Janvier 2020 marquera un tournant pour le ski-alpinisme, reconnu par le CIO en 2015, et qui deviendra le huitième sport au programme des Jeux olympiques de la jeunesse. Une reconnaissance pour la discipline toujours plus populaire chez les amateurs et qui tend à se professionnaliser au sein de l’élite. Toutefois, ce premier pas en avant vers l’olympisme a rapidement été freiné l’an dernier par ce même comité olympique qui, à l’image du télémark, a refusé d’introduire le ski-alpinisme aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022.

Dans le milieu, la décision n’a pas laissé insensibles les athlètes qui sont très partagés sur l’envie ou non de voir leur sport intégrer un jour le tout-puissant monde de l’olympisme. « Une majorité des athlètes étaient pour son introduction », mentionne Maximilien Drion. Le jeune coureur valaisan de Vercorin, qui concourt pour sa Belgique natale et qui vient d’être médaillé de bronze espoirs aux Mondiaux de Villars, connaît bien le dossier, lui qui est désormais représentant des athlètes auprès de l’ISMF (Fédération internationale de ski-alpinisme). « Ce que nous voulons avant tout c’est que l’on garde l’esprit de notre discipline. » En d’autres termes, beaucoup ont peur, sûrement à raison, que le ski-alpinisme soit dénaturé par une connotation olympique.

Des athlètes délaissés par la Fédération

« Aujourd’hui, il y a un souci car on a parfois l’impression que l’ISMF délaisse les athlètes pour se concentrer sur ce désir olympique », poursuit Maximilien Drion dont l’objectif est « de replacer les athlètes au centre du sport » dans son combat. En effet, la fédération internationale de ski-alpinisme a signé un contrat de quatre ans avec la Chine pour y organiser des épreuves de Coupe du monde dans l’optique d’une intégration dans le programme olympique de Pékin. Or, il n’en a rien été. « Désormais, nous devons y retourner chaque année. Et la Chine n’a pas la culture du ski-alpinisme », explique la Genevoise Déborah Chiarello, récente médaillée de bronze mondiale du sprint. « Lorsque nous nous y sommes rendus l’année dernière, on avait l’impression de skier sur des pistes canonnées, et non pas sur  de la neige naturelle, sans compter les nombreux problèmes de chronométrage durant la compétition. »

Maximilien Drion rappelle que le ski-alpinisme est une discipline qui se court « au cœur de la montagne, et non pas sur des pistes de ski ». « On n’a pas besoin de pistes damnées et de remontées mécaniques, ce que l’on aime c’est faire notre propre trace dans la poudre. »

Des sprints plus télévisuels et spectaculaires au détriment de la tradition?

Autre élément de crainte pour les athlètes: que les courses individuelles, essence même de la discipline, soient oubliées au détriment des sprints et des verticales, plus spectaculaires. « Personnellement, je suis une puriste, j’aime les parcours techniques et les belles courses. J’espère simplement que l’on ne va pas seulement pratiquer des sprints », souligne Jennifer Fiechter, 7e de l’individuel des Mondiaux de Villars et titrée sur la Patrouille des Glaciers l’an dernier avec Axelle Gachet-Mollaret et Laetitia Roux, qui met le doigt sur la problématique de retransmission des compétitions. « Il est naturellement plus aisé de filmer une course sprint qu’une individuelle. »

D’ailleurs, le sprint des Championnats du monde qui s’est déroulé dimanche dans la station des Préalpes vaudoises a été diffusé en live streaming sur internet, au contraire de l’individuel mardi. « Avec les moyens actuels, les drones, les caméras, les GoPro, on peut faire de belles choses », continue Jennifer Fiechter en citant l’exemple de la fameuse Pierra Menta « qui fait de belles images », sans oublier la Patrouille des Glaciers qui a eu droit à plusieurs heures de direct l’année dernières sur certaines chaînes de télévision romandes. « Il faut simplement se donner les moyens et prendre des risques. »

Devoir médiatiser la discipline

Il est clair que le ski-alpinisme a besoin d’être davantage médiatisé et que des efforts doivent être entrepris afin que les athlètes puissent se professionnaliser et que le sport attire plus de sponsors. « On est obligé de passer par là pour nous faire connaître, pour avoir plus de monde encore. Et il y a passablement de chemin à faire avant d’arriver aux JO », estime Déborah Chiarello, suivie dans son raisonnement par le Fribourgeois Rémi Bonnet, autre grand espoir romand du ski-alpinisme mondial. « Pour le moment, notre sport n’est pas encore prêt à aller aux Jeux. Quand on voit comment sont organisées certaines Coupe du monde… Il faudrait déjà que l’on puisse profiter d’un circuit Coupe du monde qui soit bien agencé. »

Toutefois, on regarde vers l’avenir et chacun estime que d’ici 2026, le ski-alpinisme peut gagner sa place dans le programme olympique. Reste une ultime interrogation dans un processus semé d’embûches: qui sera l’organisateur des joutes hivernales cet hiver-là? « Si c’est Stockholm, il est clair que le ski-alpinisme ne sera pas aux Jeux », analyse Maximilien Drion. « Par contre, si la candidature Milan-Cortina passe, la fédération italienne aurait tout intérêt à faire le pressing pour que notre sport soit inscrit si elle souhaite gagner quelques médailles dans une discipline qu’elle domine. »

Un premier élément de réponse quant à une éventuelle intégration olympique du ski-alpinisme interviendra en juin, où à Lausanne sera désignée la ville hôte des Jeux olympiques 2026.

Johan Tachet, Villars