C’est avec un immense sourire, malgré l’annulation de ce qui aurait dû être sa première course de Coupe du monde, que Yannick Chabloz a accepté de profiter de son jour de repos forcé pour évoquer sa carrière et ses ambitions. Samedi, si la météo est conforme aux prévisions, le skieur de Beckenried pourra enfin s’élancer pour la première fois parmi les tous grands, lors de la descente de Lake Louise. Histoire de prouver qu’il possède désormais sa place dans l’élite, à 22 ans.

“Ça fait plaisir d’être là, c’est sûr, entame l’athlète aux deux parents vaudois, qui a grandi dans le canton de Nidwald. Venir au Canada, c’est génial pour moi. Lorsque j’ai appris la nouvelle, que nous venions toute l’équipe, c’était presque un rêve qui se réalisait. Venir ici pour skier, pour faire mon métier, c’est incroyable!” Les étoiles dans les yeux du jeune homme continueront de briller durant les 45 minutes de l’entretien dans l’imposant et luxueux “Château” dans lequel sont hébergées les équipes.

Car il était surtout prévu que Yannick Chabloz se concentre cet hiver sur la Coupe d’Europe. Mais avec les absence d’Urs Kryenbühl et Ralph Weber, interdits d’entrer au Canada car non-vaccinés, couplées à celles de Carlo Janka, blessé, et de Mauro Caviezel, qui souffre encore des séquelles de sa commotion subie l’hiver passé, le talentueux athlète a su se faire sa place. “Ici à Lake Louise, on s’est d’abord dit que j’allais faire les entraînements, puis la qualification, puis je l’ai passée donc je suis super content, raconte-t-il. C’est une bonne surprise même si je savais que c’était possible. J’étais bien aux entraînements et je me disais pourquoi pas. Je suis très heureux d’avoir su saisir ma chance. Je vis mon rêve.”

Avec son dossard 47, Yannick Chabloz sera le premier skieur romand a prendre le départ d’une descente de Coupe du monde depuis Didier Défago il y a plus de 6 ans lors des finales de Méribel. “Je ne m’en n’étais pas du tout rendu compte, avoue celui qui veut profiter de sa chance. C’est ma première fois en Amérique du Nord. C’est même la première fois que je fais un grand voyage pour le ski. J’étais allé aux Universiades en Russie, c’est tout. C’est vraiment fabuleux d’être là. Je pourrais m’habituer à venir ici chaque année et je me réjouis de revenir.” Car il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Un groupe de vitesse romand et ambitieux

Après avoir débuté en technique, le natif d’Aigle s’est concentré sur la vitesse il y a deux saisons. “J’aimais beaucoup le slalom plus jeune mais j’avais beaucoup de problèmes de dos dans la discipline. En vitesse, ça allait toujours très bien et j’avais toujours du plaisir à en faire. Dès que je suis entré dans le groupe du Coupe d’Europe avec Franz Heinzer, je me suis dit que c’était ça que j’aimais faire. On s’entraîne encore beaucoup en géant et dans les disciplines technique pour garder cette base très importante aussi en vitesse. J’ai trouvé ma place ici. Je suis très heureux avec ce que j’ai atteint. Cette ambiance qu’on a dans le groupe de vitesse et cette adrénaline lorsque tu découvres la première fois une piste de descente, c’est quelque chose que t’as moins dans les disciplines techniques.”

D’ailleurs en Coupe du monde, les pistes sont plus exigeantes qu’au niveau inférieur. “Après la reconnaissance ici à Lake Louise, je me suis dit que ça allait envoyer du lourd alors qu’on dit souvent que c’est une piste plutôt simple, raconte-t-il. Il faut engranger de l’expérience sur ces tracés, il n’y a pas d’autre solution.” Alors pourrait-on retrouver encore le vice-champion de Suisse de la discipline la semaine prochaine à Beaver Creek, qui devrait accueillir quatre courses? “On verra après la descente. Un résultat peut tout changer. Si je fais une bonne course, pourquoi pas faire les entraînements là-bas.”

Yannick Chabloz a réussi le 23e temps du deuxième entraînement à Lake Louise. (Christophe Pallot/Zoom)

Cet hiver, Yannick Chabloz ne veut pas non plus brûler les étapes: “Je prévois de jongler entre la Coupe d’Europe et la Coupe du monde. En Suisse, on a beaucoup de bons skieurs. Notre but (ndlr: il se met dans le même panier qu’Arnaud Boisset et Alexis Monney), c’est d’obtenir une place fixe en Coupe du monde via la Coupe d’Europe. C’est important de découvrir ces pistes de Coupe du monde si t’en as l’occasion, mais je vais aussi mettre l’accent sur la Coupe d’Europe.”

“Mon frère Maxime est ma plus grande idole”

Histoire de continuer de marcher dans les traces de son illustre pote nidwaldien, Marco Odermatt, qu’il a souvent côtoyé chez les jeunes. Ou de son frère Maxime, lui aussi issu de cette famille très sportive, parmi les meilleurs mondiaux en kitesurf et en ski freeride. “Dans la famille, ça va vraiment bien en ce moment, rigole le skieur alpin. On est bien lancé et on croise les doigts pour qu’il n’y ait pas de blessure.” D’ailleurs, les deux frères peuvent compter sur le soutien l’un de l’autre. “Avec Maxime, on s’entend vraiment bien, explique Yannick. On est les deux un peu solitaires, on ne s’écrit pas tous les jours mais dès qu’il y a quelque chose d’important, on se soutient. Je peux beaucoup apprendre de lui et lui de moi. On a des caractères très différents. J’ai toujours été le bosseur. Lui fait vraiment ce qu’il a envie de faire et il le fait bien. C’est quelque chose que je peux apprendre de lui. Je me souviens quand il était petit, il disait que j’étais un de ses idoles et maintenant je dis la même chose de lui.” Le poster de Didier Cuche qu’il a dans sa chambre n’a qu’a bien se tenir. “Mon frère, c’est ma plus grande idole, avec peut-être Marco (Odermatt) et Roger Federer, comme tout le monde. En fait, tous ceux qui sont meilleurs que moi sont mes idoles, alors je chercher à apprendre d’eux.”

Autant Romand qu’Alémanique

Plein d’humilité, le troisième des Championnats du monde juniors en 2020 skie d’ailleurs sur Nordica, qui équipe peu de skieurs en comparaison des grandes marques du circuit: “Je suis là où je suis grâce à cette marque. Les skis de vitesse vont plutôt bien. Pour moi, c’est un avantage de ne pas avoir beaucoup d’athlètes. Je sais que j’obtiens parfois plus facilement du bon matériel. Après, il faut aussi plus investir dans ce qui est le développement. Mais je suis vraiment très content des skis de descente et de super-G en ce moment. Surtout que si tu me compares à un (Dominik) Paris (qui est le leader de la marque), il faut un autre modèle car il fait plus de 100 kg et moi je suis plutôt autour des 80 kg.”

S’il peut encore finir de sculpter sa silhouette de descendeur, Yannick Chabloz sait sur quoi il peut encore travailler. “Je suis un athlète qui sait comment aller vite et j’essaie de faire des virages rapides mais je fais souvent des petites fautes. Des fois, je devrais plus skier avec la tête. Ça va venir avec l’expérience.” De quoi rapprocher encore un peu plus des sommets celui qui a coup sûr fera l’unanimité des deux côtés de la Sarine. “Si je vais chercher une médaille aux Jeux olympiques un jour, ce sera pour la Suisse, pas pour la Suisse romande ou la Suisse allemande.”

Laurent Morel, Lake Louise