Dans l’aire d’arrivée du slalom de Semmering, Michelle Gisin exulte après avoir remporté son premier succès en Coupe du monde. Autour de l’Obwaldienne, qui venait tout juste de réaliser une démonstration sur la piste autrichienne pour mettre fin à 18 ans de disette dans la discipline pour le clan suisse, c’est tout une équipe qui jubile. “C’était bon sur place. On a fêté plus qu’un peu”, rigole Denis Wicki.

Denis Wicki est l’un des hommes proches de Michelle Gisin. Voici huit ans que l’entraîneur valaisan se trouve aux côtés de la skieuse d’Engelberg. A l’époque, alors que Mikaela Shiffrin, du haut de ses 16 ans, enquillait ses premiers podiums, la Suissesse débarquait sur la pointe des spatules en Coupe du monde. “Michelle se trouvait au 250e rang mondial du classement FIS”, se rappelle celui qui a immédiatement décelé le potentiel de sa nouvelle protégée. “Elle avait déjà beaucoup de cœur, l’envie de travailler, la passion et surtout un toucher de neige extraordinaire.”

Des premiers podiums en vitesse

Un diamant brut à polir, même si pour Denis Wicki, Michelle Gisin était à l’époque “loin du compte”, pour immédiatement rivaliser avec les meilleures slalomeuses de la planète. “Il a fallu construire les bases techniques, travailler dans l’humilité et avancer étape par étape.” Même si elle intègre rapidement le top 10 mondial en slalom, l’Obwaldienne peine à franchir le cap pour s’approcher des podiums. Mais sa technique attire les convoitises des entraîneurs suisses de vitesse, qui entendent renouveler le groupe, et de sa sœur Dominique qui émettent l’hypothèse que Michelle Gisin a davantage de chance de s’affirmer aux avant-postes en descente et en super-G. C’est d’ailleurs en combiné en 2016 à Val d’Isère, puis en descente à Lake Louise et en super-G à Saint-Moritz en 2017 qu’elle signe ses premiers podiums en Coupe du monde, sans oublier son titre olympique du combiné à PyeongChang quelques mois plus tard.

“La convaincre de ne pas abandonner la technique”

Entre temps, Denis Wicki insiste pour que Michelle n’abandonne pas pour autant les disciplines techniques, “même si nous ne pouvions plus faire 10000 portes au mois de décembre comme c’était le cas au début de sa carrière sur le circuit. Il était nécessaire de la convaincre qu’elle pouvait être performante dans toutes les disciplines”. Message reçu et l’hiver dernier elle réalise ses résultats les plus probants jusqu’ici en slalom en grimpant notamment sur son premier podium à Lienz. 

Denis Wicki est l’entraîneur de Michelle Gisin. (SkiActu)

“L’an passé, sa sœur l’avait un peu poussée à viser un Globe de cristal en vitesse. Mais ça n’a pas fonctionné. Ce sont des choses qui ne peuvent se calculer.” D’autant plus qu’à l’entraînement, Michelle Gisin rivalise totalement avec Wendy Holdener tant en slalom qu’en géant. Des performances qui se traduisent également en Coupe du monde où l’Obaldienne a intégré le top 7 mondial dans les deux disciplines ces derniers mois. “Je la voyais progresser et j’étais certain qu’elle allait obtenir une première victoire en géant avant le slalom”, sourit Denis Wicki.

Le clin d’œil du destin à Semmering

Mais comme un clin d’œil au destin, c’est ce mardi 29 décembre 2020, huit ans après son premier départ ici-même à Semmering, que Michelle Gisin a remporté le premier succès de sa carrière sur le front de la Coupe du monde. Sous les cieux autrichiens, toutes les étoiles étaient alignées. “Tu te dis normalement que Shiffrin et Vlhova sont tellement fortes que cela va être difficiles. Alors quand il y a une opportunité, une ouverture, il faut la saisir.” N’est-ce pas alors Denis Wicki qui a piqueté le second tracé du slalom mardi soir au moment où Michelle Gisin avait réalisé le 2e chrono sur le premier parcours. “Plein de gens avaient peur de ce que j’avais mis en place, mais j’ai tracé le parcours en étant confiant des qualités de Michelle et de Wendy.” C’est une démonstration que réalise alors la skieuse d’Engelberg sur le parcours de son entraîneur de toujours pour enlever des tabelles une certaine Marlies Oester, dernière Suissesse à avoir remporté un slalom en 2002.

Michelle Gisin a signé un premier succès helvétique en slalom depuis 18 ans. (Christophe Pallot/Zoom)

“C’était une monstre émotion. Je ne pensais pas que Michelle serait aussi forte. Planter le dernier clou n’est jamais évident”, glisse, ému, Denis Wicki. “Ca valide tout le travail réalisé ces huit dernières années. Ca a pris du temps, mais il fallait ce temps-ci pour que Michelle grandisse et mûrisse.” A côté de Michelle Gisin, Wendy Holdener, 5emardi, est toute aussi heureuse pour sa compatriote et amie. Elle, qui a pourtant signé 24 podiums en slalom sans jamais parvenir encore à s’installer sur la plus haute marche du podium. “Cette victoire va également libérer Wendy qui va pouvoir se décharger un peu de la pression qui pesait sur ses épaules.” Et Denis Wicki en est certain, Wendy Holdener va revenir à la chasse aux podiums “d’ici deux à trois semaines”.

Prochain objectif: un podium en géant

Reste que Michelle Gisin se pose désormais comme la leader de l’équipe de Suisse, elle qui est capable de s’imposer dans toutes les disciplines. Récemment, Mikaela Shiffrin avouait que la Suissesse figurait parmi les favorites pour remporter le grand Globe de cristal. “Elle est en confiance dans ce qu’elle met en place, ça devrait donner une bonne fin de saison.” Mais Denis Wicki temporise également. “Si tu te projettes, tu es mort. L’objectif sera de monter sur un podium en géant, le dernier qui lui manque. Mais Michelle a les pieds sur terres, elle sent qu’elle a la capacité de franchir encore un cap, et il faut qu’elle prenne manche après manche.”

Et la prochaine sera dimanche pour le slalom de Zagreb où Michelle Gisin entend une nouvelle fois briller sous les étoiles croates en dansant entre les piquets. 

Johan Tachet