Mais qu’ont mangé Camille Rast et Malorie Blanc sur les rives du lac de Neuchâtel là où elles s’entraînent durant l’été? La première a explosé cet hiver sur le front de la Coupe du monde avec quatre podiums pour deux victoires, dont la deuxième mardi soir lors du mythique slalom nocturne de Flachau, tandis que la seconde s’est totalement révélée en décrochant la 2e place la semaine passée à Sankt Anton pour sa première descente de Coupe du monde.

« Ce sont deux filles très investies dans tout ce qu’elles entreprennent, intelligentes et à l’écoute. Tu donnes une instruction, cela sera tout de suite appliqué et bien fait. Avec elles, il y a un échange, on peut évoluer et oser », évoque Florian Lorimier, le préparateur physique des deux skieuses valaisannes, qui joue à coup sûr un rôle clé dans les performances de haut vol de ses deux athlètes.

Camille Rast, premièrement, est parvenue à franchir le cap qui la séparait encore du podium ces derniers hivers. Mais qu’est-ce qui lui a permis de faire ce saut en avant? « Il y a des recettes de base, mais à celles-ci nous avons ajouté plusieurs petites nouvelles choses dans la préparation. » Comme avec Didier Cuche à l’époque, Florian Lorimier a eu carte blanche pour mettre en place ses idées avec la skieuse de Vétroz, toujours curieuse et avide de nouveautés. « C’est très complet. Cela fait trente ans que j’étudie tous les domaines qui touchent au physique. »

Gestion des cycles menstruels et du temps passé sur les réseaux sociaux pour Camille Rast

Dans le cas de la leader du classement du slalom, on parle diététique, récupération, sommeil, mais également gestion des cycles menstruels. « Ce n’est plus tabou et de nouvelles études voient le jour », assure le préparateur neuchâtelois. « On peut ainsi tirer profit des différentes périodes des cycles. Par exemple, il y a des jours qui sont très bénéfiques et on parvient ainsi à ajuster le travail pour optimiser l’explosivité ou la récupération. »

Autre nouveauté apportée, la minimisation de l’utilisation des réseaux sociaux. « Si tu passes ton temps à ‘scroller’, c’est une saloperie », continue Florian Lorimier en s’appuyant sur différents papiers scientifiques. « Des études démontrent que si tu passes 30 minutes sur ton téléphone avant de faire une série de squats à force maximale, l’athlète perd 20% de concentration et de performance. Ainsi l’utilisation du portable doit être la plus éloignée de l’entraînement et réduite au minimum. »

Cela fait maintenant plus de cinq années que Camille Rast arpente le salle de force d’Auvernier. À 25 ans et une demi-douzaine de saisons sur le front de la Coupe du monde, l’actuelle leader du classement général commence à connaître parfaitement son corps. « L’expérience lui permet d’avoir une sensibilité aiguisée sur elle-même. Elle parvient à mieux gérer ses besoins », poursuit l’homme de 55 ans qui vient de prendre Malorie Blanc sous son aile. « Malorie, c’est différent, elle est encore très jeune et a beaucoup à apprendre, notamment pour trouver une indépendance dans ses choix par rapport à ce qu’elle ressent. Ce qui est normal, puisqu’elle découvre tout cet environnement. »

« Malorie Blanc? la réathlétisation la plus facile de ma carrière »

Avec la talentueuse skieuse d’Ayent, Florian Lorimier veille à ne pas mettre la charrue avant les bœufs, surtout que la vice-championne du monde a vu son genou gauche détruit il y a moins d’une année après une chute en Coupe d’Europe à Crans-Montana. « On discute beaucoup avec Marcello (ndlr: Tavola, l’entraîneur en chef du groupe de vitesse élite à Swiss-Ski). Il faut éviter la surcharge et la fatigue. L’accident de l’an dernier a donné une leçon à tout le monde. »

Toujours est-il que Florian Lorimier, comme tout le monde, est impressionné par la faculté de récupération de sa nouvelle protégée qui rivalise, onze mois après sa blessure, avec les meilleures skieuses de la planète. « Qu’elle soit capable de faire le pas en Coupe du monde, on s’y attendait, même cette saison, mais je suis surpris par le timing. On est tôt par rapport à un retour de blessure. »

Avec Malorie Blanc, le Neuchâtelois avoue avoir été confronté à « la réathlétisation la plus facile » de sa carrière d’entraîneur. « Dès fin octobre, début novembre, Malorie pouvait faire de vrais entraînements. Mais elle n’a pas brûlé les étapes non plus, on s’est à chaque fois fixé des objectifs intermédiaires qui ont permis une progression linéaire. Au final, en concertation avec les coaches, la décision de son retour sur les skis et de sa participation aux différentes courses du début de saison me revenait. »

Poursuivre en Coupe du monde

Son retour aussi rapide que brillant a ainsi modifié le programme pré-établi de Malorie Blanc. Si elle devait dans un premier temps retourner en Coupe d’Europe après les épreuves de vitesse de Cortina d’Ampezzo ce week-end, elle restera finalement sur le circuit de Coupe du monde la semaine prochaine à Garmisch-Partenkirchen, avant de prendre la direction des Championnats du monde. Et à Saalbach, comme à Sankt Anton et à Flachau, Malorie Blanc et Camille Rast sont prêtes à briller encore de mille feux. L’Autriche leur va si bien.

Johan Tachet