L’histoire du ski suisse a un nouveau roi. Longtemps, Pirmin Zurbriggen a été le skieur helvétique à avoir le plus souvent gagné en Coupe du monde avec son solide total de 40 succès. Aujourd’hui, Marco Odermatt compte 41 victoires sur le Cirque blanc. Si Vreni Schneider (55) et Lara Gut-Behrami (45) devancent encore le Nidwaldien, il est bien le meilleur représentant rouge à croix blanche au niveau masculin. De quoi contrarier son prédécesseur? Pas du tout, « les records sont faits pour être battus, sinon ils ne servent à rien », rigole la légende valaisanne, trop contente de voir le ski suisse briller comme jamais. Interview.

Pirmin Zurbriggen, vous n’êtes pas trop tristes d’avoir perdu ce record du nombre de victoires?

Pas du tout! Au contraire, ce que réalise Marco Odermatt est assez extraordinaire! C’est vraiment beau à suivre, surtout qu’en plus, il y a la manière.

Avez-vous eu l’occasion de le féliciter?

Oui, je lui ai envoyé un petit message. J’aimerais bien également aussi voir ses parents afin de partager un bon moment et de fêter cela avec eux. Peut-être à Adelboden ou à Wengen, où je me rendrai. Ou en fin de saison, à tête plus reposée.

Vous avez toujours beaucoup apprécié « Odi ».

C’est un athlète exemplaire. Il n’y en a aucun comme lui. C’est beau de voir qu’avec lui, le travail paie. C’est une belle personne et ce ne serait pas forcément pareil avec un autre athlète.

Vous le connaissez depuis très longtemps, lorsque son père était venu vous voir à Zermatt en 2004. Il ensuite notamment partagé la chambre de votre fils Elia lors de ses débuts en Coupe du monde.

Oui, c’est vrai. En suivant Elia, j’ai eu la chance de connaître toute la famille Odermatt, qui est vraiment très sympathique. Walti (ndlr: son père) a toujours encouragé son fils ça avec beaucoup de coeur, sa maman (Priska) représentait pour sa part le côté tranquille. Tout cet ensemble montre que le sport peut être une joli école de vie. C’est ce côté-là que j’aime beaucoup.

Outre cet équilibre familial, qu’est-ce qui fait la force de Marco Odermatt?

Prenons l’exemple du géant d’Alta Badia. Marco a été tellement exemplaire en ne craquant pas! Il faut savoir skier dans des situations très compliquées car les autres sont très forts. Malgré les fautes qu’il commet, Odi est devant. Ça montre qu’il a quelque chose de plus. Il parvient toujours à rester rapide!

Peut-on comparer son ski au vôtre à l’époque?

Pas totalement, car je pratiquais également le slalom. Mais dans la façon de skier, on est très similaire, on bouge, on met de la vitesse, on n’avait pas peur de faire des fautes.

Et même lorsque ça va moins bien comme en ce début de saison en géant, il sait toujours rebondir.

C’est fou! Il est très fort dans la tête!

Où va s’arrêter Odi?

Très bonne question. J’espère surtout qu’il va rester en bonne santé. Mais si c’est le cas, il peut dépasser les 50 victoires et même aller encore plus haut! Jusqu’à son avènement, j’étais le seul Suisse dans le top 10 de ce classement des plus victorieux en Coupe du monde. Il nous manquait quelque chose, c’est bien de voir les choses évoluer.

Peut-il rattraper Ingemar Stenmark et ses 86 succès?

Cela sera compliqué tout de même, je pense qu’il espère être numéro deux dans cette hiérarchie.

Et cette saison, il va de nouveau tout rafler sur son passage?

En Coupe du monde, je pense clairement qu’il sera intouchable, personne ne peut rivaliser. Les Championnats du monde, c’est toujours un petit peu différent car certains skieurs sortent la manche de leur vie le jour J.

Dans son sillage, Marco Odermatt entraîne une équipe de Suisse assez extraordinaire, ça doit vous faire plaisir.

En effet, c’est extrêmement agréable à suivre. Chaque course, on vise les podiums, on vibre, on à des athlètes au maximum! Ça fait plaisir de voir que tout le travail qui a été fait depuis des années paie. Quelquefois, j’aimerais bien tous les embrasser, nos athlètes! On est parti de tellement loin en 2002 et maintenant, on a tous ces jeunes devant au niveau mondial. J’ai de nouveau confiance en notre jeunesse!

Laurent Morel