C’est dans l’imposant lobby de l’immense « Château », l’hôtel dans lequel résident l’ensemble des acteurs de la Coupe du monde de ski alpin, que Justin Murisier s’est confié à la veille de sa première descente sur le Cirque blanc. Déçu et quelque peu résigné de ne pas avoir pu lancer sa quête des sommets dans la discipline reine dès vendredi après l’annulation de la première épreuve vendredi en raison des chutes de neige, la Bagnard est d’autant plus motivé pour samedi.
Justin Murisier, comment se sont déroulés les derniers jours?
Je n’avais pas de pression lors du premier entraînement, qui servait uniquement à apprendre à connaître la piste. La qualification se jouait lors du second test, on le savait. Certains peuvent se sentir déçus, mais c’était clair pour tout le monde que ça allait se passer comme ça. On savait que le troisième entraînement allait sauter.
Est-ce que vous vous attendiez à obtenir cette place?
Sincèrement, je pensais que j’allais même être meilleur que ça. A l’entraînement, j’étais assez bien en vitesse (super-G et descente) à Copper Mountain (ndlr: la semaine précédente). J’ai surtout été surpris (en mal) de mon temps en demi-teinte lors du premier entraînement. Le deuxième, c’était plus logique car la visibilité a baissé au fur et à mesure. A la fin, on est parti dans le jour blanc. Mon temps moyen est donc plus logique. En tout cas, j’étais assez confiant, c’est cool. Pour l’instant, je n’ai tout de même aucune attente. Je ne vise pas un résultat en particulier. Mon but, c’est de prendre de l’expérience. Il en faut beaucoup en descente. Ces pistes, il faut les faire plusieurs fois pour être rapide. Je suis là pour ça. J’espère aussi pourquoi pas pouvoir courir à Beaver Creek.
Votre amour pour la descente, ça fait longtemps que vous en parlez. Qu’est ce qui a changé pour que vous vous lanciez vraiment cette fois?
J’ai toujours voulu avoir au moins une deuxième discipline. A l’époque du slalom, c’était le géant. J’avais toujours une blessure qui arrivait lorsque je me préparais pour arriver dans ma deuxième discipline. L’année ou les deux années qui suivent la blessure, t’es obligé de te consacrer à ta discipline phare car tu ne peux pas t’éparpiller. Là, c’est la troisième saison que je vais skier sans blessure et donc j’ai pu investir un peu plus de temps en super-G. C’était clair que j’allais aller dans ce sens plutôt qu’en slalom. A l’entraînement, j’ai été rapide en descente en avril dernier, ce choix a du sens. Mais ma priorité reste en super-G et en géant.
Vous êtes rapide en descente. Peut-on donc s’attendre à vous voir performer en super-G?
A l’entraînement, je skie bien, notamment lors de la première manche, à l’instinct. C’est bon signe vu qu’il n’y a pas d’entraînement en super-G comme en descente. J’espère arriver à montrer ce que je sais faire en course. Mais je ne me mets pas de pression. Je n’ai pas d’objectif chiffré précis. En super-G, si je skie mon ski et que les pistes sont bien préparées, il y a moyen de jouer dans le top 15, voire mieux. Mais après, c’est aussi possible que ça ne passe pas à Lake Louise. Je n’ai pas d’objectif fixe. Le but, c’est d’emmagasiner de l’expérience. En janvier, on verra où j’en suis, mais j’espère quand même être bien installé dans les 30.
Avec Pékin dans le viseur?
Pourquoi pas, oui.
La bonne nouvelle, c’est que d’ici une dizaine de jours, vous devriez déjà avoir trois super-G dans les jambes...
Oui, c’est bien, dont deux sur une piste technique à Beaver Creek. C’est à notre avantage à nous, les géantistes. Je pense que les portes sont ouvertes pour les Jeux, mais il ne faut pas non plus se faire de film trop tôt. Mauro (Caviezel) et Urs (Kryenbühl) vont revenir en forme. Il y a quand même du monde avec aussi Marco (Odermatt), Loïc (Meillard) et Gino (Caviezel). On est tous assez bons. Je fais ma saison, ma carrière et je ne regarde pas trop ce que font les autres.
Loïc Meillard a aussi évoqué la possibilité de venir en descente à moyen terme. Pourquoi vous avez franchi le pas et lui pas encore?
Déjà, j’ai 29 ans. Loïc est plus jeune et skie très bien en slalom en ce moment. Il peut gagner dans cette discipline. Ce serait dommage de précipiter le saut en descente pour perdre de la qualité en slalom. Lui, avec les trois disciplines, il peut jouer le grand Globe. Moi, ça n’entre même pas en considération. On n’a pas les mêmes optiques de carrière. Personnellement, je veux déjà faire le pas en géant pour intégrer vraiment le top 7 et viser plus régulièrement les podiums. En super-G aussi d’ailleurs.
Le combiné à Pékin reste-t-il un objectif?
Je ne vois pas aussi loin. Je me concentre l’instant présent. J’ai assez à faire avec les courses à venir prochainement. Je ne suis pas encore qualifié pour les Jeux. Je dois déjà faire des bons résultats en géant et en super-G. Après, si j’y suis, c’est clair que je vais faire le combiné. C’est à 100% sûr que je ferais le combiné et le géant. Les autres disciplines seront du bonus.
A quel point est-ce utile d’aller au Canada en début de saison?
C’est agréable de toute manière car la Coupe du monde de ski doit se passer autour du monde. Le seul point négatif, c’est que l’intérêt pour le sport est limité ici. Ça se sent car il n’y a pas grand monde pour travailler sur la piste. C’est un peu dommage d’avoir des courses annulées. Mais ça reste un petit détail à régler. Le reste de l’organisation est très bon. On accepte cette situation.
Laurent Morel, Lake Louise