Lara Gut-Behrami possède l’imprévisibilité des championnes. Guère placée parmi les favorites du géant olympique après avoir connu un début d’hiver tronqué par la grippe et le Covid-19 qui l’ont empêchée de s’entraîner pleinement et de concourir en compétition, voilà la Tessinoise sortir une performance dont elle a le secret pour se parer de bronze. « Franchement, cette médaille est inattendue », savoure la skieuse de Comano qui a notamment réalisé une seconde manche de folie pour remonter de la 8e place au podium sur lequel elle accusait pourtant plus d’une seconde de retard après le premier parcours. « Je n’ai pourtant rien changé entre les deux manches, mais c’est symptomatique de ce que je fais cette saison. Parfois je suis devant, et parfois 13e. »

C’est avec le sourire que l’on devine sous son masque que la Suissesse prend pleinement conscience de sa performance. « C’est génial, je suis vraiment contente surtout que la journée a été particulièrement longue », lance-t-elle en enchaînant pendant près de deux heures après avoir franchi la ligne les sollicitations médiatiques. Levée aux aurores, ce n’est qu’à 18 heures que la Tessinoise a quitté le bas de la piste « Ice River » avec le sentiment du devoir bien plus qu’accompli. « On est partis du village olympique à 6 heures, il y a eu beaucoup d’émotions, une longue pause entre les deux manches, des chutes, c’était une journée compliquée. »

L’expérience et la tête pour combler le déficit d’entraînement

Mais une journée bronzée qui coïncide avec le retour en forme au meilleur des moments après plusieurs semaines qui ressemblaient à des montagnes russes. « Je n’ai pas changé de routine ces derniers temps, mais mes résultats étaient faits de hauts et de bas. Cela m’a coûté beaucoup d’énergie. »

Pour aller chercher cette breloque, la skieuse de 30 ans estime avoir profité de son long métier sur le circuit, 13 ans après sa première participation à un grand rendez-vous aux Mondiaux de Val d’Isère, déjà couronné de médailles. « Aujourd’hui, l’expérience et la tête ont permis de combler mon manque d’entraînement. Cet hiver, j’avais passé plus de jours à la maison que j’ai skié en géant. C’était seulement mon troisième départ dans la discipline cette saison. » Comme on dit, le ski c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, surtout lorsque l’on possède le talent de la Tessinoise.

Lara Gut-Behrami savoure sa médaille de bronze. (Maeva Pellet)

Une deuxième médaille après Sotchi, mais dans un contexte bien différent

Au total, Lara Gut-Behrami orne son cou d’un dixième métal dans un grand événement. « Jamais je n’aurais imaginé gagner autant de médailles », concède la Suissesse. « Avant les Mondiaux de Cortina l’an dernier, je me disais que je pouvais encore peut-être gagné quelque chose. » Depuis, elle devenue double championne du monde en Italie – en super-G et en géant avec encore une 3e place lors de la descente -, avant de parer du bronze à Pékin, pour glaner sa deuxième médaille olympique. « Cette médaille est complètement différente du bronze de la descente de Sotchi qui n’avait pas été facile à vivre. »

Longtemps, la Tessinoise a ressassé la course russe, où elle avait échoué à un dixième du duo doré Dominique Gisin-Tina Maze, la rejouant dans la tête maintes fois. « Il y avait de la frustration, je continuais à revoir ce virage où j’aurais pu mieux skier. J’ai toujours eu de la peine à gérer mes émotions, et là j’étais encore plus jeune. Je me disais que j’aurais pu faire mieux, contrairement à ce géant où je n’aurais rien pu prévoir. »

Désormais pleinement lancée dans ses Jeux, Lara Gut-Behrami n’aura plus rien à perdre, au contraire, tout a gagner, et elle se présentera l’esprit libéré en descente et en super-G la semaine prochaine. Et ça risque une nouvelle fois de scorer.

Johan Tachet, Yanqing