La délégation suisse rentre des Mondiaux de Cortina d’Ampezzo avec 9 médailles. Les skieurs helvétiques n’avaient plus été à pareille fête depuis Vail en 1989 où la moisson de breloques s’élevait à 11 breloques. Les performances helvétiques en terres italiennes ont ravi le président de Swiss-Ski Urs Lehmann, qui tire un bilan plus que positif des deux semaines de compétition dans les Dolomites.

Urs Lehmann, la Suisse n’avait plus gagné autant de médailles depuis plus de 30 ans. Le bilan est naturellement excellent…

Excellent est l’adjectif adéquat. Je suis très fier de tous les athlètes, des entraîneurs, des techniciens, de toutes les personnes du staff. C’est un moment exceptionnel. J’ai beaucoup de plaisir de pouvoir faire partie de cette équipe.

Sans avancer d’objectif chiffré avant les Championnats du monde, vous aviez souhaité que les skieurs suisses jouent les médailles dans toutes les disciplines. Pari réussi, nous pouvons l’affirmer.

Et cela fait plaisir. Chaque jour, sur chaque course, lors de chaque départ, nous pouvions espérer un podium, voire même une victoire. Vous rappelez-vous de la dernière fois qu’on s’est retrouvé dans une telle position? Je ne crois pas. C’est quelque chose d’exceptionnel. Nous ne sommes pas uniquement bons dans une ou deux disciplines, nous nous appuyons pas plus uniquement sur un ou deux skieurs. C’est un ensemble dans lequel nous pouvons briller.

Avant ces Mondiaux, espériez-vous secrètement pouvoir battre le record des 14 médailles glanées à Crans-Montana en 1987?

Il faut rester réaliste. Crans-Montana, c’était un moment exceptionnel dans l’histoire du sport suisse qu’on ne revivra plus jamais. Il est d’ailleurs impossible de comparer les deux époques. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de nations. Plus de quarante pays ont pris part aux qualifications du slalom. Et cela sans compter la Suisse, l’Autriche, l’Italie ou la France. Rester au top parmi cette cinquantaine de nations est déjà un défi.

Malgré ce très bon bilan, existe-t-il l’une ou l’autre déception?

Non. Je vois du potentiel dans le sens où on aurait même pu faire mieux encore. Mais on doit garder les pieds sur terre et rester réalistes. Voilà 30 ans que nous n’avions pas amassé autant de médailles. Trois décennies en sport, c’est énorme.

On observe un changement de mentalité chez les skieurs suisses depuis plusieurs saisons. On ne se contente plus de bons résultats, mais on veut aller chercher des victoires. C’est un état d’esprit que vous cultivez au sein de Swiss-Ski?

Totalement. On le remarque par rapport aux médailles décrochées ici, mais aussi en Coupe du monde. Jusqu’à maintenant, nos skieurs ont déroché 38 podiums en 49 courses. Nous sommes la nation numéro une avec 800 points d’avance sur les Autrichiens au classement. Nous terminerons l’hiver en première ou en deuxième position. Il n’y a pas beaucoup de sport où la Suisse peut se targuer de faire partie des deux meilleurs pays du monde. Mais les athlètes restent humbles. Et si on parvient à garder nos athlètes en bonne santé, je peux vous assurer que l’on aura encore de nombreux succès ces prochaines années.

La Suisse va ainsi poursuivre sa domination lors de la prochaine décennie?

Je suis convaincu que d’ici les prochaines six à huit années, on aura une équipe alpine très très forte pour autant que nous soyons épargnés par les blessures. Nous avons les athlètes, le staff, les structures pour y parvenir. Regardez les résultats, on peut allumer la télévision en sachant qu’un Suisse a des chances de gagner à chaque course. Cela change notre perception, mais aussi celle des régions, des ski-clubs, des gamins. On n’a d’ailleurs jamais eu autant de licenciés que ces dernières années. C’est motivant pour tout le monde et surtout les jeunes.

On le remarque, il y a une forte densité de talents dans l’équipe de Suisse entre athlètes expérimentés et jeunes prometteurs, sans compter que derrière ça pousse encore…

Nous avons les anciens comme Beat (Feuz), Lara (Gut-Behrami) qui performent encore à très haut niveau et puis il y a les jeunes qui arrivent fort. Nous sommes aussi contents que d’autres athlètes, de “deuxième ligue”, aient progressé. Nom de bleu! Il y a beaucoup de skieurs, presque trop de skieurs, pour nos équipes de Coupe du monde. C’est quelque chose que l’on a rarement eu et c’est un problème de riches.

Si nous revenons aux Mondiaux de Cortina, ceux-ci ont été marqués par les critiques envers le combiné et le parallèle. Ces disciplines ont-elles vraiment un avenir au calendrier de la FIS?

Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Il y a eu des erreurs dans le règlement. En parallèle, j’étais déçu car Loïc (Meillard) était de loin le meilleur durant toute la journée. Il gagne les qualifications, mais tout le monde a vu, même ma grand-mère, qu’il n’avait aucune chance de gagner en commençant ses duels dans le parcours rouge. Malgré cette injustice, il remporte le bronze. C’est exceptionnel. Pour moi, il méritait trois fois l’or ce jour-là. On aurait dû adapter le règlement en augmentant la limite d’écart de temps pour s’élancer sur la manche retour d’une demi-seconde à une seconde et demie. La course aurait été complètement différente.

Et le combiné a également fait beaucoup parler avec un manque de concurrence pour jouer les médailles.

On en a déjà beaucoup discuté ces dernières années. On a dit qu’il fallait se tourner vers les descendeurs en proposant un super-G et un slalom plus facile pour ces spécialistes de vitesse qui savent skier en slalom. Mais si on injecte la piste comme une patinoire, ceux-ci n’ont aucune chance. Ici, même les slalomeurs ont donné une mauvaise impression. Beaucoup d’entre eux ont été éliminés. Ce sont les circonstances. Et il y a des choses à améliorer, à changer.

La FIS annonce toutefois que l’une des deux disciplines est vouée à disparaître à la fin de la saison. En tant que candidat à la présidence de la FIS, c’est une idée que vous soutenez?

Ce n’est pas le président de Swiss-Ski ou de la FIS qui décide, il y a toute une équipe derrière qui analyse le potentiel de ces disciplines. Mais de mon point de vue, ce serait trop tôt de faire le bilan maintenant. Une chose est claire: si nous souhaitons les conserver, nous devons les développer. Personnellement, je garderais les deux, mais en y apportant des changements dans le règlement. On laisse deux ans, on regarde les retour des télévisions, l’interêt des sponsors et on avise.

Vous étiez présent durant les deux semaines de ces Championnats du monde, c’était également pour vous l’occasion de promouvoir la candidature de Crans-Montana pour les Mondiaux de 2027?

C’est clair. Partout où l’on va, que ce soit moi, ou le directeur (ndlr: Walter Reusser), on parle toujours de notre candidature. Nous savons quelles sont les personnes qui décident et nous discutons énormément avec elles. Et ce que je peux vous dire, c’est que les retours sont positifs.

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo