Lorsqu’il a « vu du vert » en arrivant au terme de sa deuxième manche, Daniel Yule pouvait jubiler, même s’il a dû encore patienter quelques secondes avant de fêter sa 4e victoire en carrière. Si la majorité des 18’000 spectateurs présents ce dimanche dans l’aire d’arrivée de Kitzbühel auraient préféré voir l’un des leurs s’imposer, ils n’ont pu qu’apprécier le spectacle présenté par le patron. Vainqueur d’un troisième slalom cette saison après Madonna di Campiglio et Adelboden, le skieur du val Ferret est le premier Suisse à s’imposer dans la discipline ici depuis Dumeng Giovanoli en… 1968. Il confirme qu’il est en très grande forme, que son matériel fonctionne à merveille, et surtout que la piste autrichienne lui convient parfaitement.
« Le rêve devient réalité »
« C’est ici que j’ai pris part à ma première Coupe du monde (ndlr: en 2012), rappelle-t-il. C’est également sur cette piste que j’ai réussi mon premier top 10 (en 2014) et que je suis monté sur mon premier podium (en 2018). J’ai une relation particulière avec cette piste et c’est génial de pouvoir m’imposer à Kitz! » La voix remplie d’émotions, le Valaisan de 26 ans peinait à réaliser, quelques minutes après son exploit: « Vraiment, je ne me rends pas compte. Quand on est enfant, on ose à peine en rêver et là, le rêve devient réalité. C’est un mythe, la course légendaire par excellence ».
Pour gagner, Daniel Yule a su mettre la pression sur le Norvégien Lucas Braathen, surprenant vainqueur de la première manche. « Il n’y a que l’attaque à outrance qui fonctionne dans cette situation, explique-t-il. Je peux dire un grand merci à Matteo (ndlr: Joris) d’avoir tracé cette deuxième manche. » L’entraîneur à succès des slalomeurs helvétiques a en effet su faire au mieux pour son protégé. « Je devais mettre en difficulté les jeunes car on a vu que lors de la première manche, plutôt simple, ils étaient très bien placés, précise l’Italien. Je connais un petit peu les distances que Daniel affectionne et ça a joué un rôle mais sincèrement, j’ai surtout tracé pour le plaisir sur cette très belle piste. »
Matteo Joris: « Daniel est vraiment fort dans la tête »
Si la pente qui caractérise cette piste convient parfaitement aux qualités de l’homme au bonnet vert, l’ambiance qui règne dans les grands rendez-vous lui a souvent permis de se transcender. « L’atmosphère me plaît beaucoup, confirme-t-il. Kitzbühel, c’est une des courses mythiques qu’on a envie de gagner. Avoir une cabine à son nom, c’est juste incroyable. On ne s’habitue pas à vivre des émotions comme ça, personnellement, je savoure à chaque fois. »
Car si aujourd’hui Daniel Yule est à la lutte pour le Globe de cristal de la discipline (il ne compte que 17 points de retard sur le leader Henrik Kristoffersen), il le doit aussi à sa constance. « Daniel est vraiment fort dans la tête. Il a envie de gagner et il va au bout. C’est un «killer», sourit Matteo Joris. Tout le monde doit s’en inspirer. Je pense qu’on est sur la bonne voie avec toute l’équipe d’ailleurs. Avec le niveau qu’il y a en slalom actuellement, c’est uniquement la tête qui fait la différence. » Le principal intéressé est du même avis: « Ma grande force, c’est de réussir à montrer mon ski au moment où ça compte. »
Avec le niveau actuel du slalom (les 30 premiers, dont ne faisait par exemple pas partie Loïc Meillard, pourtant considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la planète, se tenaient en 1″40 après la première manche) ne permet pas de calculer. « A l’entraînement, tout le monde skie à peu près dans les mêmes temps, poursuit Matteo Joris. Si on veut vraiment réussir un résultat, on doit attaquer sans respect. Il n’y a que ça à faire. » Et en ce moment, celui qui réussit le mieux à le faire, c’est Daniel Yule: « Maintenant qu’il a commencé à gagner, il a franchi un cap. C’est un gagneur et il monte d’un niveau en compétition. C’est la différence entre lui et les autres. »
Tanguy Nef: « Il faut garder la tête haute »
Les autres, ce sont notamment Ramon Zenhaüsern et Tanguy Nef. Le Haut-Valaisan a réussi une prestation correcte, sans jouer les tous premiers rôles ce dimanche. « Je n’ai pas vraiment eu de bonnes sensations aujourd’hui, a justifié le vice-champion olympique. Ça peut arriver. Si je vais mieux, j’avais mal au dos la semaine dernière et ça ne m’a certainement pas aidé. » Bon dixième sur le premier parcours, Tanguy Nef a lui enfourché sur le seconde tracé. « J’ai essayé d’attaquer et ça n’a pas payé mais ce n’est que partie remise, a déclaré le Genevois. Il faut garder la tête haute. J’espère désormais réussir deux manches pleines sans mettre trop de folie dans mon ski. » A la manière de ce que fait Daniel Yule en fait: « C’est incroyable, il est décontracté, en confiance et inarrêtable. Ça fait vraiment plaisir de le voir gagner ici et ça nous fait sourire dans l’équipe. C’est très inspirant. »
Désormais, tout ce beau monde va se rendre à Schladming avec des ambitions. Au programme, ski libre ou entraînement léger lundi avant le grand rendez-vous de mardi soir. « On adore surtout les courses en nocturne, se réjouit Matteo Joris. Les gars prennent beaucoup de plaisir. Ils vont à Schladming avec de la confiance et ils vont attaquer. » Daniel Yule aura une nouvelle occasion de briller. « C’est une magnifique course avec une ambiance de folie, souligne le héros du jour. La piste est aussi de toute beauté. C’est idéal pour essayer de continuer sur cette lancée. »
Laurent Morel, Kitzbühel