C’est avec un léger pincement au cœur que nous prenons la route d’Adelboden jeudi. Aussi agréable qu’est un séjour dans la station de l’Oberland bernois, les festivités qui rythmaient le week-end des courses bernoises ces dernières années manqueront inévitablement à tous les suiveurs du Cirque blanc, des spectateurs aux journalistes, en passant évidemment par les équipes.

Dans la voiture, nous tenons, malgré tout, à s’assurer qu’un semblant d’ambiance nous accompagne durant notre voyage et nous nous laissons rouler au son des tubes de schlager. A Frutigen, un coup d’œil à la gare déserte nous rappelle que vendredi, samedi et dimanche, les employés de la BLS pourront chômer, eux qui avaient l’habitude de voir débarquer dans la petite gare nichée au cœur de prairies saupoudrées de blanc des dizaines de milliers de spectateurs, aussi matinaux que joviaux, et pour certains déjà bien avinés. 

Berner Oberland isch schön, mais vide…

La voix de Matty Valentino sur Vogulisi réchauffe les cœurs en berne au moment où nous arrivons à Adelboden, car, quoiqu’il arrive, Berner Oberland isch (immer) schön. Mais loin de la folie ambiante, c’est une station désespérément vide que l’on retrouve, où quelques badauds et skieurs du dimanche côtoient dans la rue l’un ou l’autre membre des équipes nationales de ski et des policiers municipaux qui ne manquent pas de rappeler que le masque se porte en toute occasion dans l’espace public.

Le centre de la station est désespérément vide.

Pour retirer son accréditation, il faut montrer ensuite patte blanche ou plutôt démontrer que nous sommes Covid-free. Pas d’attestation de test PCR à prouver cette fois et contrairement aux courses à l’étranger, ni de prise de température, la bonne foi suffit, pour autant que nous n’ayons pas coché sur le document remis par les autorités compétentes le mal de crâne qui a perturbé ta journée au lendemain du Nouvel An. 

A 21 heures, tout le monde dort

Il est 17 heures. Le soleil se couche dans un écrin orangé sur les Alpes bernoises et il est déjà l’heure de se rendre à la conférence de presse des géantistes helvétiques. Seuls les journalistes qui ont demandé auprès de Swiss-Ski des interviews filmées avec les athlètes ont la chance de rencontrer Marco Odermatt, Loïc Meillard ou encore Justin Murisier en personne. A distance toutefois respectable, devant l’hôtel de la délégation suisse, dans le froid glacial de la nuit qui s’installe. Les autres journalistes converseront via Teams avec les différents skieurs l’espace de quelques minutes. Des rendez-vous bien impersonnels qui contrastent avec les grandes discussions que nous pouvions mener en groupe et avec les athlètes les derniers hivers dans le lobby de leur hôtel.

Les conférences de presse d’avant-course se font en plein air. Et il ne fait pas très chaud.

Dans la rue, rares sont les promeneurs à l’heure où normalement le stade d’arrivée s’anime sous les étoiles pour le tirage au sort des dossards dans une ambiance surchauffée. Mais cette année, comme partout, les restaurants et les bars sont fermés, bien loin de l’agitation de la station en période de courses de Coupe du monde où il faut se frayer son chemin dans la rue centrale d’Adelboden, avec l’espoir de trinquer avec un vin chaud. Il est 21 heures et la station bernoise dort déjà.

Pas de fans, pas de musique, pas d’ambiance

Vendredi matin, le soleil est généreux sur Adelboden qui se réveille sans première gueule de bois, mais également sans fans colorés, sans cloche, sans chansons de DJ Ötzi reprises en cœur. En gros, sans ambiance. L’aire d’arrivée ressemble timidement à un bas de piste de course FIS. Là où s’entassaient 25’000 supporters en furie il y a douze mois, résident seulement des cabines de commentateurs et trois écrans: un qui diffuse la course mais que l’on ne voit qu’à moitié pour les chanceux depuis la zone mixte, un deuxième qui offre les temps intermédiaires des skieurs et un troisième où défilent des images préenregistrées de fans suisses qui suivent la course (mention à Rocky, le chat de la famille Yule!).

Deux écrans géants et demi…

C’est dans une indifférence totale que les skieurs passent la ligne d’arrivée les uns après les autres. Malgré le manque des spectateurs, les organisateurs ont de plus fait le choix de ne pas faire cracher la sono. Pas de fans, pas de musique, pas de Plastic Bertrand pour les géantistes français dévalant dans l’aire d’arrivée, si ce n’est un fond de son de cloches préenregistré assez désuet. Tout juste, un vaillant bénévole nous sert un verre de thé (au lieu du traditionnel vin chaud) dans la zone mixte, histoire de se réchauffer les mains… et les coeurs.

La victoire d’Alexis Pinturault, couplée au podium de Marco Odermatt, est belle. Pour le sport seulement. Car l’atmosphère qui entoure Adelboden “la Belle”, l’une des plus festives étapes de la saison, est bien triste malheureusement. “C’est une ambiance morbide”, n’a pas hésité à souligner le lauréat du premier géant. Les habitués ne sauraient le contredire. L’après-ski jusqu’à la nuit sous la grande tente pour les plus aguerris ou les sessions de signatures d’autographes de stars pour les plus jeunes ne sont plus que de joyeux souvenirs des années écoulées.

Une zone d’arrivée qui sonne creux, là où s’entassent normalement plus de 25’000 fans en folie..

C’est ainsi. Vivement 2022!

Johan Tachet, Adelboden