“Ce slalom était une mascarade!” Au lendemain du slalom de Zagreb, l’un entraîneurs d’une des meilleures équipes de slalom au monde n’en démordait pas. “La compétition n’aurait jamais dû aller aussi loin. Mais ce n’est malheureusement pas nous qui pouvons prendre les décisions.” Jeudi, la FIS et les organisateurs croates ont livré un véritable fiasco en mondovision, attendant près d’une heure avant d’annuler une course qui n’aurait jamais dû avoir lieu, en espérant que la piste, qui cassait plus que jamais, puisse être sauvée à coup de grosses poignées de sel et de jerricanes d’eau.

“J’étais complètement choqué par l’état de la piste”, glisse Luca Aerni. “Chaque porte était différente. On devait s’engager de manière différente à chaque virage, ce qui était dangereux. Après quelques portes, je me suis dis que l’objectif était surtout d’arriver en bas entier.” Le skieur de Crans-Montana a clairement montré son indignation en franchissant la ligne d’arrivée en tapant de l’index sur son casque. Dans les rigoles creusées de la piste Medvednica, le Valaisan ne s’est pas fait mal. Au contraire du Français Victor Muffat-Jeandet, qui s’est fracturé la cheville, et dont la participation aux Jeux olympiques de Pékin est très compromise. “J’ai honte et j’ai mal”, a posté Valentin Bon Betend, le serviceman du slalomeur français sur les réseaux sociaux vendredi après-midi. “J’ai surtout mal quand je vois que les décisions prises par la gouvernance du ski sont tout sauf sportives.”

Les athlètes pas écoutés

Dans le clan helvétique, les question sont nombreuses après le fiasco croate, notamment sur l’implication des athlètes. “Ce n’est pas nouveau, cela fait plusieurs années, que nous skieurs, essayons de faire entendre notre voix”, lance Loïc Meillard. C’est d’ailleurs pour cette raison que Daniel Yule a quitté son poste de représentant des skieurs auprès de la FIS. “Le sport passe au second plan et nous ne sommes pas forcément écoutés”, regrette le skieur de La Fouly.

Mercredi soir, la FIS a sondé le top 15 mondial pour savoir si les coureurs voulaient prendre le départ. Les intérêts divergeaient, mais toujours est-il qu’au même moment les organisateurs croates faisaient pression pour que le slalom ait lieu. La raison? Ils n’auraient pas souscrit d’assurance en cas d’annulation. Tout est donc une question d’argent contre laquelle la FIS n’a pas su faire front malgré les dissidences de nombreux athlètes et des coaches.

“Je suis irrité contre la FIS et j’ai le coeur lourd”, a écrit Alexis Pinturault. Le vainqueur du grand Globe de cristal n’avait plus posté depuis son sacre l’hiver dernier. C’est dire le courroux des skieurs. Le Français a été suivi dans ses propos par la grande majorité des skieurs. En plus des Suisses, Henrik Kristoffersen ou encore Clément Noël, entre autres athlètes influents, sont montés au créneau sur les réseaux sociaux.

La directeur de courses de la FIS énervé

Et si au final, ce scandale allait enfin permettre de faire bouger les choses et permettre aux vrais protagonistes, à savoir les entraîneurs et les athlètes, de faire entendre leur voix? Toujours est-il que le directeur de course de la Coupe du monde masculine Markus Waldner, absent à Zagreb afin de minimiser les risques liés au Covid-19, était très remonté avant le week-end des épreuves d’Adelboden.

“Je suis très énervé de la façon dont la procédure s’est déroulée jusqu’à l’annulation. Ce n’était absolument pas acceptable. On a déjà vu avec le slalom féminin que c’était très limite, voire même au-delà”, a lancé l’Italien de retour sur le circuit, qui a assuré, lors de la réunion des chefs d’équipe précédant le géant oberlandais, que la problématique serait étudiée de près. “J’ai déjà discuté avec le Président (Johan Eliash) et le secrétaire général (Michel Vion). Nous allons se pencher sur ce sujet lors d’une prochaine réunion. Ce qu’on a vu à la télévision était tout sauf de la promotion pour notre sport et va détruire notre produit si on continue comme ça.”

Il ne reste plus à la FIS qu’à joindre les actes aux mots.

Johan Tachet/LMO/CF