Samedi dernier, Mikaela Shiffrin a ajouté un renne à sa collection en remportant le slalom de Levi. En clin d’œil à la légende Stenmark dont elle vient de battre le record de victoires (41) en slalom, elle a surnommé sa nouvelle bête “Ingemar”.  “Je lui ai demandé (à Stenmark) la permission”, a souligné Mikaela Shiffrin, fière de son exploit. “Dans mes plus beaux rêves, je n’aurais jamais imaginé ce que j’ai accompli. Stenmark était le meilleur. Ainsi, je ne vois pas cela comme un record obtenu, je continue simplement mon chemin.”

Voir cette publication sur Instagram

Nice to meet you, Ingemar 💛 • • • I was thinking about this name yesterday after the race when someone mentioned the record, but there were a couple things to sort through before announcing it. First was to ask for Ingemar’s permission of course! But I also wanted to take a quiet moment to think about the day and what this race meant to me. The truth is, it did not feel like a record-breaking day for me. It felt like a day. A race day. A wonderful slalom race day, albeit a little foggy😝. And now I have this record to my name–a milestone that I never in my wildest dreams thought I would achieve when I was younger–but all I could think was, Ingemar was better. I don’t see it as “breaking his record”, I am just continuing it. So even though the idea of naming my reindeer after Ingemar was born from the talk of “breaking” the record, in the end that is not why I chose to do it. It is simply a tribute to one of absolute greatest ski racers to ever live.💛 #weareskiing

Une publication partagée par Mikaela Shiffrin ⛷💨 (@mikaelashiffrin) le

Toujours est-il que la skieuse de Vail a entamé la nouvelle saison sur les mêmes bases que la dernière. Une 2e place en géant à Sölden et une victoire lors du slalom de Levi placent déjà les ambitions de la grande dame du ski alpin. Dans le portillon de départ de Killington, aux Etats-Unis, elle se présente une nouvelle fois en grande favorite ce week-end. 

Rencontrée la semaine dernière à Levi pour une interview exclusive, Mikaela Shiffrin présente ses ambitions cet hiver, ses idoles comme Roger Federer ou encore la jeune garde, emmenée par la Néo-Zélandaise Alice Robinson, qui rêve de la détrôner. Interview.

Après avoir vécu une saison extraordinaire, quelles sont vos attentes pour ce nouvel hiver?

Je n’aime pas trop ce mot “attente”, car j’essaie justement de ne pas trop en avoir. Mais je me suis énormément entraînée cet été. Je me sens forte et en forme. Tout ce que je peux faire désormais, c’est me concentrer sur mon ski et donner mon plein potentiel. Car l’année dernière, nous avons eu beaucoup de compétitions et de nombreuses courses ont été très difficiles pour moi. Ce n’est jamais facile de gagner une compétition à ce niveau, il ne faut faut jamais l’oublier.

Sans grand rendez-vous cet hiver, votre préparation a-t-elle différente l’été dernier?

Cette saison est différente c’est clair, mais ma préparation n’a pas changé pour autant. Certains athlètes en profitent pour faire un break, pour moi elle sera utile pour procéder à des essais. J’aimerais encore repousser mes limites. 

Qu’entendez-vous par “procéder à des essais”?

C’est de voir si je peux faire davantage de courses en vitesse. Est-ce que je suis capable de gérer un calendrier plus conséquent que lors des années précédentes? Aussi mentalement, de voir si cela n’est pas éreintant. Mais je vais prendre les jours les uns après les autres.

Vous avez battu le record de victoires en une saison de Vreni Schneider (17 contre 14) l’hiver dernier. Comptez-vous vous attaquer à celui du plus grand nombre de points glanés en un hiver (2414 points, Shiffrin a réussi un total de 2204 la saison passée) qui est de la propriété à Tina Maze?

Je ne pense pas (rires). La dernière saison a été spectaculaire. Mais bien évidemment, je ne veux pas dire que c’est le maximum que je peux attendre, car j’ai envie de faire mieux encore. Je pense donner mon meilleur, et surtout m’amuser.

Donc vous n’estimez pas encore avoir atteint votre potentiel maximal?

J’espère que non. Ou plutôt, non je ne le pense pas, il y a encore des choses que j’aimerais accomplir sur mes skis. La dernière saison fut la meilleure que j’ai réalisée d’un point de vue des performances et des records. Sur mes skis, je pense que je peux toujours être meilleure. Chaque année, des athlètes me poussent à être meilleure: Alice Robinson, Petra Vlhova, Wendy Holdener. Toutes ces filles me motivent et tant que je suis motivée grâce à elles, je vais progresser.

D’ailleurs, lorsque vous observez Alice Robinson (17 ans), vous retrouvez-vous un peu en elle il y a quelques années?

Oui, je me vois en elle à mes débuts. Toute cette excitation à Sölden après son succès, à 17 ans, à cet âge, c’est très rare. Je me rappelle avoir été choquée lorsque j’étais à sa place plus jeune. Mais c’est vraiment cool de la voir skier. C’est inspirant et motivant. Elle semble être solide dans sa tête et évidemment sur ses skis. Je me réjouis de l’affronter à nouveau.

Peut-on, en grande championne que vous êtes, être inspirée par la nouvelle génération?

Bien évidemment. Il y a deux façons de voir les choses: soit tu as peur des jeunes qui débarquent, soit tu les respectes. De mon côté, je suis inspirée par toutes et tous qui skient bien. Je regarde les vidéos d’Alice (Robinson). Je me dis alors: “allons-y, essayons d’en faire autant”. Franchement c’est cool, mais je suis toujours jeune et je me sens toujours membre de la nouvelle génération, même si je fais peut-être également partie de l’ancienne. L’une des choses que je veux montrer à la nouvelle génération, c’est qu’elle ne doit pas non plus avoir peur de me mettre des bâtons dans les roues même si je suis peut-être un modèle pour certaines filles. Je me suis retrouvée dans cette situation lorsque j’ai débarqué. Il suffit d’être motivée et travailler pour.

On parle de vous et également de Petra Vlhova, mais Wendy Holdener peut-elle être une candidate crédible pour le grand Globe de cristal?

Naturellement. Elle est très forte, elle le devient toujours davantage en vitesse. Je me rappelle du slalom de Soldeu en fin de saison dernière, où on s’est livrée une superbe lutte. Elle va être à nouveau jouer devant cette saison, comme Petra. Et ce n’est pas plus mal car les spectateurs veulent voir une véritable lutte.

Estimez-vous faire partie des légendes du ski ou, si ce n’est pas le cas, que devez-vous encore accomplir pour que vous puissiez vous-même vous considérer comme telle?

Ouh là… Vous me prenez de court (rires). Je ne sais pas ce que je dois faire pour me considérer comme une légende dans mon sport. Sur le papier, avec mes résultats, peut-être que je le suis, que je fais partie de l’histoire. Mais dans mon esprit, il n’y a rien que je puisse faire. Je n’arriverais jamais à me comparer à Marcel Hirscher, Bode Miller ou Ingemar Stenmark, qui étaient incroyables. De mes propres yeux, c’est difficile de l’imaginer. Des fois, je vois mon nom parmi ces athlètes et je me demande comment je peux y figurer (rires).

Voir cette publication sur Instagram

Strange how emotional it can feel to say ‘goodbye’ to a retiring athlete, but then again it’s not strange at all. When it’s an athlete you have been learning from and finding inspiration from for your entire career, it’s not strange. When it’s an athlete who took your sport to totally different heights, who showed that what we once thought was impossible is possible, it’s not strange. When it’s an athlete who has inspired generations of athletes to come to get up, to fight, and to bring their absolute best every single time, it’s not strange. When it’s an athlete who always treated the others with respect, and showed us what sportsmanship means, it’s not strange. No, it’s not strange at all. Thank you for the incredible moments in this sport, Marcel. Wishing you all the best for the future. 🙌🙌🙌 #GOAT (*wipes tear from eye*) 📷: GEPA/@atomicski #weareskiing

Une publication partagée par Mikaela Shiffrin ⛷💨 (@mikaelashiffrin) le

Deux catégories de sportifs s’affrontent: ceux qui, comme Marcel Hirscher, ont mis un terme à leur carrière à 30 ans – voire avant – après avoir dominé leur sport pendant près d’une décennie et ceux qui font durer le plaisir comme Roger Federer ou Tiger Woods malgré le poids des années. Dans quelle classe vous situeriez-vous, même si vous n’avez que 24 ans?

C’est difficile de savoir, je n’ai jamais vraiment réfléchi à la question. Je ne pense pas que je skierais beaucoup plus tard que mes 30 ans. Mais si j’aime toujours autant mon sport et si je suis capable de travailler pour aller dans la direction que je souhaite, il n’y a pas de raison que j’arrête. C’est comme lorsque je regarde Federer. Je m’énerve quand les gens se demandent quand il va arrêter. Il se sent bien, il joue bien, arrêtez de le forcer, vous allez réellement le faire prendre sa retraite. Franchement, il faut juste profiter qu’il (Federer) soit encore au sommet de son sport. C’est inspirant de le voir avoir ce plaisir de jouer alors qu’il prend de l’âge. Pourquoi devrait-il tout stopper? Il a accompli tout ce qu’il pouvait, mais il aime toujours autant son sport. Si je suis dans une position similaire à 30, 32, 33 ans, je serai toujours là.

Vous avez d’ailleurs plusieurs fois l’occasion de le côtoyer pour un sponsor de pâtes que vous avez en commun

Et c’est génial. C’est l’une de mes plus grandes idoles. Je l’ai rencontré il y a deux ans le première fois. C’était incroyable. Je l’ai revenu ce mois de septembre. On a eu beaucoup de fun. C’est un sportif incroyable, mais il est également une personne magnifique.

Johan Tachet, de retour de Levi