Jovian Hediger, vous étiez incertain pour Ruka après avoir ressenti de vives douleurs à une aine. Comment vous sentez-vous à quelques heures du début de la Coupe du monde?

Je me sens mieux, ça va en s’améliorant. La douleur n’a pas encore totalement disparu. On a progressivement essayé de voir ce qui était faisable ou non et la bonne nouvelle c’est que je n’ai pas vraiment mal sur les skis. On a exclu tout ce qui entretenait la douleur, c’est-à-dire la course à pieds, les bonds, etc. Jusqu’à la fin du camp sur glacier cet automne, je me suis entraîné normalement puis après ça n’allait vraiment pas alors on a coupé un coup. J’ai fait une semaine de réhabilitation dans notre nouveau centre à Davos, avec notamment du vélo, du home-trainer, etc.

Le fait de disputer une saison olympique change-t-il quelque chose?

Oui, surtout pour nous, en sprint. Le début de saison est important car il y a deux courses en style classique pour aller chercher la qualification (ndlr: Ruka ce week-end et Lillehammer le suivant). Après, il n’y en a plus jusqu’à Planica (le 20 janvier, excepté un sprint classique au Tour de Ski à Oberstdorf) qui sera la dernière course de sélection.

Personnellement, j’ai à cœur de réussir un bon début de saison comme les deux dernières années (12e et 10e) pour être tranquille. J’y crois toujours, mais les dernières semaines de préparation n’ont pas été à la hauteur de mes attentes et de mes habitudes. Il faudra peut-être se montrer un peu patient. Je suis un peu dans l’inconnu car je n’ai pas pu faire les courses de préparation que je souhaitais mais les sensations sont bonnes. L’objectif est du coup de ramener des points d’au moins un des deux week-ends. Une demie serait vraiment top dans les conditions actuelles.

Critères
Pour se qualifier pour PyeongChang, les sprinteurs doivent réussir un Top 15 en sprint classique, ou deux Top 25 en sprint, dont un en classique. Un Top 3 en Coupe continentale confirmé par un Top 25 en sprint classique en Coupe du monde d’ici janvier est également accepté.

Quel souvenir gardez-vous de Sotchi, en 2014?

Au niveau de la sélection, c’était une très mauvaise expérience. On s’est retrouvé avec trop de gars qui avaient réussi les critères et faire des sélections sur place, c’était un chenit pas possible. On s’est complètement tiré une balle dans le pied et j’ai fait la plus mauvaise course de ma carrière là-bas donc je n’aimerais en tout cas pas répéter ça.

Mais vous avez progressé. Cette fois, vous êtes le leader de cette équipe de Suisse de sprint.

Oui, absolument. J’aimerais bien pouvoir montrer ça dès le début de saison. Ensuite, comme l’année passée, je pourrai préparer le grand événement correctement sans avoir à penser à des courses de sélection.

Les membres du staff ne vont pas reproduire ce système, donc?

Non, je pense qu’ils ont appris quand même. Les images qu’on a laissé là-bas… Bref, je crois qu’ils ont compris que c’était une énorme erreur. Après, on ne sait jamais. Le seul moyen pour moi d’assurer ma place, c’est de faire des bonnes courses dès le début.

Au-delà de ça, quels sont vos objectifs pour l’hiver?

J’aime bien me concentrer sur un truc après l’autre. C’est clair que j’ai une idée en tête avec les Jeux qui sont extrêmement présents, mais dans un premier temps, le but sera vraiment de passer les qualifs’ à Ruka. On sait que c’est très difficile là-bas. J’ai fait une demi-finale les deux dernières années.

Ensuite il y aura Davos à la maison. Je n’ai jamais vraiment réussi à briller, il m’a toujours manqué un petit quelque chose. C’est à chaque fois une course un peu spéciale et j’aimerais bien pouvoir aussi réussir un bon truc là-bas.

D’une manière générale, j’aimerais bien monter sur la boîte maintenant. Ca fait pas mal de temps que je tourne autour. Evidemment, ça sera un des grands objectifs de ma saison, essayer de claquer un podium.

Que prévoyez-vous pour le Tour de Ski cette année?

Je pense en tout cas ne pas aller jusqu’au 2e sprint. Je vais faire le départ et éventuellement même la première distance. Ensuite, je me préparerai pour Dresde (GER). Autrement, pour ma saison, je pense suivre le programme de la Coupe du monde. En distance, pourquoi pas aller sur une Coupe suisse, une Coupe d’Europe.

 

“Au niveau de la sélection, c’était une très mauvaise expérience. On s’est retrouvé avec trop de gars qui avaient réussi les critères et faire des sélections sur place, c’était un chenit pas possible. On s’est complètement tiré une balle dans le pied et j’ai fait la plus mauvaise course de ma carrière là-bas donc je n’aimerais en tout cas pas répéter ça.”
Jovian Hediger

à propos des Jeux olympiques de Sotchi

Comment envisagez-vous les Jeux olympiques?

Pour pouvoir être bon aux Jeux, il faut pouvoir se préparer correctement, tranquillement, donc ça passe par de bons résultats en Coupe du monde. Pour moi, ce sera un nouveau parcours, un nouvel endroit. Il s’agira quasiment de la première fois que je vais courir en Asie alors il y aura plein de choses qu’il faudra gérer.

Pour chiffrer, j’étais 11e aux derniers Mondiaux. Maintenant, la prochaine étape, c’est le diplôme, et si on fait un diplôme on est capables de faire la médaille (rires). Voilà, c’est dit un peu facilement. Mon meilleur résultat jusqu’à maintenant en classique est une 10e place. Si je peux l’améliorer en Corée du Sud, l’objectif serait déjà atteint. Il faut dire ce qui est. Parler de médaille quand on n’est jamais monté sur la boîte, il ne faut pas non plus exagérer. Mais je ne me mets pas de barrière en me disant à partir de ce résultat c’est réussi car sinon, ça ne pousse pas à se dépasser.

Vous ne voulez donc pas vous satisfaire d’un résultat correct.

Exactement. Je pense être quelqu’un qui sait savourer, reconnaître la valeur d’un Top 15 ou d’un Top 10 en Coupe du monde. Je ne crache pas dessus et je sais que c’est quelque chose d’exceptionnel quand on arrive à faire ça mais par contre, je ne m’en contente pas durant la course. J’espère toujours faire mieux. C’est dans cet état d’esprit que je vais attaquer cette saison et éventuellement les Jeux.

Le sprint aura lieu en style classique à PyeongChang, un problème pour vous?

Non. On a orienté l’entraînement sur le classique cet été déjà. Après, j’ai déjà fait deux demies en classique aussi malgré le fait qu’il y en a eu moins qu’en skating ces dernières saisons. Je n’en ai fait que deux l’hiver passé par exemple. Je pense qu’il y a moyen de faire de belles choses. Et j’aime skier en classique, j’aime les beaux parcours comme il y aura à PyeongChang. C’est un peu comme à Ruka ou Lillehammer. Ce sont des courses avec des belles montées qui me conviennent bien.

Pensez-vous aussi au Team sprint pour les Jeux?

Oui, absolument. Après, c’est difficile de faire des pronostics sur cette discipline. Des spécialistes de distance peuvent être très bons, des sprinteurs aussi. J’ai fait des progrès l’an passé. Il y aura éventuellement quelque chose à faire.

L’équipe est-elle déjà formée?

Non, du tout. C’est extrêmement ouvert justement. Et si moi j’entre en compte pour cette sélection, j’irai au départ uniquement si je suis persuadé d’être un des deux meilleurs athlètes capables de participer à cette course. C’est une course d’équipe, pour le pays. Je pense que si je me sens limité, je saurais le reconnaître. Etre au départ avec Dario Cologna? Oui, c’est imaginable. Mais d’autres entrent en ligne de compte, à l’image de Roman Furger avec qui j’ai couru le Team sprint à Lahti, d’Erwan (Käser) qui est aussi fort en distance, de Roman Schaad, qui revient de blessure. Les résultats vont vite faire le tri de toute façon sur l’hiver.

Vous vous êtes entraîné avec des le champion du monde de sprint Federico Pellegrino cet été. Cela vous aide-t-il?

C’est important, oui. On se connaît bien. J’ai aussi passé du temps avec les Français. C’était important de pouvoir échanger durant l’été. C’est intéressant de voir ce que font les uns et les autres.

 

“D’une manière générale, j’aimerais bien monter sur la boîte maintenant. Ca fait pas mal de temps que je tourne autour.”
Jovian Hediger

Les affaires de dopage des Russes qui ont empoisonné l’avant-saison vous touchent-elles?

Pas spécialement. Je ne passe pas des heures à lire ce genre de choses. Je me concentre sur ce que je dois faire. Si on commence à regarder les listes de résultats et à les modifier en conséquence, on ne s’en sort pas. J’espère que la vérité sera établie, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Je ne me prends pas trop la tête avec ça.

Le dopage touche-t-il votre sport plus que d’autres?

Plus que d’autres sports d’endurance, je ne pense pas. On en souffre pas plus que les footballeurs ou les tennismen, mais c’est juste qu’on a un petit peu moins d’argent dans notre sport et voilà… Il y aura toujours des tricheurs, mais notre boulot c’est de faire les choses du mieux qu’on peut de notre côté et de faire confiance aux personnes qui doivent lutter contre. Pour ma part, je pense qu’on a pas mal de crédibilité car je pense qu’on a une association antidopage qui a bonne réputation. J’ai notamment été contrôlé trois fois en deux semaines entre fin octobre et début novembre. Tout ce qu’on peut faire, c’est prouver qu’on est propres et qu’il y a moyen de réussir en étant propres.

Vous n’avez jamais été approché dans ce cadre?

Jamais. On ne m’a jamais proposé quoi que ce soit et je n’ai non plus jamais vu autre chose se faire.

Vous soutenez Sion 2026. Le projet vous tient à cœur?

Evidemment, sans entrer toutefois dans les détails. Imaginer pouvoir vivre ça chez nous, c’est quelque chose d’extraordinaire.

Vous aurez 35 ans. Envisagez-vous d’y participer?

Non. J’y participerai volontiers en tant que bénévole ou peu importe mon rôle, mais 2026 sera tard pour moi.

Laurent Morel, Ruka