Grand manitou de l’Xtreme depuis 25 ans, Nicolas Hale-Woods (50 ans) se sent comme un poisson dans l’eau lorsque la date fatidique de la finale du Freeride World Tour approche. S’il doit donner de la tête de toute part, il maîtrise son sujet à la perfection et voit l’avenir de son sport avec optimisme. Entre nouvelles étapes et Jeux olympiques, il ne cache pas ses ambitions. Entretien.

Nicolas Hale-Woods, les conditions s’annoncent idéales pour samedi…

Ça va avoir lieu samedi, cette fois, c’est sûr. En tout cas bien plus que la plupart du temps. Les hautes pressions sont en place et aucune surprise ne devrait venir entraver nos plans. C’est bien de temps en temps de pouvoir faire la compétition à la date “prévue” (ndlr: les deux derniers Xtreme ont eu lieu un lundi, soit dans la fenêtre prévue, mais pas à la date préconisée). Le public, les invités vont être ravis. La fête qui aura lieu ensuite dans les rues de Verbier s’annonce aussi grandiose.

Les juniors s’élanceront également samedi cette année?

Oui, on a décidé ça à cause de l’atmosphère assez chaude et si on avait attendu dimanche, on aurait pris le risque de voir l’état de la neige empirer. Et le niveau est incroyable! Du coup, grosse journée et grosse soirée samedi, et dimanche on mange des oeufs au bacon pour se remettre…

Il faut dire que c’est la meilleure occasion de finir en beauté une saison où vous n’avez pas connu trop de soucis au niveau des reports…

En effet. Il n’y a eu qu’une étape sur cinq qui a été compliquée cette année. Il s’agit de l’Andorre (où il a fallu attendre le dernier jour de la fenêtre pour lancer l’épreuve). Il y a eu de super conditions au Japon. C’était vraiment important car on sortait de deux ans difficiles là-bas (lors de l’édition test, et de la première année où le Freeride World Tour y faisait halte en 2018, l’épreuve avait été annulée). Cette fois, on a pu montrer ce qu’on avait comme vision. Les riders ont adoré, ils se sont gavés, lors de la compétition mais aussi en dehors. C’est aussi important. Au Canada, c’était également très bien.

Avec le Japon, l’Autriche et Verbier, vous aurez eu trois épreuves sur cinq qui se seront déroulées un samedi. Qu’est-ce que cela amène de positif au Tour?

C’est bon pour le public, et aussi pour les audiences. Mais au-delà des dates, ce qui me réjouis, c’est qu’on a vu des lignes nouvelles, des figures nouvelles. Des Victor De Le Rue, Tanner Hall ou Markus Eder amènent ce côté freestyle chez nous. C’est une partie importante du développement de notre sport. On a également une nouvelle école qui pousse.

Avoir des jeunes qui jouent tout devant, c’est aussi quelque chose qui vous tient à coeur?

Clairement. L’exemple parfait, c’est Craig Murray, qui s’est malheureusement blessé à Fieberbrunn. Il était en juniors il y a trois ans, avant de se qualifier dès sa première saison en Qualifier et de briller maintenant sur le World Tour. C’est génial de voir un gars de 20 ans titiller les grands. Et avoir d’autres jeunes qui arrivent, c’est le signe que la discipline va bien. On est à l’aube d’un 25e Xtreme, et pour moi, voir ces jeunes briller, c’est la plus grosse satisfaction.

Et vous, vous allez rester aux commandes pour de longues années encore?

Je serai là pour le 25e, c’est sûr. Après, ce qui est également certain, c’est que j’arrêterai un jour. Est-ce que c’est dans deux ans ou dans dix ans, je n’en sais rien.

Depuis le départ de votre sponsor principal (Swatch) il y a deux ans, il semble que vous ayez trouvé une bonne formule pour assurer la pérennité du Tour.

Oui, ça va bien. On a de nouveaux sponsors et les anciens renouvellent. C’est plus équilibré désormais, on n’est moins dépendants d’un gros. Nos chiffres, notamment sur les réseaux sociaux, sont bons. Et ça, c’est notre ligne de vie.

Pour la saison prochaine, les étapes du World Tour seront-elles les mêmes?

Oui, absolument. Et on bosse pour avoir si possible plus d’étapes en Amérique du Nord, qui s’ajouteraient au circuit actuel dès 2021. En priorité, on veut consolider nos étapes actuelles, et c’est en bonne voie. On a signé avec l’Autriche (Saalbach-Fieberbrunn), on est en train de prolonger avec l’Andorre et il y a de très bons signes pour qu’on puisse partir dans un deuxième cycle avec le Japon. Les renouvellements, c’est vraiment bon car ça veut dire que nos stations partenaires voient un retour sur investissement.

Vous aviez également il y a quelque temps évoquer la possibilité d’intégrer le programme olympique. Cela ne sera pas le cas à Pékin en 2022. Qu’en est-il pour la suite?

C’est un sujet qui est toujours d’actualité. Depuis l’année passée, il y a eu une discussion avec la FIS avec qui on reste en contact. Pour l’instant, ça n’a pas évolué. Je pense que les deux années qui viennent vont être charnière pour aller en direction des Jeux ou pas. Si c’est le cas, il faudra définir la ligne. Cela serait intéressant pour le développement en Asie notamment. Le fait d’être une discipline olympique changerait passablement de choses.

Vous lancez un important événement d’e-bike à Verbier. C’est une façon d’essayer de se diversifier?

Ce n’est pas qu’on essaie, c’est qu’on se diversifie. L’e-bike paraît évident pour nous. C’est le bon moment. Il s’agit du ski d’été et s’adresse à une population encore plus large que celle qui skie. C’est destiné à tous. Ça rassemble socialement, enfant, parents, grands-parents. C’est vraiment excitant d’être au début de cette explosion.

En plus, c’est complémentaire avec le freeride.

Absolument. Les codes, les partenaires et les industries sont similaires. La région de Verbier a décidé d’investir dans ce domaine, ce qui nous permet de revendiquer le plus gros événement d’e-bike au monde.

La montagne en Suisse a d’ailleurs longtemps été à la traîne en ce qui concerne la saison estivale…

C’est vrai. Maintenant, il faut se délivrer. Le Valais est en retard et maintenant il faut rattraper et innover. C’est un développement qui ne va pas se faire en deux ans car il s’agit d’importants aménagements, tant sur les pistes que sur les remontées. Il faut également innover sur les formats. Il y a tout à faire et c’est excitant. Avec l’expérience qu’on a, ça devrait aller plus vite.

Laurent Morel, Verbier