredi 8 novembre. Entre temps, la majorité des équipes de vitesse auront la possibilité de prendre la mesure de la piste Gran Becca. À l’image des spécialistes allemands qui ont pu tester les contours de la piste il y a quelques jours.

Le comité d’organisation, Swiss-Ski et la FIS restent toutefois pendus aux prochaines décisions de la CCC qui pourraient donc prononcer un arrêt complet de l’utilisation de la piste si de nouvelles irrégularités quant à la construction de la piste venaient à être encore divulguées. Et dans ce cas, les compétitions pourraient alors être purement et simplement annulées.

Johan Tachet/LMO