Dans les rues de Lausanne, Pauline Katz déambule avec son énorme boardbag dans lequel elle pourrait s’y glisser au moins trois fois. Entre deux épreuves de Coupe du monde de windsurf (planche à voile), où elle est la seule Suissesse à danser sur les vagues, la Vaudoise de 32 ans est venue se ressourcer entre les montagnes vaudoises et le lac Léman, sur lequel elle a posé pour la première fois ses pieds sur une planche il y a deux décennies. “Ma maman m’avait inscrite à un stage d’été à Préverenges dirigé par Laure Treboux, une ancienne championne de planche à voile freestyle. J’ai immédiatement accroché pour l’ambiance. Il n’y avait pas de vent mais je m’éclatais”, se remémore en se marrant Pauline Katz qui rêvait secrètement, toute jeune déjà, de vivre à l’étranger afin d’assouvir sa passion dans les plus belles houles de la planète, même si elle était loin de s’imaginer un jour figurer parmi l’élite mondiale de sa discipline.

Dans une famille de footballeurs, celle qui a grandi à Echandens ne songe qu’à la liberté dont elle s’éprend lorsqu’elle se retrouve sur l’eau. A 16 ans, elle n’hésite pas à partir à l’aventure pour une année de gymnase à Sylt, une île allemande plantée en pleine mer du Nord, balayée par des vents incessants. “Je n’avais aucune expérience des vagues. Au mois d’août, je portais un bonnet et je me demandais ce que je foutais là.” De son propre aveu, elle s’est brûlée les ailes et décide de ranger sa planche, qu’elle sort de temps à autre, pendant dix ans dans le but de suivre ses études de géographie.

De l’Australie aux Canaries, dans un van sur un parking

Une décennie plus tard et un Master en ingénierie des transports en poche, Pauline Katz reprend sa vieille planche, son baluchon et ses économies, direction le côte ouest australienne, où l’attendent 2000 kilomètres de plages à perte de vue et surtout certaines des plus belles vagues de la planète. “Je vivais dans un van que j’avais acheté. Je me suis retrouvée dans un camp où il avait un seul congélateur ainsi qu’une seule prise électrique pour tout le monde à plus de trois heures de toute civilisation. Et là, j’y ai découvert une vraie passion.”

La Vaudoise aurait bien souhaité rester sur l’île aux kangourous mais la crise économique et les difficultés à obtenir un visa l’obligent à revenir au pays où elle trouve un travail qui lui permet d’avoir des congés non-payés pour pouvoir pratiquer son sport. Mais cela ne lui suffisait pas. “J’avais ma famille, mon copain, mon boulot en Suisse, mais j’avais besoin de l’océan.” Il y a deux ans, Pauline Katz décide de tout plaquer en pleine pandémie et prend la direction des Canaries cette fois-ci. “Passer trois ou quatre heures dans l’eau, c’est un besoin vital, mais il faut aimer ne pas avoir de sécurité financière”, rigole-t-elle. Sur place, elle travaille d’abord dans une voilerie où elle gagne cinq euros de l’heure et vit pendant trois mois dans son van sur un parking, sans toilette, ni frigo. “Je mettais mes aliments sous ma combinaison mouillée pour les tenir au frais. Malgré tout, je ne me voyais pas derrière un bureau.”

Vaut mieux amerrir qu’atterrir dans cette situation. (J. Pina)

Deux années et une première en Coupe du monde

Toutefois, à Pozo, la Suissesse, la trentaine fringante, côtoie la crème de sa discipline et progresse à vitesse grand V. “Je voyais le niveau et ce que je pouvais essayer. C’est comme apprendre le piano, j’ai fait mes gammes en étant tous les jours dans l’eau.” Après des premiers podiums en compétitions l’été dernier, elle décide de se lancer cette saison sur le front de la PWA World Windsurfing, la Coupe du monde de planche à voile qu’elle dispute dans la discipline “Wave” (Vague).

Son baptême, à Pozo même en juillet, se conclue sur une 13e place. Après avoir remporté son premier duel éliminatoire, elle a tenu la dragée haute à Sarah-Quita Offringa, multiple championne du monde, ne s’inclinant que dans la dernière minute lors de son face-à-face. “Je découvre le haut niveau et les déceptions qui vont avec. Je dois me fixer des objectifs de progression et non de résultat. L’expérience me manque et beaucoup d’athlètes sont dans le milieu depuis de nombreuses années et performent désormais à 40 ans.”

A la conquête des plus belles vagues du monde

Pour Pauline Katz, sa vie est désormais tournée autour d’un projet sportif. “C’est comme si j’avais créé ma boîte d’indépendante. Je cherche des fonds, j’alimente mon site internet, je fais des images, de la communication, je prépare mes entraînements.” La rideuse d’Echandens ne gagne pas sa vie pour autant dans un sport “qui n’a pas beaucoup de tunes”, même si elle l’espère dans un avenir plus ou moins proche. Elle passe entre trois à quatre heures quotidiennement dans l’eau pour s’entraîner ou pour shooter. A côté, elle travaille comme enseignante d’allemand et de mathématiques en ligne et écrit également des articles pour des magazines de voile, car une saison coûte plusieurs dizaines de milliers de francs.

“Tu es peut-être seule dans ton projet, mais j’adore ma vie.” Sa vie, Pauline Katz ne la changerait pour rien au monde. Elle ambitionne de rider sur les vagues du Pérou, du Chili, d’Ecosse, ou encore de Hawaï. Même si elle avoue qu’un jour, elle reviendra bien évidemment en Suisse. “Aux Diablerets, à la montagne”, où elle pourra assouvir son autre passion de la glisse, cette fois-ci dans la neige.


Le windsurf, un sport engagé

Le PWA Windsurfing World Cup, qui n’a rien à voir avec les compétitions de planche à voile que l’on peut voir aux Jeux olympiques et qui se disputent en régates, comprend trois disciplines: le slalom, le freestyle et la vague. C’est dans cette dernière catégorie que concourt Pauline Katz. L’objectif est d’effectuer les plus beaux sauts dans un laps de temps imparti, généralement 12 minutes, lors desquelles les juges ne conserveront que la note des deux plus belles figures proposées ainsi que deux vagues surfées. “Il existe de nombreuses figues mais il y en a trois principales: le front loop (salto avant), le backloop (salto arrière) et le pushloop (salto arrière encore plus engagé)”, explique Pauline Katz. “J’arrive les deux premières, mais j’ai pas encore fait la dernière. Le top 5 mondial parvient à réaliser les trois. A l’époque, j’avais dit à mon patron en Suisse que je ne rentrerais pas tant que je n’arrivais pas à faire les trois figures”, rigole-t-elle. Les runs se disputent en duel. Le ou la meilleur athlète de chaque session se qualifie pour le tour suivant.

Le windsurf est un sport des plus engagés. “On navigue dans des spots où les vents atteignent 40 à 50 noeuds, soit près de 100 km/h. En moyenne, il souffle à 60 km/h à Pozo.” Même si elle porte un casque, Pauline Katz certifie se faire des frayeurs. “Maintenant je sais tomber. Il y a quatre ans, les vagues de 50 cm me faisaient peur, désormais je commence à m’amuser dans des vagues qui font trois à quatre fois ma taille.”

La prochaine étape de Coupe du monde aura lieu à Syft (ALL), du 24 septembre au 3 octobre, là où Pauline Katz découvrait les vagues planche aux pieds, il y a une quinzaine d’années.

Johan Tachet