Il avait promis de venir un jour sur le plateau, il a tenu sa promesse. En ce début de semaine, le secrétaire général de la fédération internationale de ski et snowboard (FIS) Michel Vion était l’invité de l’Après-Ski. En compagnie de l’ancien entraîneur de Coupe du monde Patrice Morisod, ils n’ont esquivé aucune thématique. Des Mondiaux de Crans-Montana 2027 au fiasco des courses de Zermatt, en passant par le calendrier de la Coupe du monde et l’avenir du ski alpin.

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Mondiaux de Crans-Montana 2027: «Beaucoup de concessions faites»

Mi-septembre, Crans-Montana et la FIS ont enfin signé le contrat d’accueil des Championnats du monde 2027, deux ans après l’élection de la station du Haut-Plateau comme hôte du plus grand événement planétaire de ski alpin. Deux mois plus tard, les tensions demeurent à la suite des oppositions à la construction de la zone d’arrivée. «Nous suivons le dossier de près», assure Michel Vion, le numéro deux de la FIS. «On va donner le temps au temps, sans imposer de délai. Les travaux débuteront en avril ou mai. Si ce n’est pas le cas, nous fixerons une date limite, car on ne peut se permettre, deux ans avant l’événement, de ne pas être prêt.» Le Français certifie qu’il n’y actuellement aucun plan B, «mais si nous constatons que Crans-Montana ne trouve pas de solution, il faudra en établir un rapidement».

La FIS se veut «confiante», toutefois elle reste «exigeante» et «vigilante». «Pour le moment, nous sommes dans le dialogue et l’accompagnement, mais nous avons déjà fait beaucoup de concessions», rappelle Michel Vion. «Le projet initial était bien plus grand. On a demandé aux organisateurs de la réduire pour éviter des dépenses inutiles. À minima, cette zone d’arrivée doit être construite.» Celle-ci doit comprendre un bâtiment pour le chronométrage et les médias, ainsi qu’un parking devant accueillir les différentes équipes, les télévisions et leurs camions. «On ne peut avoir des infrastructures qui ne correspondent pas aux standards des Championnats du monde, avec des protocoles et des cahiers des charges bien établis. Sinon, on organise une simple Coupe du monde.»

Patrice Morisod «comprend la frustration de la FIS», mais l’ancien chef de piste des courses de Coupe du monde dames de Crans-Montana reste optimiste. «Pour la FIS, il va désormais être plus facile de travailler avec Vail Resorts.» L’entité américaine avait racheté en mai dernier 84% des parts des remontées mécaniques CMA. «Ils ont l’expérience des Championnats qu’ils ont organisés deux fois en vingt ans chez eux. Ils vont contribuer à faire de ces Mondiaux une grande réussite ici.»

Michel Vion était l’invité exceptionnelle de l’Après-Ski. (Sabine Papilloud/Le Nouvelliste)

Coupe du monde à Zermatt: «C’était trop risqué»

Initialement prévue pour lancer la saison de vitesse en 2022 et 2023, la Coupe du monde à Zermatt/Cervinia n’a finalement pas pu se tenir. La raison: des conditions météorologiques trop imprévisibles à très haute altitude. En conséquence, Zermatt a été retirée du calendrier de la Coupe du monde. «La FIS s’est précipitée dans ce projet. Zermatt n’a pas eu le temps de se préparer correctement», explique Patrice Morisod. «Visuellement, ce projet était superbe. Sportivement, il a montré ses limites. On sait qu’à la fin octobre et début novembre, les conditions sur un glacier sont particulièrement difficiles.»

Un nouveau projet 100% suisse est actuellement en développement du côté du Gornergrat. «Des discussions ont eu lieu, et des responsables de la FIS ont visité le site. Apparemment, il reste encore beaucoup de travail avant qu’une descente de Coupe du monde puisse y avoir lieu», confie Michel Vion. «Il y a longtemps, des épreuves de Coupe du monde se sont déjà déroulées sur cette piste, mais elle doit être totalement réaménagée.» Bien que l’année 2027 soit évoquée pour accueillir les premières épreuves, cette échéance semble incertaine selon le Français. En revanche, Patrice Morisod reste optimiste: «Lorsque Zermatt se lance dans un projet, il met tous les moyens nécessaires. Les choses peuvent avancer rapidement.» Cela est d’autant plus vrai si l’on considère les relations proches entre Franz Julen, responsable des compétitions à Zermatt, et Johan Eliasch, président de la FIS. «Ce sont des amis de longue date», confirme Michel Vion, qui reconnaît que la FIS a besoin de stations emblématiques comme Zermatt. «Nous recherchons des sites iconiques, qui vont au-delà du sport, qui ont une vraie signification. Zermatt fait évidemment partie de ceux-là.»

Cependant, la piste de Zermatt devra répondre à des critères stricts en termes de sécurité, d’attractivité et de difficulté. De plus, la période choisie pour la course reste un point sensible. À ce jour, la fin de saison, soit fin mars ou début avril, est envisagée. Mais selon Vion, «c’est impossible pour des raisons économiques. Dès le 20 mars, plus aucune chaîne de télévision ne s’intéresse à la retransmission de ski alpin, car d’autres sports prennent le relais. Il faut être clair à ce sujet.»

Les échanges ont été animés et intéressants entre Michel Vion et Patrice Morisod. (Sabine Papilloud/Le Nouvelliste)

Le calendrier: peu de marge de manœuvre

La problématique du calendrier est récurrente d’année en année. Trop de voyages, trop de courses, trop de blessures font partie des critiques émises par les athlètes. Ces derniers ont écrit une lettre la saison dernière pour demander des changements et ont été entendus par la FIS. «Plusieurs constats ont été faits», explique Michel Vion. «Nous avons ainsi pris la décision cet hiver de ne pas faire trois courses de vitesse le même week-end et, au maximum, de ne pas doubler les disciplines, comme deux géants dans une même station.»

Pour Patrice Morisod, le calendrier de cette saison est «équilibré». «La FIS a bien travaillé avec Sölden, la Scandinavie à Levi puis l’Amérique du Nord.» Michel Vion explique que «80% des dates du calendrier masculin sont des classiques qui reviennent annuellement entre décembre et février». Selon le secrétaire général de la FIS, ce sont une dizaine de stations qui se trouvent sur liste d’attente. «Des organisateurs comme Soldeu en Andorre ou Bansko en Bulgarie sont méritants. Nous avons alors aucune marge de manœuvre pour aller au Japon, en Chine ou en Corée. Si on y va, c’est pour 15 jours. Mais au détriment de qui? De la Norvège, de la Suède, de la Suisse?», questionne-t-il. «On privilégie aussi des stations qui ont l’habitude et les standards pour organiser des courses de Coupe du monde.»

Dès lors, on est encore loin de voir une Coupe du monde annualisée avec des saisons qui débuteraient en été déjà en Amérique du Sud, comme cela avait été le cas à deux reprises au Chili au milieu des années 1980. «C’est sur la table car toutes les équipes s’y entraînent», mentionne Michel Vion, cependant cela reste compliqué d’un point du vue logistique et financier. «Entre Ushuaïa en Argentine et Portillo au Chili, il y a 2000 km, sans parler de la Nouvelle-Zélande. Mais est-ce qu’il y a de l’intérêt ici dans le Nord ? Est-ce que l’on vend du ski au mois de septembre? Au même titre qu’aucune télévision n’est preneuse pour des courses en avril.»

Sur le plateau de l’Après-Ski. (Sabine Papilloud/Le Nouvelliste)

L’avenir: doubler ou tripler les prize money

Alors que le Japon et la Chine pourraient devenir des destinations potentielles pour une étape de la Coupe du monde, Dubaï ne figure pas encore au programme. Et ce, malgré le fait que des épreuves FIS y soient déjà organisées dans des dômes. «Il n’est pas question de transgresser les règles de dénivelé, notamment. Et où installer le public? À moyen terme, il n’est donc absolument pas envisageable d’organiser des courses dans des dômes là-bas», explique Michel Vion.

La FIS travaille ainsi sur d’autres aspects pour développer son produit. Avec de nouveaux formats de discipline, trois manches en slalom ou des descentes sprint? «Quand on a essayé d’innover, on s’est souvent trompés », souligne Patrice Morisod. L’ancien entraîneur de Coupe du monde, qui a d’ailleurs travaillé sous la direction de Michel Vion à la tête de la fédération française de ski, pense qu’il est nécessaire de toucher un autre facteur pour attirer encore plus d’attention: les finances. «Il faut investir dès la base, notamment en Coupe d’Europe. À ce niveau, les cinq premiers du classement se partagent… 2300 francs.»

Si les skieurs gagnent davantage en Coupe du monde, leurs récompenses restent bien en deçà de celles d’autres disciplines. À titre de comparaison, Mikaela Shiffrin et Clément Noël, qui ont remporté le slalom de Gurgl le week-end dernier, ont chacun empoché 47 000 euros. En revanche, dans un tournoi de Grand Chelem de tennis, un joueur éliminé au premier tour reçoit… 62 000 euros.

«Oui, mais ce joueur doit payer son hôtel, son entraîneur, son masseur, son kiné, son médecin, son attaché de presse… Dans le ski, toutes ces dépenses sont couvertes par les associations», précise Michel Vion. Toutefois, il reconnaît que le ski doit faire des efforts pour devenir plus attractif et attirer davantage de sponsors. «Cela est très clair dans l’esprit du président Eliasch: il souhaite augmenter les prize money. Son objectif est de les doubler, voire de les tripler. Pour cela, même si des progrès ont déjà été réalisés, le ski doit être mieux filmé, mieux diffusé à la télévision et les droits doivent être centralisés.»

Johan Tachet & Gregory Cassaz/Le Nouvelliste


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